On met aisément en avant le caractère protestataire du vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni, de la part de gens se sentant mis à l’écart socialement et économiquement, et dont les aspirations personnelles n’en finissent pas de se restreindre. Mais il y a peut-être des facteurs politiques mieux traçables, soutient Thiemo Fetzer, dans une tribune de Vox-EU au titre évocateur : « Austerity caused Brexit ».

Il met en cause la décision du gouvernement conservateur récemment élu en 2010 et dirigé par David Cameron d’opérer des coupes drastiques dans les budgets sociaux de l’État. C’est ce que montre le graphique qui suit :

 

La dépense publique dans le domaine de la providence et de l’aide sociale a baissé de 16% par tête en termes réels. La chute est de 19% pour le budget de l’éducation. Il faut rappeler que nous étions en 2010, dans les séquelles du choc de la Grande dépression ouverte en 2008 qui frappait déjà durement les populations. La baisse de 16% a par définition principalement touché les gens qui profitaient de ces dépenses sociales, pas les gens qui s’en sortaient bien. Et le retrait de la couverture publique se faisait précisément au moment du choc conjoncturel, quand la population en avait le plus besoin.

La répartition géographique de ces coupes budgétaires épouse étonnamment le vote en faveur du Brexit, comme le montre la carte suivante (en rouge, les régions les plus frappées). On note en particulier que l’Écosse – est-ce le résultat d’une certaine autonomie budgétaire ?– reste largement en couleur bleue, c’est-à-dire a peu été touchée par les réductions des programmes sociaux, sauf vers Glasgow ; mais le Pays de Galles, qui a voté en faveur, fortement.

 

Graphique : Pertes financières liées aux mesures budgétaires selon les régions

(mesurées en réduction de revenu réel sur une année par adulte en âge de travailler)

Corrélation n’est pas toujours raison, mais la coïncidence frappe. On attribue la décision de lancer le référendum sur le Brexit a un calcul hasardeux et quelque peu dilettante fait par Cameron, pourtant un pro-Européen affiché, pour se libérer de la pression de l’aile droite du Parti conservateur. Sans doute. Mais il s’y est pris de telle sorte que les conspirationnistes qui fleurissent ces temps-ci pourraient penser qu’il avait un agenda caché.

En tout cas, le lendemain du référendum perdu, Cameron n’a pas longtemps hésité à quitter le bateau. Le Sun, tabloïd britannique, rapporte ce qu’il disait (dans une phrase que la pudeur oblige Vox-Fi à laisser en anglais) : « Why should I do all the hard shit for someone else, just to hand it over to them on a plate? ». Theresa May a mangé de cette chose dure jusqu’à sa fin. Cité dans un excellent article de Foreign Affairs, vol 96, n°6 : « Why the British chose Brexit ».