CFO sous LBO… un métier complexe et passionnant

Les build up : Le rôle du CFO

Par Eric Guilhou Publié le 01/02/2021

Les build up : Le rôle du CFO

Par Eric Guilhou Publié le 01/02/2021
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Les build up sont des moments clés de la stratégie de développement d’une société sous LBO.

Au cœur du programme de transformation et de croissance de l’entreprise, les build up peuvent être distingués en trois catégories  : 

  • L’acquisition transformante en ce qu’elle influe fortement sur la stratégie du groupe ou de l’entreprise, génère une inflexion nouvelle dans le plan de croissance et peut même être à l’origine d’un nouveau business plan pour l’entreprise
  • L’acquisition d’une plateforme, qui peut être un nouveau pays, un nouveau centre industriel. Elle est significative par sa taille et s’inscrit dans la stratégie cible de l’entreprise
  • L’acquisition de niche qui peut se traduire soit par le renforcement d’une ligne d’activité stratégique dans une zone géographique, soit une augmentation de part de marché sur un secteur existant. Ce type d’acquisition s’inscrit souvent dans une démarche de renforcement de métiers dits cœur de stratégie sous ou pas représentés dans la zone considérée, soit d’augmentation de part de marché et d’amélioration de la rentabilité existante. 

Quel que soit le type de build up, le CFO intervient à différentes étapes et est le garant de l’optimisation financière de l’acquisition. 

Cette optimisation financière est mise en œuvre de la façon suivante  : 

L’entreprise acquéreuse peut-elle absorber l’acquisition avec  son propre cash-flow  

L’entreprise dans son périmètre avant build up est-elle capable d’absorber financièrement sur ses propres fonds et avec son propre cash-flow de l’exercice en cours le coût de l’acquisition et le coût de son intégration. Si ce n’est pas le cas, le CFO devra en parallèle du processus d’acquisition piloter le financement additionnel en fonds propres et ou dette en s’assurant d’ajouter au périmètre de l’entreprise une vue P’L, cash-flow et bilan proforma de l’acquisition selon les mêmes standards que ceux utilisés pour le suivi financier de l’entreprise. 

Les dues diligences sont l’occasion non seulement d’auditer les chiffres communiqués mais aussi de déterminer les paramètres de négociation et de construire le référentiel financier de la cible comparable à celui de l’entité acquéreuse 

Au travers des due diligences, le CFO devra être en mesure de construire une synthèse critique de la cible. Une fois de plus cela dépend de la taille de la cible (PME détenue par son fondateur ou société déjà sous LBO) mais des critères et KPIs s’appliquent invariablement  : 

  • Récurrence ou cyclicité de l’activité dans son chiffre d’affaires, son Ebitda et son cash-flow opérationnel
  • Fréquence et qualité des reportings de la cible 
  • Retraitements des éléments non récurrents (par ex un gros litige), des ajustements liés à la négociation du deal (par exemple la sortie du manager fondateur au closing) afin de déterminer un résultat et un cash-flow normalisé de l’entreprise 
  • Ajustements de l’application de règles financières du groupe acquéreur en distinguant celles qui peuvent avoir un effet sur la négociation du prix (par exemple provision pour dépréciation d’actifs immobilisés ou circulant, provision pour départ en retraite non valorisée) et assimilable dans certains cas à un élément de dette, de celles qui en sont indépendantes (différences entre des normes IFRS et normes US Gaap) 
  • Ces travaux permettent en conséquence de définir le résultat, le cash-flow et la dette nette de référence pour la négociation du deal et les mêmes paramètres financiers pour la vue proforma de la performance comparable de la cible.

Souvent l’acquisition est négociée sur des éléments du passé. En réalité dès l’acquisition c’est la pertinence du business plan qui s’impose à nous et la rapidité d’exécution du plan d’intégration 

  • Le business plan doit parler le langage du futur. Souvent un build up de petite taille se négocie avec des paramètres du présent ou du passé, l’entrepreneur n’ayant pas l’habitude de faire régulièrement un business plan.  Sans lui imposer l’exercice, le CFO devra l’accompagner vers cette démarche ou tester avec lui les résultats de sa propre simulation. Dans le cas un earn out, complément de prix, Put & Call sur une partie du capital non acquis est dans la structure du deal, il y a souvent besoin de construire un business plan de référence.  Il faut parler le même langage, les règles financières de l’entreprise acquise peuvent varier de celles de l’acquéreur. Il faudra dans ce cas que le CFO assure dans la négociation les paramètres permettant de comparer la performance future non pas eu égard aux règles du passé mais aux règles du futur. Le CFO devra dans ce cadre rassurer le vendeur et son conseil sur la transparence de méthode.  
  • L’acquisition est aussi un moment fort d’intégration. A l’occasion de cet exercice du business plan, le CFO doit aider à la construction du plan d’intégration dans ses composantes financières. Certaines sont purement techniques, d’autres peuvent avoir des effets de réduction et d’optimisation des charges. Au titre du plan d’intégration, le rôle du CFO est majeur sur les thèmes suivants :   
  1. Prise de contrôle des comptes bancaires, changement des règles de délégation de signature et d’engagement de dépenses, connexion et transferts aux systèmes de trésorerie du groupe 
  2. Schéma et pilotage de l’intégration fiscale  
  3. Audit du système comptable et de paie (comptabilité générale, comptabilité analytique, outils de reporting) et transfert vers les Centres de Services Partagés du groupe 
  4. Construction du référentiel Revenu, Ebitda, cash-flow opérationnel de l’entité des 12 derniers mois afin de permettre une lecture LTM (last twelwe months) du revenu et de l’Ebitda, lesquelles données sont des repères permanents des banquiers prêteurs et des actionnaires 
  5. Construction du budget détaillé de l’année 1 avec les équipes de management selon le référentiel financier du groupe. C’est souvent une occasion privilégiée pour expliquer en détail les règles financières et du groupe et leur impact possible ou non sur les éléments de prix complémentaires ou différées en fonction des négociations menées préalablement. 
  6. Schéma directeur juridique pouvant amener à court ou moyen terme à des fusions internes, locations gérances ….. en fonction de la détention du capital  
  7. Pilotage très serré du cash-flow mensuellement et en particulier des éléments de BFR qui peuvent permettre de détecter des alertes de demandes de garantie de passif. 
  8. Si le CFO a également des fonctions informatiques, transfert des domaines emails, sécurisation des postes de travail et des serveurs avant la reprise par les services internes ou externes de l’entreprise 
  9. Suivi et ou pilotage des plans d’économies de charges déterminés au moment de l’acquisition et des couts non récurrents associés. 

