A chacun son G20 ? (1/2)
Pour des raisons qui ne peuvent être, en période de crise, d’ordre concurrentiel, les membres anglo-saxons du G20 semblent vouloir faire passer les questions de régulation au second ordre, derrière les mesures de restauration de la confiance et de la croissance. En quelque sorte, « les problèmes sont là, nous les avons mal traités en 2008, gardons nous de renouveler les mêmes erreurs, différencions l’approche, et traitons des solutions pour retrouver la croissance. Si tout se passe bien, rien ne change, si le marasme s’approfondit, il nous restera l’os de la régulation à ronger lors d’un troisième G20. ».
Cette attitude a été dénoncée par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy et les a conduits à rameuter le ban et l’arrière-ban des Européens vers une position commune indispensable, dangereuse, mais « facile ». On sait tous qu’il faut TOUT traiter en même temps et inventer, inventer… Sans le secours des économistes qui, malgré leur talent, n’ont pas encore apporté de remède-miracle, occupés qu’ils sont à tenter de trouver un consensus entre eux sur les origines véritables de la crise que nous connaissons.
Les hommes politiques doivent donc se fier beaucoup à leur instinct (Gordon Brown vient d’admettre qu’il s’était trompé depuis 10 ans, ce qui rappelle la confession récente devant le Sénat américain d’Alan Greenspan).
Il est donc opportun de proposer dès maintenant des remèdes à la crise… de la régulation !
A quelques semaines du G20, qui débute le 12 novembre prochain, la Fédération Bancaire Française (FBF) présente ses propositions pour réformer le système financier. Renforcement de la supervision et changement de normes comptables sont mis en avant.
Ariane Obolensky, directrice générale de la FBF, a indiqué que « les banques avaient compris ce qui s’était passé » et que, « si elles avaient fait partie de la crise, elles souhaitaient aussi prendre part à sa solution ». L’association professionnelle a ainsi détaillé une série de propositions qui sont destinées à réformer le système financier :
– Structurer la coopération internationale avec un G20 ayant un rôle politique d’impulsion et de suivi, le FMI une fonction de surveillance systémique et le Forum de la stabilité financière (FSF), un caractère plus institutionnel.
– Admettre un concept de « valeur d’usage » et traiter les actifs concernés comme des crédits quand il n’y a pas de marché.
– Créer une provision ex ante pour contrer les effets pro-cycliques des règles prudentielles et comptables.
– Mettre en place des chambres de compensation sur les grands produits dans chaque zone.
– Créer un régulateur leader : un code de conduite élaboré sous l’égide du Comité de Bâle précise le fonctionnement des collèges de régulateurs des plus grands groupes mondiaux ; le régulateur en charge de la maison mère le préside et assure le respect du code.
Parmi les sujets les plus consensuels figurent notamment une meilleure coopération internationale sous l’égide du FMI, la mise en place d’une chambre de compensation pour les CDS, la réflexion sur les modalités d’une provision comptable ex ante et contra-cyclique pour permettre aux banques de se bâtir un matelas de sécurité en période de croissance, l’encadrement de la rémunération des traders, l’enregistrement des « hedge funds » et le renforcement de la transparence des agences de notation.
Et si ces sujets n’étaient pas si simples et méritaient mieux que le constat d’un consensus ?
Surveillance systémique
Les propositions de la FBF tournent autour de quatre thèmes principaux : l’institutionnalisation de la surveillance et de l’organisation des marchés au niveau international « là où il n’y a aujourd’hui que des clubs de rencontre », souligne Pierre de Lauzun, directeur général adjoint de la FBF ; la meilleure prise en compte du risque systémique, dans la droite ligne du rapport Larosière ; la création d’outils communs nécessaires au fonctionnement des marchés (chambres de compensation non seulement pour les « credit default swaps » mais pour tous les produits, système de règlement-livraison, etc.) ; le renforcement de la supervision des banques.
La valeur d’usage et la dépréciation d’actifs financiers
Deux évolutions conceptuelles et sémantiques majeures font l’objet de projets publiés le 17 mars dernier par le FASB. Inhabituellement courte, la période de commentaires s’achèvera le 1er avril. S’ils sont adoptés tels quels, les nouveaux textes entreront immédiatement en vigueur : premiers impacts dès les publications trimestrielles au 31 mars 2009 ! De son côté, l’IASB les soumet à son groupe d’experts-conseils et invite toute partie intéressée à réagir. En fonction des retours obtenus, l’IASB décidera ou non d’engager le processus conduisant à leur intégration dans le référentiel IFRS. En cas d’adoption des projets par le FASB, on voit mal cependant comment l’IASB pourrait se dispenser d’aligner IAS 39 sous peine de distorsion de concurrence de part et d’autre de l’Atlantique.
Le premier projet instaure une présomption selon laquelle, dans un marché inactif, les cours ou cotations reflètent le prix de transactions forcées et donc ne peuvent servir de référence pour une évaluation à la juste valeur. Si la présomption n’est pas levée, la société recourt donc à un modèle d’évaluation. L’amendement de FAS 157 adopté en septembre 2008, l’autorisait déjà à fonder son évaluation sur des hypothèses internes relatives aux flux futurs de l’actif. Le nouvel amendement va plus loin : désormais, le taux d’actualisation sera principalement déterminé par référence à des conditions hypothétiques qui prévaudraient si le marché était actif. Certes, la flambée des primes de risque et de liquidité reflète avant tout l’anxiété des acteurs et devient, en sens opposé, aussi irrationnelle et exubérante que l’était leur dégringolade précédemment. Mais à ce stade et de cette façon, est-ce encore de la juste valeur ou déjà de la valeur d’utilité qui ne dit pas son nom ? Est-on sûr qu’il est convenable de penser à faire sortir la « juste valeur » par la fenêtre, alors que sa responsabilité dans la crise n’est pas établie et que les difficultés qu’elle soulève aujourd’hui viennent de ce qu’elle a été utilisée hors de propos, notamment dans le cadre d’arbitrages réglementaires ?
La disposition principale du second projet concerne les dépréciations d’actifs financiers classés dans la catégorie disponible pour la vente. Pour les instruments de dette, la dépréciation enregistrée dans le compte de résultat ne refléterait plus que la détérioration de la qualité de crédit de l’émetteur du titre (i.e., la dégradation des perspectives de recouvrement des flux futurs), le reste de la moins-value latente demeurant enregistré au sein des capitaux propres.