Le dernier ouvrage de Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales) prolonge, même s’il n’y fait pas référence, celui publié deux ans plus tôt par Jean-Michel Naulot, banquier pendant 37 ans puis membre du Collège de l’AMF de 2003 à 2013.

 

Le livre de ce dernier « Crise financière, pourquoi les gouvernants ne font rien » était un cri d’alarme et un appel adressé aux citoyens pour qu’ils s’approprient le débat sur la finance et pressent les politiques d’affronter une culture qui privilégie la prise de risques déraisonnables par des banquiers  se sachant couverts in fine par les pouvoirs publics. La conclusion de BLABLA BANQUE, « Ne manquent plus que le courage et l’élan citoyen », est identique, même si les deux ouvrages sont très différents.

 

Jézabel Couppey-Soubeyran, initiatrice de l’appel de 130 économistes contre le projet de nomination de François Villeroy de Galhau à la Banque de France, signe un ouvrage pédagogique et documenté entendant « ouvrir aux citoyens le débat que le lobby bancaire leur a confisqué sur les enjeux d’une activité bancaire mieux contrôlée ». Plus de trente pages, assez savoureuses mais parfois injustes, sont consacrées à l’organisation tentaculaire du lobby bancaire français, à son omniprésence, à son omnipotence et à la façon dont il a vidé la loi de séparation bancaire votée en juillet 2013.

 

« La réglementation des banque va mettre en péril la croissance, le remède sera pire que le mal, il ne sert à rien d’aller contre les soubresauts habituels du secteur bancaire et financier », voilà les trois arguments que les banques utilisent pour s’opposer à toute initiative de réforme ou d’encadrement de leur secteur. C’est cette rhétorique réactionnaire que l’auteur s’attache à décrypter en s’inspirant d’une grille de lecture développée par l’intellectuel subversif Albert Hirschman, qui avait étudié trois arguments typiques des opposants à tout progrès social.

 

Par ses illustrations et son style, le livre dresse en creux un tableau accablant des excès de la finance et des insuffisances des régulations actuelles :

 

  • « Ce sont les fous eux-mêmes qui placent les barrière ».
  • Il faut des digues pour contenir les débordements de la finance, « pas des diguettes » .
  • Trop de finance nuit à l’économie, «au delà d’un certain point la finance fait du tort à la croissance ».
  • Les ratios prudentiels sont insuffisants et manipulés, « aucune autre entreprise d’aucun secteur ne pourrait poursuivre son activité avec de tels endettements ».
  • « Les marchés sont gangrenés par les conflits d’intérêts et l’information asymétrique ».

 

L’auteur dénonce avec raison l’absence d’isolement des activités spéculatives, l’opacité de certaines transactions financières, l’évaluation des risques déficiente, les problèmes de gouvernance et le fait que les risques ne sont pas pris au bon endroit, là où ils engendrent la croissance et l’emploi. Mais les réformes à entreprendre sont-elles aussi simples que le proclame Jézabel Couppey-Soubeyran, alors qu’elle fait elle-même la démonstration de la difficulté de leur mise en œuvre, notamment au niveau international ?

 

Pour autant, ce livre drôle et accessible sur un sujet sérieux  fait passer le bon message pour réguler les banques et le secteur financier qui poursuivent leur course folle : Il faut une coordination  internationale et une volonté politique solide, laquelle suppose une vigilance accrue des citoyens. La vérité oblige à dire que cet objectif paraît aujourd’hui hors d’atteinte, même au niveau européen. La proposition de directive de Michel Barnier sur la séparation bancaire, dénoncée  début 2014 comme une hérésie par les banques françaises, avait déjà été édulcorée lors de son passage au Conseil européen. Elle est dorénavant en discussion au Parlement européen.

 

La commission Junker ne fait pas mystère que le « moins réguler » fait partie de ses lignes de conduite, ne serait-ce que pour relancer les investissements  en Europe et pour ménager les  Britanniques qui menacent de quitter l’Union européenne. Le commissaire européen aux marchés financiers, le Britannique Jonathan Hill, souhaite procéder à un inventaire des textes  mis en place pendant la crise pour les alléger, y-compris les normes prudentielles Bâle 3 et Solvency 2. Il vient d’ailleurs de proposer un nouveau cadre règlementaire pour la titrisation. Il estime en effet que « le secteur bancaire est bien plus solide,  les marchés plus transparents et mieux régulés ». Fermez le ban !

 

 

Voir également fiche de lecture Vox-Fi : Mon amie c’est la finance ! Comment François Hollande a plié devant les banquiers.