Les concepts d’agilité et de flexibilité correspondent à nos environnements en mouvement. Cependant, ces vocables ont des origines et des définitions spécifiques qu’il est utile de connaître pour décider de déployer une direction financière agile.

 

Un concept qui a évolué depuis sa création

Le concept d’agilité remonte aux années 90. Des dirigeants d’entreprises américaines déplorèrent le fait que les changements d’environnements et de conditions de leurs marchés étaient plus rapides que leurs capacités d’adaptation.

Il fallait de nouvelles méthodes de production adaptées à une concurrence rapide, internationale, ainsi qu’à des progrès technologiques révolutionnaires. Ce fut le berceau de la création de l’Agile Manufacturing (AM) aux États-Unis en 1991 par R. Dove et R. Nagel.

Le concept d’AM reposait sur trois points clefs :
1) l’adaptation rapide de l’entreprise au changement continu 2) l’adéquation entre : nouvelles connaissances et possibilités techniques des équipes, 3) leurs capacités d’exercices de ces connaissances in situ.

Ce contexte – des changements rapides et continus – vous en rappelle-t-il un autre ?

Depuis les années 90, les mots « changement » et « changements de paradigme » sont devenus d’un usage si banal qu’un jour viendra ou des scénaristes écriront que : « changer est la nouvelle stabilité ».

Le concept d’agilité lui-même vécut. Àpartir des années 2000, les crises financières et géopolitiques (bulle internet, Enron, terrorisme) ayant modifiées de nouveau les termes généraux du commerce mondial, des propositions de 12 ans d’âge paraissaient bien anciennes pour répondre aux conditions nouvelles.

Sauf pour le secteur informatique.

 

Appropriation par linformatique

L’usage de la méthode Agile pour les projets informatiques a commencé au début des années 2000.

Les processus traditionnels de gestion de projets (hiérarchie, étapes balisées, reportings, cahiers des charges rigides) sont apparus comme inadaptés à des créations rapides et innovantes, à des équipes jeunes, composées de salariés et de consultants externes, tous équipés de technologies récentes.

L’Agilité, est devenue une méthode de management de projets impliquant : innovation technologique, délais courts et budgets resserrés.

Les entreprises utilisatrices de la méthode ont même accepté officiellement la notion de « boîte noire » pour désigner certains processus des projets non décrits à l’avance, imprévisibles, complexes, mais dont les développements correspondaient aux attentes des clients.

L’approche Scrum – en français : mêlée (de rugby) – est le symbole des méthodes agiles utilisées par les développeurs. Dans cette méthode, les phases de démarrage et de clôture de projet, sont définies et structurées.

Les phases de production, appelées Sprint, sont les périodes pendant lesquelles les activités de programmation sont effectuées en laissant l’équipe libre de choisir, sans hiérarchie, les meilleures solutions aux difficultés et particularités du projet découvertes au fur et à mesure de l’avancement.

 

Phase actuelle douverture du concept en direction dautres secteurs

Depuis les années 2010, les méthodes Agiles pour le management de projets intéressent d’autres industries.

Aujourd’hui le concept d’Agilité est défini par « l’emploi des compétences d’une équipe de travail multifonctionnelle disposant d’une grande autonomie de choix des solutions et des directions techniques et technologiques ».

Les communications avec les clients sont régulières et collaboratives. Il s’agit des livraisons des phases du projet ordonnancées par les clients, mais également d’échanges autour des innovations et des modifications apportées aux prescriptions initiales du projet.

Les utilisateurs principaux du management agile, selon une étude du MIT publiée en mai 2014, interrogeant 856 entreprises dans 76 pays, sont : les développeurs de logiciels (37 %), les services financiers (15 %), les sociétés de consulting (10 %), les départements de R&D (5 %) ou encore le secteur des loisirs (5 %).

L’usage actuel du concept d’agilité dans le management de projet semble évoluer vers des formes hybrides de gestion de projets. Il s’agit, industrie par industrie, du recours aux meilleures pratiques des conduites traditionnelles et des conduites agiles des projets.

 

La flexibilité est-elle une dérivée de lAgilité ?

Les deux concepts sont rarement associés dans la littérature. La cause pourrait être simple : l’Agilité est apparue officiellement en 1991 par le biais d’un rapport commandé par le congrès américain pour être ensuite structurée en méthodes et en outils.

Le concept de flexibilité est quant à lui, présenté depuis plusieurs décennies comme la capacité des entreprises à s’adapter rapidement à des environnements changeants (technologies, clients, concurrence).

