Crise ou pas, banquiers et avocats restent… gros et gras le teint frais. On les pensait faisant le dos rond, attendant que l’opinion publique laisse tomber le thème des rémunérations insolentes de la finance avant de remonter au créneau. Non ! Impossible. Piquousés au bonus et au billing d’avocat, ils continuent à prélever leur dîme sur toute opération financière qui passe à leur portée. Et, syndrome de Stockholm ?, pur rapport de force ?, les entreprises acceptent sans vraiment barguigner, comme les dindes un réveillon de Noël.

 

Le dernier cas en date est l’offre publique d’échange simplifiée lancée dernièrement par Eurotunnel sur des bons de souscription d’actions (BSA) émis en juin 2007 (une action nouvelle contre 35 bons). Il faut rappeler le contexte, parce que cet épisode s’inscrit dans un long processus qui a vu finalement Eurotunnel sortir avec succès de son plan de sauvegarde. Se sont succédées quatre opérations financières et juridiques.

 

1- Création début 2007 d’une nouvelle entité, GET (Groupe Eurotunnel) permettant la restructuration de la dette des créanciers. Le montant des frais liés à cette opération est de 15 M€. C’est à ce moment que les BSA ont été gratuitement attribués aux actionnaires historiques et aux créanciers comme retour à meilleure fortune. Reconnaissons que la négociation a été longue et complexe de sorte qu’on peut laisser le bénéfice du doute et penser que ces frais sont correctement ajustés. Comme on va le voir, ils sont peu de choses par rapport à ce qui allait suivre.

 

2- Emission en février 2008 de titres subordonnés TSRA ayant permis à GET de lever 800 M€. Les frais bancaires et juridiques ont été de 31,5 M€, soit près de 4% du produit de l’émission. Pourtant les banques n’ont pas donné de garantie, même si les frais doivent probablement couvrir celle qu’a consentie le fonds d’investissement géré par Goldman Sachs.

 

3- Augmentation de capital de GET de 920 M€ en mai 2008 par une procédure originale, dit « rump placement ». (On donne aux actionnaires des bons de souscription à fenêtre d’exercice très courte, soit 2 semaines, ce qui permet au syndicat bancaire souscripteur de replacer leurs actions. C’est proche d’une opération de droits préférentiels de souscription). Coût complet de l’opération, certes dans une situation de marchés déjà nerveux et y compris la garantie de placement : 40 M€, soit 4,4% du montant levé.

 

4- Vient en juillet 2009 la 4e opération, de rachat des BSA émis en 2007. Ceci peut-être avec l’idée de présenter un bilan plus simple au cas où, comme le dit la presse, une grande opération d’acquisition se présenterait et obligerait à payer en actions. Les frais sont la bagatelle de 9,5 M€, dont 2 M€ pour le financier et 7,5 M€ pour le juridique. Ces montants laissent perplexes : c’est la moitié des frais de l’étape 1. On peut aussi se référer aux autres offres publiques visant à restructurer des BSA ou des Océanes, par exemple Publicis, Infogrames, etc. Elles font apparaître des frais variant de 0,3 M€ à 4 M€ pour la plus complexe.

 

Faisons le compte : au total presque 100 M€ de frais, ce qui fait un pourcentage copieux des principaux agrégats de l’entreprise : plus de 4% de la capitalisation boursière d’aujourd’hui pleinement diluée, 14% de son chiffre d’affaires, deux fois et demi son résultat net.

 

Qui paie tout cela ? Les actionnaires sans doute, et aussi les clients, transporteurs routiers et opérateurs ferroviaires, vous et moi qui allons à Londres… Mais bien sûr, on ne demande pas aux dindes leur avis pour le menu de Noël.

 

François Meunier