Les avocats du groupe CMS, représentés par le Bureau Francis Lefebvre en France, publient depuis 2008 une étude sur les clauses principales des opérations de fusion-acquisition qu’ils conseillent en Europe, d’une taille principalement inférieure à 100 M€. En tout 2 800 transactions sont passées au crible, dont 391 en 2015[1]. Des comparaisons avec des transactions similaires aux Etats-Unis sont faites.

Des clauses d’ajustement de prix sont présentes dans 78 % des transactions européennes.

Elles peuvent prendre deux formes :

·         Une clause d’ajustement du prix proprement dite qui permet de corriger le prix après le transfert des titres de l’entité cédée/acquise (le closing en franglais) sur la base des comptes arrêtés au closing par rapport au prix qui avait été convenu au moment de la signature du contrat d’acquisitions/cession des titres de l’entité (le signing). Les principaux facteurs d’ajustement sont la variation du besoin en fonds de roulement, la variation de l’endettement net, la variation du fonds de roulement propre[2] ou de l’actif net entre ces deux dates.

·         La locked box, mécanisme qui garantit à l’acheteur que depuis les derniers comptes qui lui ont été communiqués et sur la base desquels il a fixé son prix (comptes de référence), il n’y a pas eu de fuites au profit du vendeur (pas de dividendes versés, pas de commissions de gestion, pas de rachat d’actions). C’est la clause classique de gestion en bon père de famille depuis l’arrêté des comptes de référence[3].

En Europe, la moitié environ des transactions font l’objet d’une clause d’ajustement du prix proprement dit. Sur l’autre moitié, dans 56 % des cas un mécanisme alternatif de locked box est en place. Il donne une bonne garantie de visibilité aux vendeurs du prix net qu’ils percevront de l’acquéreur, ce que les fonds d’investissement apprécient pour pouvoir reverser au plus vite à leurs investisseurs le produit de la cession.

Ces deux mécanismes sont d’autant plus fréquents que la taille de la transaction est élevée : ils sont absents dans 27 % des transactions de moins de 25 M€, mais dans seulement 12 % des transactions de plus de 100 M€.

S’il n’y a plus d’écarts très significatifs entre les différents pays européens dans leur utilisation de ces mécanismes, la différence avec les Etats-Unis est frappante. Outre Atlantique, l’usage dans 86 % des transactions du mécanisme d’ajustement du prix (purchase price adjustment), réduit à la portion congrue la locked box.

Les clauses de compléments de prix basés sur la performance future de l’entreprise cédée (earn-out) progressent, mais ne sont présentes que dans un peu moins de 20 % des transactions européennes.

La taille de la transaction est un facteur déterminant de l’utilisation d’earn-outs[4] : on les trouve deux fois plus dans les transactions inférieures à 100 M€ (18%) que pour celles d’une taille supérieure à 100 M€ (8 %). Plus l’entreprise est petite, plus sa valeur est liée aux dirigeants et il est donc logique que l’acheteur tente de faciliter la transition et de se protéger contre une perte de valeur due au départ des dirigeants actuels en les incitant financièrement à rester pour bénéficier du mécanisme d’earn-out.

Sans surprise, c’est dans les secteurs les plus volatiles (sciences de la vie, technologies, media, télécom) que le recours au mécanisme d’earn-out est le plus fréquent : environ le quart des transactions. A l’inverse, il est le plus souvent totalement absent des secteurs à bonne visibilité comme les infrastructures et l’hôtellerie. Il n’y a alors pas d’enjeu puisque les résultats futurs sont perçus comme aisément prévisibles et assez indépendants des dirigeants en place.

Dans 39 % des cas, l’earn-out porte sur une durée supérieure à 24 mois :

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et est fonction principalement de l’EBE ou du résultat d’exploitation :

2

C’est en Allemagne (25 % des transactions) et en Europe du Sud (17 %) que les earn-outs sont les plus populaires. En revanche le Royaume-Uni (12%), la France (11 %), et les pays de l’Est (6%) y ont moins recours. Aux Etats-Unis, l’earn-out est présent dans plus du quart des transactions.

Des clauses de De minimis que l’on retrouve maintenant dans près de trois-quarts des transactions européennes.                                                

Cette clause prévoit qu’une réclamation individuelle n’est prise en compte que si son montant dépasse un certain chiffre appelé de minimis.

Très populaire au Royaume-Uni (on les trouve dans 84 % des transactions), elle l’est moins en Europe centrale et de l’Est et au Bénélux (68 %) et surtout en France (37 % en 2015, venant de 69 % en 2014). Aux Etats-Unis, le de minimis est loin de faire non plus l’unanimité (37 % des transactions prévoient une telle clause).

Dans un peu plus de la moitié des cas, le de minimis est inférieur à 0,25 % du montant de la transaction :

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Un seuil pour les réclamations dans 72 % des transactions, qui se traduit ensuite dans 80 % des cas par un paiement au premier euro et par une franchise égale au seuil pour 20 % des transactions.     

