Le Comité de Bâle sur la supervision bancaire vient de sortir un document qui chiffre l’impact des nouvelles mesures proposées en matière de réglementation bancaire (An assessment of the long-term economic impact of the new regulatory framework, août 2010).

Pour résumer, ces mesures nouvelles sont :
– un accroissement du minimum de fonds propres requis pour améliorer leur base de capital, 
– la mise en place d’un simple plafond sur le levier de dettes au bilan,
– la constitution de coussins de fonds propres en période faste sur lesquels on peut tirer en période de stress,
– des règles améliorées pour la gestion de la liquidité bancaire, notamment pour gérer les décalages de maturité entre actif et passif bancaires.

Elles sont là pour réduire la probabilité de crise bancaire : les airbags en cas de choc sont plus importants. Selon l’étude citée, des crises bancaires, il en advient tous les 20-25 ans, ce qui n’est pas rien, cela donne une probabilité de 4 à 5% d’occurrence. Et une crise bancaire, comme on l’a éprouvé lors de la dernière d’entre elles, la plus forte, en 2008, cela fait mal sur l’activité et l’emploi : le choc est compris entre 20% et 100% du trend de croissance, dit l’étude. En sens inverse, réduire la probabilité de crise de 1 point de pourcentage, c’est-à-dire un choc tous les 25-33 ans) a un effet positif durable sur le PIB de 0,6 point. La potion est donc nécessaire.

Les banques disent qu’elle est exagérément douloureuse, non pas pour elles bien sûr, mais pour l’économie. Elle accroît en effet le coût des crédits ou réduit l’offre de crédit, ce qui pénalise les entreprises et les ménages. L’étude du Comité de Bâle vient donc à point : elle estime que le coût est extrêmement réduit : une hausse de deux points du minimum de capital requis (passant de 4 à 6% des encours pondérés bancaires) provoquerait une baisse cumulée du PIB de 0,38% au maximum (au bout de 4 ans), baisse qui serait rattrapée au-delà après.

L’étude, dirons les banques, ne met pas les choses au pire : notamment elle suppose que l’effet principal des mesures est une hausse du coût du crédit des banques (en réaction à la hausse du coût du financement – venant du fait que leurs actionnaires réclament une rémunération plus forte que leurs créanciers ou leurs déposants -). Mais la réaction pourrait être une baisse de l’offre de crédit et un rétrécissement des bilans bancaires.

Certes, mais en retour, l’étude est loin de mettre les choses au mieux. En particulier, elle omet la réaction des banques centrales à toute réduction de l’offre de crédit des banques. Baisser le taux de refinancement de la Banque centrale a des impacts considérablement plus importants que les petits effets dont on parle. De plus, les banques peuvent financer l’accroissement des fonds propres requis par d’autres moyens qu’une levée de capital : réduction des dividendes, réduction des coûts d’exploitation et notamment de leurs copieuses rémunérations. (Ne serait-ce pas la vraie raison pour laquelle elles trouvent la potion douloureuse ?). Et comme nous l’avons vu dans ce blog le 30 juillet (Bâle 3 et les fonds propres des banques), la réduction du risque bancaire diminue le rendement attendu par les apporteurs de fonds des banques de sorte que la baisse du levier de dette est assez largement neutre sur la rentabilité opérationnelle et sur le coût du crédit, selon un résultat très classique de la finance d’entreprise.

Le lobby bancaire, représenté par l’International Institute of Finance, y a été de ses propres chiffrages. Il aboutit à une ponction sur le PIB de 3% pour deux points de capital minimum en plus, soit 8 fois plus que l’indique le Comité de Bâle. La différence vient largement du fait que l’étude suppose que les investisseurs vont interpréter le renforcement du capital comme le fait que les gouvernements vont cesser leur soutien implicite des banques, dont ils ont largement bénéficié dans le passé. Mais les deux sujets sont indépendants. Il est vrai, et ce blog s’en est fait souvent l’écho, qu’il faut trouver des moyens de « banaliser » les défauts bancaires, de faire qu’ils ressemblent davantage à un défaut d’entreprise non financière. Mais restons logiques ! Les mesures proposées par le Comité de Bâle visent à réduire la probabilité d’un défaut bancaire ; elles ne traitent pas de ce qui se passe lorsque le défaut advient, ni des façons d’éviter que ce défaut ait des conséquences thermonucléaires comme on l’a vécu en 2008. C’est un sujet sur lequel malheureusement les régulateurs n’avancent guère.

Entre temps, le lobby bancaire n’a pas été inutile. Il aura fait suffisamment craindre aux régulateurs d’être trop sévères, dans cette période conjoncturelle incertaine, qu’il semble avoir mis des grands seaux d’eau dans leur verre de vin. C’est maintenant à nous de craindre de retrouver le business as usual. A suivre.