Antifragilité de l’entreprise : la leçon de Kant

Depuis 2008, les entreprises européennes ont affronté une succession sans précédent de crises financière, européenne, sanitaire, énergétique et climatique. L’imprévision de ces « cygnes noirs »[1] s’est conjuguée avec l’incertitude attachée aux « cygnes verts et bruns » menaçant les changements engagés depuis les années 2000, comme la réindustrialisation de l’Europe (et notamment de la France), l’encadrement de l’Intelligence Artificielle, les atermoiements de la transition énergétique et la pression du Développement Durable et de la RSE. Cet enchaînement d’événements conjoncturels et de facteurs structurels a contribué à renforcer l’antifragilité des entreprises. Leurs capacités de réaction et d’adaptation ont été notamment développées grâce aux nouvelles perceptions de l’espace et du temps (Kant, 1781)[2] par leurs managers.
Leurs perceptions de l’espace ont été en effet affinées par de nouvelles approches des systèmes productifs et des supply chains, de la relocalisation des écosystèmes industriels et de la diversification des services en ligne. Dans le temps, les entrepreneurs et les managers ont dû faire face à une croissance économique suspendue par la crise pandémique puis à une hausse brutale des prix des matières premières, de l’énergie et des produits alimentaires. Les acteurs de l’entreprise se sont pour la plupart adaptés à des temporalités contradictoires. Face à cette « confusion entre horizons », ils se sont efforcés de concilier performance à court terme et soutenabilité à long terme. La recherche de profit immédiat et la gouvernance actionnariale des entreprises rivalisent désormais avec des objectifs intergénérationnels de performances extra-financières et une gouvernance plus partenariale.
[1] Nissim Taleb, Le cygne noir, la puissance de l’imprévisible, Les Belles Lettres, 2012.
[2] Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, PUF, 1787.