Au Royaume-Uni, au Bénélux et dans les pays de langue allemande, le mécanisme le plus fréquent est celui du paiement au premier euro des dommages subis une fois qu’un seuil (basket) est dépassé par le cumul des réclamations individuelles.

A l’inverse en France, dans les pays de l’Europe de l’Est et aux Etats-Unis, le système de la franchise prévaut (dans la moitié des transactions en France et 65 % aux USA) : l’acheteur n’est indemnisé qu’au-delà du seuil qui constitue ainsi une franchise.

On observe de surcroît qu’aux Etats-Unis le niveau de seuil moyen est beaucoup plus bas qu’en Europe, ce qui en fait, de ce point de vue, un pays moins favorable aux vendeurs.

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Seules 11 % des transactions européennes ne prévoient pas de limitation aux garanties données par le vendeur.

Il est très rare que la garantie donnée par le vendeur ne soit pas limitée dans son montant. C’est principalement le cas d’achat d’affaires en difficulté et très endettée pour lesquelles la valeur des capitaux propres est faible, voire négative. Dans le cas le plus général, il y a une limite fonction du montant de la transaction : dans 58 % des transactions européennes, le plafond de la garantie est de moins de 50 % de la valeur de la transaction. Mais dans 11 % des cas, il n’y a pas de plafond et pour 23 % des transactions, c’est le montant de la transaction elle-même.

On est loin de la situation américaine où 92 % des transactions ont un plafond de garanties inférieur à 25 % de la valeur de la transaction (39 % en Europe).

69 % des transactions limitent la durée de réclamation au titre de la garantie à 12-24 mois.

Et seuls 15 % des contrats prévoient une durée de plus de 2 ans. Mais en France ce pourcentage grimpe à 40 %. Plus la taille de la transaction est importante, plus la durée de réclamation est courte : seules 6 % des transactions supérieures à 100 M€ ont une durée de réclamation supérieure à 2 ans.

La garantie de la garantie de passif concerne un tiers des transactions et prend essentiellement la forme d’un séquestre.         

Obtenir une garantie d’actif et de passif est bien pour un acheteur. Pouvoir la mettre en œuvre si besoin est et obtenir du vendeur le paiement d’une indemnité est mieux. Ceci pose le problème de la solvabilité du vendeur après réalisation de la transaction et pendant la durée pendant laquelle la garantie court.

La modalité la plus populaire est le compte séquestre (63 % des transactions), puis la rétention d’une partie du prix par l’acheteur (20 %, mais qui pose à son tour le problème de la solvabilité de l’acheteur post transaction) et la garantie bancaire pour 17 % des cas.

Une popularité croissante de l’assurance de la garantie de passif qui intervient dans 22 % des transactions supérieures à 100 M€.

Surtout utilisée par les fonds d’investissement à la vente qui veulent ainsi fixer le prix de cession net définitif et ne pas être appelés ensuite pour verser des sommes qu’ils ont restituées à leurs investisseurs[5]. C’est en effet dans ce cas l’assureur qui paie. Elle intéresse aussi l’acheteur qui a des doutes sur la solvabilité du vendeur poste cession. Elle ne se rencontre que dans 7 % des transactions inférieures à 25 M€.

Dans les contrats dans lesquels on la trouve, l’assurance de la garantie de passif couvre 28 % du prix d’achat pour un coût de 1 à 2 % du montant couvert.

Plus d’un tiers des transactions prévoit une clause d’arbitrage, pourcentage stable au cours du temps.

La clause d’arbitrage permet de soustraire les différends naissants du contrat de cession des tribunaux, souvent perçus comme imprévisibles dans leurs décisions, publics et longs à statuer, au profit d’institutions d’arbitrage.

Cette pratique est quasiment inexistante en France et au Royaume-Uni, mais très répandue dans les pays de l’Europe de l’Est et du Sud. Elle concerne simplement 15 % des transactions au Etats-Unis.

La Material Adverse Clause reste marginale en Europe (16% des transactions) contrairement aux Etats-Unis où elle va de soi (91 % des cas).                  

Elle permet à l’acheteur de se retirer d’une transaction signée mais pas encore réalisée, en arguant de changements significatifs dans l’environnement, la conjoncture, etc. Elle progresse en France (26 % des cas) et au Bénélux (22 %), mais pas au Royaume-Uni où elle est très rare (7% des transactions).

Plus la taille de la transaction est importante, plus elle a des chances d’apparaître : 30 % des ventes de plus de 100 M€.

[1] Etude non disponible au format électronique mais qui peut être obtenue auprès de www.cms-bfl.com.
[2] Pour plus de détails sur le fonds de roulement propre, voir la Lettre Vernimmen.net n° 73 de février 2009.
[3] Pour plus détails sur la locked box, voir la Lettre vernimmen.net n° 104 de janvier 2012.
[4] Pour plus de détails sur l’earn-out, voir le chapitre 48 du Vernimmen 2016.
[5] Pour plus de détails, voir la Lettre vernimmen.net n° 93 de décembre 2010.