Chacun a compris qu’il devait exister un accord tacite entre les Etats-Unis et la Chine sur les questions monétaires. Or depuis quelques jours, on peut se demander si cet accord  a jamais existé. De plus, la récente réunion entre le président du Brésil et les autorités chinoises incite à penser qu’au contraire une autre politique des BRIC est en cours de mise en œuvre.

Le 18 mai dernier, Brésiliens et Chinois ont annoncé qu’ils n’utiliseraient plus le dollar américain comme moyen de règlement dans leurs échanges bilatéraux. Cette information complète l’annonce de la relance de l’utilisation des Droits de Tirage Spéciaux (DTS).

On pressent les enjeux macro-politiques qui se cachent derrière ces déclarations. En effet, on se rappelle cette phrase célèbre d’un ministre des Finances américain, selon qui : « le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème ! » Il n’existe aucun moyen aisé pour que les responsables économiques et politiques du G20 résolvent ce problème… sauf à ce que le dollar devienne un problème américain !

Ce pouvoir juridiquement « exorbitant » des Etats-Unis ne peut pdorénavant plus exister, depuis cette sorte de Bretton Woods II lancés lors du sommet du G20 de Washington en 2008, complété par la réunion récente du G20 à Londres.

Que risque-t-il, certes très schématiquement, de se produire ? Avec un abandon de la référence au dollar américain, l’hégémonie américaine risque d’être écornée. C’est un fait, que l’on peut regretter, mais qui est indiscutable. Partant, il est fort probable que la Chine et d’autres pays, riches en devises (BRIC, Etats pétroliers et gaziers…) vendront quelques-unes de leurs réserves en dollars pour créer, au sein de leurs banques centrales, un mix de devises se rapprochant de la proportion retenue pour valoriser un DTS.

Le dollar américain baissera alors sensiblement contre toutes devises (toutes choses étant égales par ailleurs), et l’on assiserait donc à une appréciation de la parité de devises comme le yuan contre dollar… ce que les autorités américaines réclament depuis de nombreuses années, mais pas de cette façon.

Une chose en effet est de réévaluer des devises contre le dollar, une autre chose est d’assister à une « dévaluation » du dollar contre les autres monnaies ! Laquelle des deux solutions est la plus cohérente et/ou la plus acceptable ? Des débats d’économistes pourront certainement nous fournir des explications détaillées à ce propos.

C’est pourquoi, dans ce courrier, il est proposé de faire appel à un élément qui n’est pas le plus partagé, mais qui a le mérite d’être le plus culturellement acceptable : le bon sens !

Chacun s’accorde à penser que les Etats-Unis, avec leurs endettements public et surtout privé ont vécu au-dessus de leurs moyens. Nous assistons à un grand nettoyage qui va permettre de revenir à des fondamentaux. Et dans ce cas, force est de constater que les Etats-Unis sont moins « riches » qu’il n’y paraissait. La récession, et peut-être la déflation, est un signe qu’ils s’appauvrissent. Les Européens ne seraient pas, alors, simplement spectateurs, mais également acteurs !

Or quel est l’indicateur macroéconomique le plus pertinent pour marquer cet état de fait, si ce n’est le niveau de la devise nationale ? Et n’est-il alors pas classiquement normal que cette devise baisse en valeur absolue et relative ?
L’abandon de la référence dollar au profit de DTS, ne serait alors que la traduction de cet état de fait. L’euro ne bénéficierait sûrement pas de l’introduction du DTS dans les échanges internationaux, sauf peut être face au dollar !

Certes, et pragmatiquement, sur le fond, il est improbable pratiquement qu’on puisse si vite que cela remplacer au pied levé le dollar. Et il semble, en ce moment, davantage faire l’objet de postures et d’effets d’annonce dans la communication Chine-Brésil : les Chinois savent qu’ils doivent être prudents : à trop décrier le dollar, il va baisser et partant, la valeur réelle de leurs réserves de change. Des années de travail des citoyens chinois pourraient ainsi partir en fumée, et la Banque de Chine le sait.

En conclusion, récapitulons : l’année 2008 a commencé par une crise bancaire (virtuelle pour reprendre une expression totalement erronée), qui s’est poursuivie par une crise de l’économie « réelle ». Gageons que la troisième et dernière étape est déjà largement engagée : la crise individuelle !

Dominique Chesneau