La clé de la réussite d’un plan d’intégration n’est pas son contenu mais la fréquence de suivi, la pertinence et la rapidité des décisions. C’est en conséquence souvent l’occasion pour un CFO de faire équipe serrée avec son manager opérationnel pour partager ensemble le pilotage du plan d’intégration. Il doit avoir une durée courte de six mois maximum, sinon cela veut dire que rien ne se passe vite et fort et que l’intégration ne prend pas la greffe. 

 

Un arrêt sur image pour évaluer les impacts de l’acquisition

Bien souvent, pressé par le quotidien, une autre acquisition venant prendre un nouveau relais de la croissance, on oublie les paramètres clés de l’acquisition et de sa contribution attendue. 

Le CFO devra avec son manager déterminer dès l’acquisition les KPIs clés attendus de la cible. Ils pourront être de nature opérationnelle et financier comme par exemple : 

  • Taux de croissance organique du chiffre d’affaires et d’Ebitda 
  • Économies mesurables 
  • Synergies (mesurables uniquement) d’activités avec d’autres unités du groupe 
  • Payback du prix d’acquisition en cash-flow net avant et après impôts et frais financiers et TRI 
  • Allocation du prix d’acquisitions en éléments d’actifs (PPA) 
  • Impact de création de valeur pour le groupe.

Le CFO utilisera tous ces éléments en sus du business plan pour déterminer son allocation d’actifs et les paramètres clés du goodwill résiduel qu’il partagera avec son management et ses commissaires aux comptes. 

Tous les ans à l’occasion de la clôture annuelle des résultats, il pourra ainsi comparer non seulement les éléments chiffrés de la société acquise avec son budget mais également avec les KPIs déterminées au moment de l’acquisition. Cela permettra de tester si la relution de l’acquisition est supérieure à ce qui était attendue. Il sera intéressant de déterminer quels facteurs et ou décisions ont eu des impacts favorables sur la création de valeur. Ce seront autant d’éléments additionnels à prendre en compte pour les build up suivants. 

 

Les build up  : une formidable opportunité de progrès managérial pour un CFO 

Au-delà des aspects techniques évoqués ci-dessus, la participation active du CFO dans une acquisition est une opportunité de progrès managérial important : 

Le CFO se pose la question sur la capacité de financement de l’entreprise acquéreuse et peut pousser certains objectifs pour assurer un pay back plus rapide de l’acquisition. 

Le CFO est le porte-parole des règles financières du groupe qui s’appliqueront à la cible et il devra accompagner le ou les managers de l’entité acquises dans cette compréhension nouvelle. 

Les étapes d’intégration sont souvent une occasion unique d’exposer ses équipes à des projets versus l’exécution de tâches régulières et ainsi détecter des talents ou identifier des pratiques nouvelles. 

Le CFO, en étroite équipe avec son manager opérationnel peut pénétrer encore plus dans l’intimité du business, composante essentielle à l’intelligence du métier de financier.

 

 

Socotec 

Le groupe Socotec est le leader de la gestion des risques et du conseil technique dans la construction, les infrastructures et l’industrie. Présent dans 23 pays, le groupe dispose de 5 bases importantes (France, UK, USA, Allemagne, Italie) et de 9000 collaborateurs, développant un chiffre d’affaires mondial de 837,5 millions d’euros en 2019.

Le groupe s’est engagé dans une profonde transformation depuis 3 ans qui le hisse au niveau des leaders du testing, de l’inspection et de la certification.

2019 aura été une année pivot pour le groupe Socotec avec un changement d’actionnaire minoritaire et l’acquisition de sa nouvelle base aux USA, Vidaris.

Le groupe a procédé à 20 acquisitions en 3 ans (4 en 2017, 7 en 2018, 7 en 2019, 2 en 2020 à date).

Ces acquisitions stratégiques lui permettent d’afficher des positions fortes sur ses métiers :

  • n°1 du contrôle technique construction en France, n°1 de l’inspection dans l’éolien et le photovoltaïque, n°2 du diagnostic amiante en France,
  • un des leaders en Europe dans l’inspection nucléaire, la détection d’explosifs, les mesures et investigations en sites et sols pollués, l’inspection des équipements dans l’industrie,
  • acteur global du monitoring dans la construction et les infrastructures, le contrôle technique construction, les tests et mesures, la certification.

 

Cet article a été publié dans le numéro 382 de Finance&Gestion. (Août 2020) Cet article a également été publié sur Vox-Fi le 1er octobre 2020.

 

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