Chinamérique : un couple contre-nature ?
Ouvrage collectif du Cercle Turgot
Editions Eyrolles, 275 p., 17 €

 

« Les relations entre la Chine et les Etats-Unis vont façonner le XXIe siècle » : par cette déclaration, Barack Obama annonçait-il un « pacte faustien », prix à payer pour sortir de la grande crise mondiale ?

La décennie qui vient de s’achever a mis au jour les liens puissants et apparemment contre-nature qu’ont tissé ces deux pays dans les domaines économiques, financiers et monétaires, créant de facto une forme de solidarité et d’interdépendance sans précédent. Etats-Unis et Chine sont-ils en passe, en vertu d’un principe de réalité, de construire durablement des logiques de coopération ? Au point de se partager un directoire mondial, sous la forme d’une nouvelle hyper-puissance : la « Chinamérique » ?

De l’Amérique et de la Chine, qui tient qui ? Investisseur de premier plan en titres d’Etat Américain, l’Empire du Milieu finance le déficit Américain. Possesseur de considérables réserves de change libellées en dollars, les Chinois subissent la dépréciation de la monnaie américaine ; cette interdépendance a des conséquences politiques inattendues, comme le rappelle Philippe Marini dans sa préface. Il fallait donc analyser la réalité de cette Chinamérique : est-elle une simple méprise, une conjonction momentanée, une alliance « objective » au sens de l’analyse marxiste ? S’agit-il au contraire d’un axe structurant des relations internationales pour une décennie ou une génération ? Ce couple baroque peut-il résister aux aléas des années à venir et s’accommoder de cette surprenante dissymétrie ?

La chinamérique constitue-t-elle, comme le suggère Jacques-Henri David, président du Cercle Turgot, une forme de « pacte faustien », dont la première des vertus serait de permettre à la planète de sortir de la crise. Ce serait le résultat d’une Chine plus sûre d’elle, plus ouverte sur le monde, mieux intégrée dans la concertation internationale, alliée à une Amérique moins dominante et nécessairement plus à l’écoute de ses partenaires internationaux politiques, commerciaux et financiers.

Les experts du Cercle Turgot, 25 co-auteurs, parmi les meilleurs spécialistes du sujet, passent au crible les aspects géopolitiques, les mythes et les réalités de la situation des deux partenaires. En analysant dans le détail cette hypothèse d’une Chinamérique, les alternatives possibles, les risques et les bénéfices potentiels dont elle est porteuse, ils dessinent les contours du « monde d’après ». Ils passent en revue le diagnostic des forces en présence en s’interrogeant sur l’organisation de l’ordre mondial au XXIe siècle et sur la capacité de la Chine à s’adapter à ce nouveau contexte. A bien des égards, rappelle d’ailleurs Jacques Mistral, directeur des études économiques à l’Ifri, la Chine qui devra s’ouvrir à l’Ouest, comme le rappelle François Meunier, président du Comité scientifique de la DFCG, est « le nouveau défi américain ».

Quelles logiques sous-tend « l’énigme socialiste de marchés » qui, pour Jean-Louis Chambon, peut préfigurer une longue marche vers une forme d’universalisation démocratique, à l’issue de la fin des modèles simples, et quels sont les bénéfices et les risques d’une stratégie de coopération qui renforcent la place de la Chine dans la gouvernance mondiale, s’interrogent au passage Philippe Dessertine et Nicolas Bouzou.

Au centre de cette réflexion se situent les questions monétaires avec une nouvelle lecture monétaire et bancaire de l’axe Etats-Unis – Chine, que se partagent entre autres Philippe Jurgensen, André Levy-Lang, Pascal Blanqué et Michel Aglietta. Tandis que Vivien Levy-Garboua et Gérard Maarek mettent en perspective la problématique de la dette publique américaine et le « dilemme du créancier » (chinois en l’occurrence).

Et l’Europe et la France dans tout cela ? Sont-elles condamnées à être spectatrices d’un tel duopole ? C’est un risque pour Christian Saint-Etienne, pour lequel l’euro peut être tenu dans la main de la Chinamérique. Ce que Bernard Esambert n’évacue pas complètement dans sa conclusion tout en gardant l’optimisme d’un « saint laïque » : « plaider encore, plaider toujours sans se décourager en faveur des valeurs universelles en Chine, comment dit-on glasnost et perestroïka en mandarin ? »

Un voyage dans le temps et l’espace, et dans le « monde de l’après », qui conditionne très largement l’avenir et la paix sur la planète.

Le Cercle Turgot rassemble les meilleurs experts du monde de la finance (universitaires, dirigeants d’entreprises) et d’institutions illustres, auteurs des best-sellers économiques du moment ; tous les acteurs de la finance sont rassemblés dans cette entreprise inédite.