Bâle 3, les banques et les PME françaises : un jeu de dupes ?
Alors que la crise n’est pas terminée, tant s’en faut, (lire à ce propos l’article de Pa Delhommais dans Le Monde des 21 et 22 Mars), chacun convient qu’il faut, dans les meilleurs délais, conduire règlementairement les établissements financiers à renforcer leurs fonds propres. Aussi la Banque des Règlements Internationaux (BRI), la « Banque des banques centrales », vient-elle de proposer un train de mesures (Bâle 3), visant à compléter Bâle 2 !
Rappelons que « Bâle 2 » impose le respect d’un ratio global de solvabilité calculé ainsi :
R = Total des fonds propres / Risques pondérés (Crédit+Marché+Opérationnels)
Les coefficients de pondération doivent refléter les niveaux de risque de chaque métier et activité. Forts des constats faits depuis le début de la crise, les autorités recommandent d’accroitre les pondérations affectées aux opérations de marché et de mettre en œuvre les mesures suivantes :
• Renforcer la sécurité face aux risques de contrepartie et particulièrement ceux liés aux produits dérivés
• Envisager un hausse du ratio ci-dessus et des coefficients appliqués
• Compléter le ratio actuel avec un ratio brut non pondéré de fonds propres sur total de bilan
• Introduire des ratios de liquidité à 30 jours et à un an contraignants imposant de placer des fonds propres dans des investissements liquides (dettes souveraines…)
• Imposer la constitution de réserves supplémentaires contra-cycliques en prévision d’évènements économiques adverses.
Ces propositions « de bon sens » visent à accroitre la solidité du système bancaire par un renforcement des fonds propres. Pour conserver un niveau de profit garantissant une rémunération raisonnable de leurs actionnaires, une attractivité pour les investisseurs – 15 à 12% de ROE (1)- et donc leur pérennité, les banques, conduites à limiter leurs activités de marché, devraient augmenter les revenus des activités de crédit à proportion de la hausse règlementaire des fonds propres et donc les prix de leurs services aux entreprises.). Si les instruments financiers de fonds propres devenaient moins abondants, En effet, les marchés face à une de rendement des fonds propres bancaires investiraient dans d’autres secteurs de l’économie, financeraient moins les banques ou le feraient à un coût plus élevé, ce qui baisserait l’offre de crédit. La réponse stratégique des banques consisterait à réduire leur total de bilan, ce qui reviendrait à diminuer l’offre de crédit bancaire aux agents économiques dans les pays qui mettraient Bâle 3 en pratique. Les entreprises industrielles et commerciales ayant un accès direct aux marchés de capitaux seraient modérément affectées par cette évolution. Pour les PME en revanche, la loi de l’offre et de la demande pourrait conduire ultimement et au delà d’une augmentation des prix des services et des crédits bancaires, à une réduction du crédit disponible! Les estimations, pour les banques françaises portent sur plusieurs centaines de milliards d’euros. La sécurité du système financier a un prix qu’il convient d’optimiser et de répartir équitablement entre tous les pays concernés.
En effet, sachant que le financement direct des entreprises par les marché financiers est plus important que de notre côté de l’Atlantique, l’effet de base d’une augmentation des coefficients « crédit « sur les besoins en fonds propres serait plus faible en Europe qu’aux Etats-Unis. Les établissements américains n’auraient alors plus qu’à se baisser pour conquérir de nouvelles parts du marché bancaire européen ou au moins, celui des grandes entreprises seules intéressantes pour les banques américaines.
Enfin, et de façon pernicieuse, les institutions américaines seraient indifférentes à tout resserrement de Bâle 2 puisqu’elles n’envisagent pas de l’appliquer au plus tôt avant 2010 !
Avec un tel nivellement réglementaire indifférencié, les PME devraient faire face à une raréfaction du crédit ou/et à une augmentation de son coût, ce qui pénaliserait leur développement. Avec l’argument de la sécurité de l’économie, la manœuvre est imparable et Pascal Lamy, Directeur Général de l’Organisation Mondiale du Commerce, n’aurait rien à redire. La bataille commerciale des banques et des PME serait gagnée par les américains sans combattre.
On comprend que la stabilité future du système bancaire ait un prix mais on sait également que les normes peuvent constituer un corpus protectionniste efficace! Alors que les banques françaises ont franchi la crise en meilleure condition que leurs consoeurs étrangères, faut-il que les établissements financiers et les PME françaises soient autant pénalisées que leurs homologues européennes et bien plus que les institutions américaines ? Gare au jeu de dupes !
(1) certains jugeront obscène cette rémunération attendue de mais ce ratio s’applique dans d’autres secteurs
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