Comment le Ministre de l’Environnement peut-il oser faire chiffrer le coût de disparition des abeilles ?

Dans « Les Echos » du 24 novembre, nous apprenons que la valeur monétaire du « service de pollinisation » rendu par ces insectes est valorisée à trois milliards d’euros, l’équivalent de 8,6 % de la valeur marchande de la production agricole destinée à l’alimentation humaine. C’est presque donner un droit de destruction des abeilles, donner carte blanche à tous les produits toxiques, autoriser la destruction d’un maillon de la chaîne alimentaire…. A quand les certificats de droit à détruire les abeilles comme les droits à polluer.

Qu’on l’accepte ou non, le rôle des abeilles ne se limite pas uniquement à la production agricole alimentaire, il est aussi dans toute la chaîne végétale, dans le croisement des espèces, dans le développement de nouvelles espèces, etc. L’Observatoire Français d’Apidologie considère, dans ses différentes études, qu’un tiers de l’alimentation mondiale dépend totalement des insectes pollinisateurs, majoritairement les abeilles sauvages et domestiques. Il est généralement accepté qu’également un tiers – peut-être plus – des abeilles disparaissent suite à l’utilisation des néo-nicotines (pesticides qui affectent le système nerveux des abeilles), mais aussi du fait des changements climatiques ou de l’introduction d’espèces en provenance d’Asie.

Et si Bayer-Monsanto – dont les destins sont désormais unis, ou d’autres responsables de cette hécatombe, indemnisaient la société de trois milliards d’euros pour le dommage subi, cela ne vaudrait-il pas une sorte de droit pécuniaire à détruire les abeilles ? Et utiliserons-nous ensuite cette indemnité pour recréer la chaîne de pollinisation par l’utilisation de main-d’œuvre « à bas coût » ?

Valoriser un bien presqu’immatériel revient à la rendre matériel et donc à lui donner une valeur marchande. Cette « désacralisation » (terme fort, j’en conviens) d’un Bien de l’Humanité permet de se donner bonne conscience pour continuer la destruction de cette espèce.

Décidément, après les droits à polluer, l’être humain (si nous avons encore un reste d’humanité) s’auto-adjuge les droits monétaires de la nouvelle destruction d’un maillon de chaîne biologique et humaine par extension.

 

Cet article a été publié dans Vox-Fi le 8 décembre 2016.