Lors de notre passage à Chicago, nous avons eu la chance de rencontrer et interviewer deux projets d’industrie durable aux modèles bien différents : symbiose industrielle avec l’organisation en agriculture urbaine The Plant et écologie industrielle avec l’usine de savons Method. Quelles sont les opportunités mais aussi les difficultés de la mise en place de ces modèles ? C’est ce que nous verrons dans cet article à travers l’étude de ces deux cas.

 

The Plant : la symbiose industrielle ou loptimisation des ressources naturelles par rassemblements collaboratifs dentreprises

La symbiose industrielle est un réseau d’entreprises et de collectivités maillées entre elles par des échanges de matières (notamment de sous-produits), d’eau ou d’énergie. Ces entreprises partent du principe que les déchets des uns peuvent bien souvent se substituer aux matières premières des autres et ainsi permettre des réductions de coûts (matières premières, transports, déchets).

En plus de l’intérêt économique qu’elle représente, en allongeant le cycle de vie des ressources dans le respect de la hiérarchie des 3RV (Réduction, Réemploi, Recyclage/Compostage, Valorisation), la symbiose fait la promotion des technologies propres et de la production propre, des approches plus efficaces et respectueuses de l’environnement.

Les exemples de symbioses industrielles se multiplient notamment en Amérique du Nord et en Europe avec l’exemple majeur du site de Kalundborg au Danemark opérant depuis 1972. Cette prolifération d’exemples met en évidence les fortes opportunités que cela peut représenter pour une entreprise. Cependant la mise en place d’un système de symbiose industrielle entre différentes entreprises n’est pas sans difficultés.

The Plant est une ancienne usine de conditionnement de viande de 12 000 m2 qui fut rachetée en 2010 par Bubbly Dynamics, une entreprise de développement durable urbain. Après plusieurs années de reconstruction progressive, Bubbly Dynamics rassemble au sein de cet immeuble 16 entreprises d’agroalimentaire qui expérimentent et innovent en agriculture urbaine durable. Parmi celles-ci se trouvent une brasserie, un fabricant de café, une boulangerie/pizzeria, une ferme d’aquaponie, et plus encore. Le concept de symbiose industrielle occupe une place majeure à The Plant. Ainsi en plus de partager leurs locaux, ces entreprises partagent des flux de matières, d’eau ou d’énergie leur permettant d’être plus durables et d’avoir un impact limité sur leur environnement. Le graphe ci-dessous présente toutes les synergies entre entreprises au sein de The Plant.

 

Les synergies entre entreprises au sein de The Plant

 

La synergie la plus importante s’observe entre Whiner Brewery et Bubbly Dynamics. En effet, les déchets organiques de la Brasserie sont utilisés par Bubbly Dynamics pour produire du compost qu’ils revendent ensuite à Mycolfloral Farm. Pleasant House Bakery est l’entreprise qui reçoit le plus de by-products pour ses opérations (Whiner Brewery, Patchwork Farm, Pleasant Farm ou encore Arize Kombucha).

Cependant, cette symbiose industrielle a encore une grande marge d’optimisation et de développement. En effet, il reste des déchets industriels qui ne sont pas encore réutilisés sur site. La symbiose industrielle est un processus de constante innovation. À The Plant, elle se développe d’année en année grâce aux efforts de tous les locataires du site. Plant Chicago, la NGO au cœur de The Plant, participe activement à ce développement à travers ses recherches et la mise en place de projets. Elle étudie par exemple actuellement la possibilité d’utiliser les résidus de la brasserie pour en faire des bio-briques qui pourraient servir à chauffer le four de la Boulangerie. Bubbly Dynamics reste aussi un acteur majeur en investissant par exemple dans un biodigesteur qui permettra de produire à full capacité (15 tonnes de déchets organiques par jour) 843 840 MJ de biogaz par mois qui sera utilisé au sein même du bâtiment et continuera de réduire les frais des entreprises.

 

Une gestion optimale des ressources et des opérations dans une usine éco-conçue – Method

Method est une entreprise de produits de nettoyage et de soins personnels respectueux de l’environnement, fondée en 2001 et basée à San Francisco. Formulés avec des ingrédients naturels et biodégradables, les produits Method ne sont pas nuisibles aux écosystèmes naturels ni à la santé des consommateurs. Le processus de fabrication suit une logique zéro déchets et l’entreprise parvient aujourd’hui à dériver 90 % de ses déchets de la décharge grâce au recyclage et à l’optimisation de ses emballages.

Établie à Chicago dans un bâtiment conçu par William Mc Donough, l’usine Method vise à avoir un impact positif sur l’environnement et les communautés vivant autour. Lors de la création de l’usine en 2014, la vision de ses fondateurs était de créer une usine dont les opérations sont aussi « propres » que les produits qui en sortent. Avant même d’entrer dans l’usine, la grande éolienne, la rangée de panneaux solaires et les bannières aux couleurs vives le long de la façade du bâtiment sont toutes très visibles et contribuent à la marque de durabilité de l’entreprise. La consommation énergétique de l’usine est assurée à plus de 50 % par ces sources renouvelables.

 

L’usine Method au sud de Chicago conçue par William McDonough, co-auteur de Cradle to Cradle et pionnier de l’économie circulaire.

 

Toutes les opérations sont réalisées dans cette même usine : de la production à la mise en bouteille, à la distribution des produits, en passant par le recyclage des emballages plastique et carton. Cela permet d’optimiser les flux de matière nécessaires à la production et de réduire l’empreinte carbone de la société. Par exemple, Method utilise du plastique PET 100 % recyclé pour les bouteilles de savon et de sprays nettoyants. Le recyclage est assuré sur place par une entreprise partenaire qui s’est vue proposer par Method un loyer symbolique d’un dollar pour s’installer dans l’usine, car cela réduit les coûts de l’usine pour le traitement des déchets.

Au-delà de la fabrication de produits de nettoyage, l’usine accueille sur son toit une ferme hydroponique de 7 000 mètres carrés. Cette ferme, gérée par Gotham Greens, produit environ 500 tonnes de produits frais et sans pesticides par an. La plus grande partie des produits cultivés dans l’usine Method est distribuée aux épiceries et restaurants du South Side, le quartier dans lequel est implantée l’usine.

 

Conclusion

Ces deux exemples nous montrent que la mise en place de modèles circulaires à l’échelle d’usines permet d’effectuer des économies tant au niveau de la consommation de matière que sur le coût des opérations.

 

Cet article a été publié dans le numéro 360 (juin 2018) de la revue finance&gestion.

Cet article a également été publié sur Vox-Fi le 25 juin 2018.