De quoi s’agit-il ?

À la suite des scandales financiers du début des années 2000 (Enron, Worldcom, Tyco), puis encore de la crise financière ouverte en 2008, la société civile en général et les politiques en particulier ont cherché à faire renforcer les signaux d’alerte qui permettraient de « voir venir » avant qu’il ne soit trop tard, en clair à prévenir qui de droit (administrateurs, investisseurs, régulateurs, etc…) au moment opportun, qui ne soit pas la veille de la faillite (comme pour Lehman Brothers ou MF Global).

Comme le disent les représentants des investisseurs : ultimately, the investors pay the bill

Le but du présent papier est d’apporter une vue a minima de l’importante réforme en cours qui intéresse la communauté des préparateurs de comptes et des auditeurs.

  1. Qui doit communiquer ? Le signalement spontané de ses propres difficultés, passées ou à venir, ne venant pas forcément de l’entreprise elle-même, l’attention se porte tout naturellement sur l’auditeur externe , à qui il serait demandé (les nouvelles normes sont en cours d’élaboration) d’améliorer sa communication en lui imposant de nouvelles obligations en la matière, soit vis-à-vis du comité d’ audit (afin que celui-ci prenne conscience de la gravité des difficultés rencontrées et qu’il incite les dirigeants à prendre, avant qu’il ne soit trop tard, les mesures nécessaires pour redresser l’entreprise), soit vis-à-vis du public (via un enrichissement de son rapport d’audit).
  2. Qui travaille sur quoi ? À ce jour, trois régulateurs travaillent en parallèle, des liaisons organiques existant entre eux, en tant que de besoin :

a)      L’ IFAC, et plus particulièrement sa branche «Normes d’ Audit » (l’IAASB) qui élabore les normes mondiales d’audit, les ISA (International Standards of Auditing). Notons au passage pour notre pays que les ISA sont dans leur grande majorité «transposées » en normes d’exercice professionnel (N.E.P.) pour les commissaires aux comptes, après simplification et publication au J .O. par arrêté du ministère de la Justice qui leur donne force de loi.

b)      Le PCAOB et la SEC., qui réfléchissent sur les mêmes problématiques, que cela soit au niveau du contenu du rapport du CAC et/ou de la rotation des cabinets d’audit.

c)       L’ Union Européenne (suite au « green paper » de Michel Barnier de décembre 2010). Elle prévoit notamment d’adopter les ISA sans exclusion (au contraire de ce qui s’est fait avec IAS 39 en matière comptable).

  1. Qu’est ce qui est susceptible de changer ? (résumé synthétique des principaux changements en cours).

a)      Clarifier le langage par trop obscur de l’auditeur, plus proche de la jésuistique que du langage des affaires (exemples : « absence de risque significatif » , « événements qui pourraient entraîner une incertitude significative », etc.)

b)      Instituer une rotation des cabinets d’audit, avec un délai de viduité entre deux mandats (4 ans pour l’ U.E.).

c)       Obtenir de l’auditeur une déclaration positive (et non uniquement une déclaration négative) en ce qui concerne la continuité d’exploitation , celle-ci s’étendant obligatoirement a minima sur les 12 mois à venir. Plus spécifiquement, il serait demandé à l’auditeur de justifier (vis-à-vis du comité d’audit pour le PCAOB, et éventuellement du management en plus pour la Commission européenne) le bien -fondé de son appréciation positive sur la continuité d’exploitation.

d)      Enfin, réforme préconisée par la SEC : demander à la société auditée de communiquer , non pas uniquement sur les facteurs de risques (comme aujourd’ hui aux États-Unis et en Europe), mais aussi sur la façon dont les risques sont atténués (mitigated), et en y incluant des K.P.I. ( key performance indicators) de l’entreprise (ce que font déjà certains groupes, mais sur une base volontaire) , KPI pertinents par rapport à la branche d’activité (ex : nombre d’années de revenu dans le carnet de commandes, pourcentage de produits nouveaux inférieur à un an dans le chiffre d’affaire annuel, poids du cash-flow opérationnel dans le cash-flow total ).

Conclusion : la tâche n’est pas aisée. En effet, le management de l’entreprise sait tout (en principe), mais moins il en dit, plus il pense pouvoir préserver les chances de survie de l’entreprise. Le commissaire aux comptes sait ce qu’on a bien voulu lui montrer, mais il répugne à se substituer à l’entreprise pour parler à sa place et n’a pas les pouvoirs inquisitoriaux du juge. On voit mal de surcroît comment il pourrait donner une assurance positive sur la continuité d’exploitation (going concern)

Il a néanmoins l’obligation, lorsqu’il estime qu’il existe une incertitude sur la continuité d’exploitation, de s’assurer qu’une information pertinente est donnée dans l’annexe ,et d’attirer l’attention du lecteur sur cette incertitude dans son rapport d’audit.

On sent bien cependant que la situation actuelle est difficilement tenable : chacun a encore en mémoire la situation de Dexia, qui, en juillet 2011, passait sans encombre les stress tests demandés à une centaine de banques européennes, et qui, un mois plus tard, se trouvait au bord de la cessation de paiements et annonçait une perte record de 11 milliards d’euros pour 2011.

La tendance actuelle mondiale (UE et USA) de justification des appréciations (en deuxième partie du rapport d’audit en plus de l’observation figurant en première partie), s’inspire de la règle française en la matière (N.E.P. 705), si ce n’est qu’elle quitterait le champ comptable pour se concentrer sur l’aspect trésorerie. Il n’est par contre pas question, au niveau international, de mettre en place la procédure d’alerte que nous connaissons en France.

Le tout est d’éviter la résurgence des rapports aseptisés « copié-collé », en axant l’approche d’audit sur l’analyse des risques liés au business , comme la DFCG l’avait souligné dans sa lettre de commentaires au green paper de la Commission, en décembre 2010.

 

Pour en savoir plus/références :

Concept Release on Auditor Independence and Audit Firm Rotation

EC proposals on Auditing

Concept release on possible revisions to PCAOB standards related to reports on audited financial statements

Presentation of the PCAOB’s Investor Advisory Group Working Group on Going Concern