Ali Saada, professeur et expert-comptable vient de publier un ouvrage consacré au goodwill. Nous reproduisons ici l’avant-propos de cet ouvrage que l’un de nous deux a écrit.

« Aussi lointain que je me le rappelle, c’est à dire au moins une trentaine d’années en arrière, j’ai toujours eu le sentiment vif que la comptabilité butait contre le goodwill, ne sachant pas résoudre, intégrer et traiter proprement cette différence entre la valeur des capitaux propres d’une entreprise et le montant comptable de ses capitaux propres.

Qu’on en juge. Le goodwill, parfois réduit des plus-values latentes sur actifs de l’entreprise acquise, parfois non, fut déduit des capitaux propres au Royaume-Uni, solution expéditive s’il en est pour s’en débarrasser, fut immobilisé et amorti sur 40 ans au maximum, puis sur 10 ans maximum dans beaucoup d’autres pays, dont le mien, et se trouve depuis le début des années 2000 en normes IFRS et américaines, pour ne citer que les principales, immobilisé, testé et éventuellement déprécié. Mais on parle maintenant de revenir dans ces normes à un amortissement annuel.

Le goodwill est d’une certaine façon l’introduction de la finance dans la comptabilité : comparaison entre une valeur par essence financière (le prix payé pour acquérir une entreprise) et la quote-part des capitaux propres par essence comptable. Et comme le souligne très bien Ali Saada, d’entrée de jeu il y a un problème, car le terme goodwill (ou badwill) ne veut pas dire la même chose pour un comptable ou pour un financier !

Cette difficulté n’est pas surprenante quand on y réfléchit. Finance et comptabilité sont deux matières très complémentaires, mais fondamentalement différentes dans leur esprit et leur objet. La comptabilité sert à mesurer et à présenter les performances de l’entreprise (résultats, patrimoine) dans un cadre annuel qui a trait au passé immédiat, et qui ignore le plus souvent le risque. La finance se concentre sur l’allocation des ressources et la valeur. Elle intègre le risque, ce qui lui donne une dimension prospective et spéculative. Elle a démontré pouvoir être dangereuse, contrairement à la comptabilité qui doit être fiable et solide.

J’ai souvent observé un complexe d’infériorité chez les comptables à l’égard des financiers et parfois un mépris latent de certains financiers à l’égard de la comptabilité. Quelle erreur funeste ! On ne peut pas être bon financier si on ne maîtrise pas d’abord bien la comptabilité. C’est une certitude acquise tout jeune, que des années de pratique et d’enseignement de la finance ne m’ont jamais fait renier, au contraire !

Au risque de choquer certains lecteurs, le goodwill ou plutôt son traitement comptable, n’a pas beaucoup d’importance pour un financier. Pour lui, il s’agit en effet d’une pure écriture comptable sans conséquence sur les flux et donc la valeur. Peu importe qu’un prix d’acquisition de 100 soit ventilé entre un actif net réévalué de 80 et 20 de goodwill, ou l’inverse. Ce qui compte c’est que 100 a été payé et qu’un certain taux de rentabilité est attendu sur cet investissement de 100. Qu’il soit ensuite déprécié, amorti, selon les règles formelles en vigueur à ce moment-là, n’a pas non plus beaucoup d’importance. Dans l’immense majorité des cas, il y a longtemps que l’investisseur a noté, grâce aux résultats que sort la comptabilité de l’entreprise, que les résultats sur cet investissement ne sont pas à la hauteur où ils devraient être. Et ceci a déjà été intégré dans la valeur avant même que les dépréciations ne soient passées.

Ainsi que le souligne à juste titre Ali Saada, « Il est difficile, dans ces conditions, de vouloir évaluer correctement le goodwill ou d’en donner une définition exacte. La comptabilité économique restera donc l’apanage des directeurs financiers intelligents et des professeurs de finance qui les conseillent ». Raison de plus pour eux de faire de LE GOODWILL, Finance d’entreprise et modèle IFRS leur livre de chevet sur ce sujet. Ils y trouveront une vue d’ensemble complète et précise, comptable et financière, et des propositions concrètes de gestion comptable du goodwill, nourries par la double activité de professionnel du chiffre et de pédagogue reconnu de son auteur.

Bonne lecture et bonne méditation. »

Article initialement paru dans la Lettre Vernimmen.net n°147 de février 2017, et repris par Vox-Fi avec due autorisation.