Cette notion implique l’aptitude des organisations à fonctionner efficacement malgré des incertitudes importantes sur les orientations des marchés servis.

Le concept de flexibilité porte porte la prédisposition à des modifications des structures – y compris humaines – de l’entreprise et la notion de veille concurrentielle.

Cette capacité d’adaptation requiert un niveau général de compétences plus élevé que le niveau ordinaire. Les managers doivent être capables de s’adapter eux-mêmes à des décisions qui pourraient avoir des impacts sur le nombre de collaborateurs directs ou bien les processus qu’ils encadrent.

Compétences plus élevées, et recherche du sur-mesure : coûts supérieurs. La flexibilité n’est pas gratuite.

Le ticket d’accès à la capacité à répondre mieux et plus rapidement que ses concurrents aux demandes des clients est élevé. Cependant, cet investissement est rentabilisé par une aptitude à l’innovation difficile à imiter et des temps de réponse courts.

 

Agilité, flexibilité, et… digitalisation ?

Entre ces trois termes, un lien phonétique existe. Ainsi qu’un lien temporel. Les trois vocables pourraient être les « key drivers » des managers d’industries innovantes. Par digitalisation, nous entendons l’appropriation par l’entreprise d’outils numériques – web – pour l’ensemble de ses relations avec ses clients, ses fournisseurs et ses collaborateurs en vue de pouvoir servir les demandes courantes et, grâce à la connaissance des comportements des acteurs, anticiper les demandes futures.

Dans cette proposition de définition, la digitalisation apporte la vélocité qui caractérise les buts des méthodes agiles et flexibles.

 

La direction financière peut-elle bénéficier de ces concepts ?

Les paragraphes précédents nous ont montrés que les méthodes Agiles et les organisations Flexibles disposaient de définitions et de techniques spécifiques.

Les principes fondateurs de l’Agilité reposent sur le besoin d’innovation des méthodes et des SI et sur la possibilité de travailler par projet et par équipe autonome. La direction financière rempli un rôle organique encadré par l’orthodoxie comptable. Si le contrôle de gestion est l’espace idéal pour les analyses innovantes, il en est différemment pour les questions fiscales, sociales et comptables.

Cependant, depuis les années 2010, les normes IFRS applicables modifient sensiblement les analyses et les reportings comptables des entreprises. Et ces normes évoluent en permanence.

Citons, les suivis des flux de trésorerie, les analyses du CA par activité ou encore la gestion des contrats de locations : autant d’exemples de changements systémiques.

Ces mouvements de normes IFRS induisent des rapports nouveaux avec les SIG. Sans nous transformer en programmeurs, nous ne souhaitons pas dépendre des services informatiques pour paramétrer fréquemment les logiciels financiers.

Il y a une autre évolution sensible du rapport avec la technologie. Lorsque cela est possible, de plus en plus d’interfaçages sont créés pour la production automatique de documents comptables tels que : factures clients, factures fournisseurs, règlements fournisseurs, et traitements du poste banque.

Le niveau d’expertise réclamé aux équipes des directions financières est en train de progresser, au fur et à mesure de la disparition des tâches les moins complexes vers des rôles de contrôles et de corrections des anomalies.

Demandons-nous : l’entreprise peut-elle devenir agile si sa direction financière reste au mode traditionnel de fonctionnement généralement peu porté sur l’innovation ? Objectivement, la réponse est non.

Pour la direction financière, l’agilité pourrait comporter les deux premiers piliers suivants :

1) sa capacité structurelle et autonome à simuler à la demande les effets de différentes options opérationnelles et à adapter ses SIG aux nouvelles normes comptables et fiscales.

2) sa capacité structurelle et autonome à concevoir et gérer des projets d’amélioration et de digitalisation de ses processus en utilisant les principes organisationnels des méthodes agiles.

Une direction financière capable de répondre rapidement aux demandes des actionnaires et aux demandes internes est une direction financière compétente. Elle n’est pas agile ou flexible sans le savoir.

Y compris pour les directions financières, l’agilité est un projet à concevoir et à déployer. Certains critères seront orientés vers les demandes opérationnelles tandis que d’autres seront orientés vers la capacité d’adaptation rapide aux changements de référentiels.

Ce projet donne un rôle de pivot aux systèmes d’information de gestion. Et en même temps, il implique une attention plus grande aux évolutions inconnues encore, plutôt que passées. Nous venons d’introduire ce que nous appelons : la nouvelle finance d’entreprise.

 

Cet article a été publié dans le numéro 358 (avril 2018) de la revue finance&gestion.

Cet article a également été publié sur Vox-Fi le 23 avril 2018.