« Qui tu connais vaut plus que ce que tu connais », dit le vieux dicton, qui s’applique encore beaucoup dans le domaine professionnel. Les processus de recrutement et de promotion passent encore beaucoup par appréciations, mises en contact et recommandations, voire renvoi d’ascenseurs, et pas simplement sur les compétences que montre un CV. Les processus d’exclusion également. Il est donc important d’avoir un réseau large. Après tout, c’est aussi un des motifs (pas le seul !) pour adhérer à une association comme la DFCGn’est-ce pas, chers lecteurs de Vox-Fi ?

On montre même, depuis les travaux du grand sociologue américain Robert Putnam (« Bowling Alone») qu’il vaut mieux pour cela des « liens faibles », connaissances lointaines, collègues ou ex-collèges de travail ou d’associations, que des « liens forts », amis ou famille, qui ont en général les mêmes informations que vous concernant les opportunités de travail. 

Le graphique qui suit est tiré d’une étude qui cherche à quantifier l’effet réseau dans le domaine professionnel [1]. Elle repose sur un échantillon de 22.000 cadres dirigeants d’entreprises cotées en Europe et aux États-Unis. L’importance du réseau est difficile à mesurer. Les auteurs se servent d’une base de données de chasseurs de tête au Royaume-Uni, comprenant les CV de 300.000 individus, ce qui permet de faire des liens entre les cadres dirigeants de l’échantillon et les personnes avec lesquelles ils ont pu, à un moment ou un autre de leur carrière, être dans la même entreprise. On distingue ainsi les individus à fort réseau d’autres n’en bénéficiant pas. 

Que donne alors visuellement cet effet réseau sur la rémunération de ma personne, en distinguant en plus les hommes et les femmes ? 

Graphique : Rémunération des dirigeants d’entreprise selon la taille de leur réseau et le genre 

L’étude, avec les limites bien-sûr qu’imposent les données utilisées, conclut à un effet très sensible d’une bonne connexion professionnelle : un cadre dirigeant d’entreprise bien réseautée, c’est-à-dire qui est dans le quart supérieure des personnes ayant le réseau le plus ample, augmente en moyenne sa rémunération de 20%.  

L’étude montre aussi que l’effet réseau joue moins pour les femmes que pour les hommes. Plus précisément, il semble que les entreprises qui promeuvent des femmes à des postes supérieurs font beaucoup moins pour promouvoir leur « sociabilité » qu’elles le feraient envers leurs cadres masculins (formation interne, « tour de banque », congrès et séminaires, etc.)L’acceptation par le cadre d’une très grande flexibilité (horaires longs, pas de vacances, mobilité géographique…) sont des facteurs d’une telle sociabilité, dont les femmes usent moins facilement. Il semble donc rester ici une forme pernicieuse de discrimination selon le genre. En particulier, les auteurs, dans un long passage de l’article cité, indiquent déceler des pratiques de « window-dressing » de certaines entreprises, qui retiennent des femmes aux postes non-exécutifs, par exemple dans les conseils d’administration, aux fins de ne pas avoir à les mettre dans des postes de pouvoir. Les politiques de quotas féminins dans les conseils d’administration ne suffiront pas en elles-mêmes, disent-ils, à établir un terrain de jeu égal entre hommes et femmes.  

 

[1] voir : Lalanne, Marie and Paul Seabright, 2016, « The Old Boy Network: The Impact of Professional Networks on Remuneration in Top Executive Jobs », SAFE Working Paper No. 123.

 

Cet article a été publié sur Vox-Fi le 23 novembre 2016.