Les plans de relance qui visent à augmenter la dépense publique ne sont, dans le contexte actuel, pas injustifiés. Le problème est simple à comprendre : partout dans le monde, la crise financière puis bancaire se traduit par une chute très violente des valeurs patrimoniales (actifs financiers et immobiliers), entraînant une ponction sur la demande globale. Les difficultés de financement des banques (qu’il s’agisse du manque de fonds propres ou des difficultés de refinancement sur le marché interbancaire) se traduisent, là encore partout dans le monde, par un phénomène de rationnement du crédit (aggravé par la récession) qui diminue la demande adressée aux secteurs des biens d’équipement, du BTP, de l’automobile… Il n’est donc pas absurde que la demande publique se substitue temporairement à la demande privée,  que l’endettement public prenne le relai de l’endettement privé. Le plan de relance de gouvernement français s’inscrit dans cette logique. A une toute autre échelle, le plan Obama aussi.

A l’inverse, il ne faut pas trop attendre de ces plans. Historiquement, les effets multiplicateurs keynésiens sont faibles. Disons que, lorsqu’un gouvernement accroît sa dépense de 100, on devrait, selon la théorie,  retrouver in fine 130 de PIB. Voilà pour la version optimiste. Dans la pratique, on retrouve rarement plus de 100. Dans la période actuelle, on risque de retrouver plutôt 80, pour deux raisons. D’une part, le rationnement de l’offre de crédit fait sauter une courroie de transmission de la politique économique sur la croissance. D’autre part, les politiques de relance budgétaires mettent les comptes publics sous pression. Les ménages et les entreprises le savent. Ce qui peut les amener à contenir leurs dépenses en anticipation d’une pression fiscale accrue (ce que les économistes nomment « équivalence ricardienne »). En effet, depuis les travaux de Milton Friedman et Franco Modigliani, on sait que les ménages n’augmentent pas leur consommation mécaniquement, proportionnellement à l’augmentation de leur revenu disponible immédiat, mais qu’ils prennent en compte leur « revenu permanent ».

C’est pour cela qu’il me semble excessif de prendre le plan Obama comme exemple, lequel inquiète de plus en plus d’experts outre-Atlantique. Doubler le niveau de la dette publique, amener la part des dépenses non militaires dans le PIB à un niveau inconnu jusqu’alors, augmenter les taux marginaux d’imposition constitue une stratégie macroéconomique plus qu’audacieuse. Certains n’hésitent même plus à la qualifier de dangereuse.


Nicolas Bouzou