Catastrophes au Japon : quelles conséquences pour l’économie du pays ?
Les 4 préfectures japonaises touchées par le tremblement de terre et le tsunami vendredi dernier représentent 6,2 % du PIB japonais et 7,2 % de la production industrielle. Ces chiffres suggèrent qu’à court terme, l’impact sera significatif sur l’activité.
Pour avoir un ordre d’idée, si la production industrielle baissait de 50 % sur le reste du mois de mars l’impact serait de l’ordre de -2 % au niveau national. Le choc de court terme sera donc important.
En 1995, l’impact immédiat du tremblement de terre de Kobe avait été un repli de -2,6 % de la production industrielle au niveau national en janvier 1995. Un rebond significatif avait eu lieu en février (+2,2 %) et en mars (+0,95 %).
Les enseignements du passé
Dans ce type de situation, il apparaît que la capacité de réaction est très dépendante du niveau de développement du pays touché. Des institutions fortes et structurées permettent de rapidement définir les priorités, les enjeux, la définition des projets et de leur mise en route. Un capital humain éduqué facilite la mise en œuvre de la reconstruction. (La production résulte de la mise en œuvre d’une combinaison du travail et du capital. Lors d’un tremblement de terre, le capital est détruit et doit être remplacé par du travail. Plus ce capital humain est éduqué, mieux il s’adapte à cette nouvelle combinaison). En d’autres termes, plus un pays est développé plus sa capacité à réagir rapidement est élevée.
Sur un autre plan, l’impact de la reconstruction aura un effet positif sur la productivité puisque les nouveaux équipements installés incorporeront davantage de progrès technique. Cela facilitera l’élimination du choc et le retour à une situation économique plus favorable.
A priori, le Japon reconstruira rapidement son économie. Après Kobe, le secteur manufacturier avait très vite retrouvé un niveau d’activité proche de celui d’avant le tremblement de terre.
Au-delà de cette expérience de Kobe, on note que généralement il y a des arbitrages régionaux et une redistribution de l’activité. Si au niveau global l’activité est peu touchée pour un pays avancé, la région qui a subi le choc voit son activité durablement pénalisée.
Les différences
Il y a deux différences majeures avec la situation de Kobe. La première est l’ampleur de la catastrophe et l’impact du tsunami sur l’économie. Il y a une vraie différence d’échelle qui fait que l’on ne peut comparer spontanément les chiffres de 1995 à la situation actuelle. Mais on a vu néanmoins que le processus de rééquilibrage pouvait être rapide et maîtrisé.
La deuxième différence est l’incidence de la situation des centrales nucléaires. Il existe encore de nombreuses incertitudes sur ce point. Plus celles-ci seront importantes et longues à se résoudre, plus la reprise de l’activité s’éloignera dans le temps. C’est à mon sens la clé du redémarrage des régions qui ont été touchées.
Si l’approvisionnement en électricité est limité, parce qu’il y a une incertitude sur le nucléaire et parce que les modes de production d’électricité par des sources de substitution sont longues à mettre en œuvre, la situation économique sera plus durablement affectée.
La question du financement
Les marges de manœuvre budgétaires disponibles sont aussi une vraie différence par rapport à la situation de 1995. La dette publique représentait alors 92 % du PIB contre 225 % en 2010 selon les chiffres du FMI. Les moyens à mettre en œuvre pour la reconstruction seront forcément affectés par cette contrainte.
Le gouvernement japonais devra certainement proposer des mesures spéciales pour amortir le choc. On doit imaginer une fiscalité temporaire pour faire face à cette situation.
A très court terme, la Banque du Japon a injecté des liquidités très importantes pour éviter de contraindre inutilement l’économie dans cette phase très particulière. (Selon l’Agence internationale de l’Énergie, le nucléaire représente 35 % de la production d’électricité).
On peut imaginer aussi des rapatriements de capitaux pour faire face à ce choc.
La dette publique va continuer de progresser à un rythme élevé, mais on doit s’attendre à de nouvelles sources de financement de la reconstruction soit via une fiscalité plus forte et soit via le rapatriement de capitaux.
Conclusion
La perte de richesse lors du tremblement de terre de Kobe a été estimée à 2 % du PIB japonais. Compte tenu de l’ampleur supérieure de la situation actuelle, le coût du sinistre pourrait tendre vers 3 %. Ce choc va progressivement être résorbé.
Le risque de diffusion vers le reste du monde nous semble limité à moyen terme. Le choc sur l’activité globale sera donc contenu.
Il est probable que cela prolongera le caractère accommodant de la politique monétaire et provoquera un accroissement toujours rapide de la dette publique même si des mesures spéciales sont prises pour financer la reconstruction.
Ces conclusions ne sont évidemment pertinentes que si le risque nucléaire ne s’accentue pas au point de paralyser le Japon et son économie.