Le président Obama et les Démocrates ont réussi in extremis le 19 janvier 2011 à faire adopter une nouvelle loi sur la santé publique (healthcare). Fortement controversée, surtout en période de crise, cette loi a laissé les Américains très partagés : au pays de l’individualisme, du capitalisme roi, des bonnes recettes pour devenir millionnaire, mais où se manifeste aussi un ancrage fort dans la religion et la vie communautaire, il fallait démontrer qu’on pouvait améliorer la protection santé tout en réalisant des économies. Autrement dit, que l’action politique pouvait offrir le fameux internal rate of return (IRR) ou taux de rendement interne (TRI).

La lutte contre le fléau de l’obésité pourrait en être une intéressante application.

Il est communément admis que 30 % de la population américaine est obèse et 65 % en surcharge pondérale (y compris obèse). Les prémices d’une évolution identique, certes à un degré moindre, sont d’ailleurs visibles dans d’autres pays, asiatiques notamment, où le développement économique a conduit à une évolution des modes de vie copiant le modèle américain… et ses habitudes alimentaires. Sans aller bien loin, la France a déjà près de 10 % de personnes obèses et presque 40 % en surcharge pondérale (y compris obèse) et pourrait atteindre 20 % de personnes considérées comme obèses en 2020.

Aux Etats-Unis, ce fléau humain est aussi devenu une source de coûts énormes. Selon une étude réalisée par la Duke-National University à Singapour en octobre 2010, « les employés souffrant d’obésité coûtent à leurs employeurs quelque 73,1 Md $ par an, en raison d’une productivité moindre due à une santé plus fragile, une plus faible résistance à la fatigue et une plus grande lenteur dans l’exécution des tâches. Cette somme équivaudrait à l’embauche de 1,8 million de personnes supplémentaires par an avec un salaire annuel de 42 000 dollars, ce qui correspond en gros au salaire annuel moyen d’un Américain », écrit Eric Finkelstein, chercheur à la Duke-NUS. Peu de temps avant, la Brookings Institution, un centre de réflexion de Washington avait estimé que l’obésité coûte chaque année à l’économie américaine au moins 215 Md $, qu’il s’agisse de coûts directs comme ceux des dépenses médicales, ou indirects comme ceux liés à la perte de productivité. L’obésité coûte donc cher.

Réduire l’obésité, ses maladies cardio-vasculaires associées et les coûts afférents constitue donc pour le gouvernement américain une façon de démontrer qu’il y a un retour sur investissement concret et direct à sa loi sur la santé publique.

C’est dans ce cadre que la Food and Drug Administration (FDA), l’agence de santé américaine, a décidé le 1er avril 2011, d’imposer au secteur de la restauration américaine un étiquetage systématique, sur tous les menus du nombre de calories contenues dans chaque plat proposé. Chaque chaîne disposant de plus de 20 implantations – qu’il s’agisse de restaurants, de boulangeries, de cafés ou de magasins de proximité – devra clairement afficher le nombre de calories sur chacun de ses plats. Cette décision concernera 280 000 établissements, avec une mise en place effective obligatoire en 2012. Ce nouveau « standard » permettra donc de donner aux consommateurs une information précise, similaire et comparable, quel que soit le lieu d’implantation.

Cette décision, simple et de bon sens, devrait sensibiliser un électorat rationnel, et aisément démontrer le bien-fondé économique d’une protection sociale pour tous, fondée sur la prévention des maladies liées à des comportements alimentaires conduisant à l’obésité.

Tout comme le retour sur investissement de la répression des excès de vitesse est démontré par les économies réalisées dans les dépenses de santé publique consécutives à la diminution du nombre de blessés et de morts. On pourrait aussi appliquer cette mécanique au tabac…

Ou comment envisager qu’on puisse modéliser ces modèles sociaux pour réconcilier bonnes règles financières et sages, ou courageuses, décisions politiques/finance et action politique… ?