Le rejet par le parlement chypriote du plan de sauvetage de Chypre change les règles du jeu et va forcer Chypre à choisir son mode de développement.

Pour l’instant l’économie chypriote bénéficiait de la protection de la zone euro tout en ayant un rôle important dans le recyclage des flux de capitaux russes. La question qui est posée est de savoir si ces deux options sont encore compatibles.

Pour fixer les idées, rappelons que la pierre d’achoppement dans le plan de sauvetage chypriote est la partie qui doit être financée par les chypriotes eux-mêmes. Sur le plan de 17 Mds d’euros, 10 sont fournis par l’Union européenne et le FMI, 1.4Mds par les privatisations et une hausse de l’imposition des sociétés. Restent 5.8Mds qui posent problème. Dans l’impossibilité de restructurer la dette publique comme l’avaient fait les Grecs (car la dette est détenue en grande partie par les banques chypriotes qui sont au cœur du problème), le projet d’une taxation des dépôts bancaires (taxation modulée en fonction du montant des dépôts) a été présentée et c’est cette option qui a été rejetée par le parlement.

Il faut trouver une autre option et c’est sur ce point que des choix devront être faits.

Felix Salmon (http://reut.rs/16Jkj86 ) reprenant une proposition faite par Buchleit et Gulati (http://bit.ly/YG6gZG ) suggérait de favoriser un arbitrage dans le temps pour les déposants. La taxation aujourd’hui correspondrait l’achat d’un actif financier dont l’échéance serait de 5 à 10 ans et qui aurait comme collatéral des actifs réels comme le gaz dont l’exploitation se développe rapidement. L’arbitrage est astucieux et permet de ne pas être confiscatoire comme pouvait l’être la taxation pure et simple du plan initial. En outre une telle opération peut être spécifique aux dépôts les plus élevés. Dès lors la question de la garantie des dépôts de moins de 100 000 euros ne se pose plus.

Cependant cela suppose que les déposants acceptent de mobiliser leurs capitaux aussi longtemps. Si l’opération est faite en fonction des dépôts disponibles vendredi dernier cela est possible. Cependant c’est prendre le risque de tarir la source de ces flux pour le futur.

Le CEPII (http://bit.ly/1002fkY ) et Paul Krugman (http://nyti.ms/160nR4x ) s’interrogent sur cette question. En effet Chypre est un centre bancaire off-shore pour la Russie et ainsi l’origine de financement de nombreux investissements en Russie. Dans les deux articles on voit bien le rôle majeur de Chypre dans les montages financiers, parfois obscurs (cf le CEPII). Pour Chypre l’opération est profitable. Cependant on perçoit bien que si les dépôts sont taxés et gelés pendant une période longue cela crée des incitations pour les russes à trouver d’autres centres offrant les mêmes facilités. Pour Chypre cela sera une perte importante.

Les deux options ne sont pas compatibles. Soit il y a taxation des dépôts les plus élevés mais en faisant le deuil du secteur bancaire off-shore, soit il y a la volonté de maintenir ce secteur et se posera alors à nouveau la question du financement du plan de sauvetage et in fine peut être de la place de Chypre dans la zone euro. Pour Chypre le choix est complexe, pour la zone euro aussi car l’objectif est de préserver la zone euro et donc mettre en place des incitations pour y arriver.
Le jeu a changé de nature.