Depuis, la pratique s’est considérablement développée avec pour objectif la résolution des difficultés de trésorerie d’exploitation et les déséquilibres bilantiels. Les difficultés structurelles révèlent les divergences d’intérêt entre l’entreprise et ses partenaires financiers qui doivent être réglées dans le secret des procédures de prévention confidentielles, a fortiori lorsqu’il y a une assurance-crédit.

Aujourd’hui on assiste à une attitude convergente pour éviter la procédure collective et son impact négatif sur les partenaires de l’entreprise qui perd son assurance-crédit, subit l’inquiétude de ses clients et voit sa notation Banque de France dégradée.

  • L’intérêt des mesures préventives à la française (Mandat ad hoc et Conciliation) n’est plus à démontrer car elles permettent de mener des négociations confidentielles avec les créanciers participants : prêteurs, actionnaires de la société en difficulté sous l’égide d’un Mandataire de Justice désigné par le Président du Tribunal de Commerce. Les accords sont consolidés dans un protocole unique de Conciliation conclu à l’unanimité des parties prenantes. Ce dernier est soumis au constat du Juge ou bien à l’homologation du Tribunal de Commerce. Les apports nouveaux bénéficient du privilège de Conciliation qui confère un rang prioritaire de remboursement en cas de procédure collective ultérieure. Ces procédures confidentielles qui n’entament pas les relations client/fournisseurs connaissent un taux de réussite de plus de 60% qui a inspiré la Directive Restructuration et Insolvabilité.

Quelle est la situation des créanciers en cas de procédure collective en France ?

Lorsque la procédure collective est inévitable, tous les créanciers (ou presque) subissent le même traitement : l’obligation de déclarer les créances et l’interdiction de recevoir un paiement pour les créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

  • A noter que l’ouverture d’une procédure collective n’emporte pas la déchéance du terme des contrats de prêts bancaires ou obligataires ; ils sont soumis comme les autres créanciers au gel de leur créances échues et à échoir et continuent à produire des intérêts pour les créances à plus d’un an.
  • Les créanciers titulaires de sûretés réelles (hypothèque, nantissement) sont soumis à la discipline collective et bénéficient du privilège de paiement conféré au rang de leur créance sur le produit de la vente du bien garanti à leur profit.
  • Par exception, les créanciers titulaires d’une clause de réserve de propriété ainsi que les créanciers bénéficiant d’un droit de rétention échappent à la discipline collective et peuvent obtenir le paiement de leur créance en cas de procédure collective.

Les créanciers de la société défaillante titulaires de sûretés personnelles peuvent quant à eux, recourir auprès des garants et/ou des cautions personnes morales.

La masse des créanciers titulaires d’Obligations Convertibles en Actions sont également soumis à la discipline de la procédure collective. Des efforts leur sont souvent demandés en assemblée générale pour allonger la maturité du prêt remboursable en action avec la question du calcul du taux de conversion et/ou l’abandon d’une partie de la créance.

L’assemblée des obligataires est appelée à voter à la majorité des 2/3 sur les propositions de paiement du plan.

Les Comités de Créanciers – comité des fournisseurs et comité des établissements de crédit – doivent se prononcer à cette même majorité des 2/3 – pour accepter des abandons de créances[1].

L’actionnaire initial, généralement impuissant à souscrire à une augmentation de capital se trouve relégué au rang de propriétaire du capital d’une société dont les actions n’ont plus de valeur et n’aura pas d’autre choix que d’accompagner toute solution proposée par un tiers sous peine d’être dilué ou évincé de manière forcée si les conditions sont réunies pour cela. (L631-19-2 du Code de Commerce).

Les clauses contractuelles qui permettent au(x) prêteur(x) de devenir actionnaire constituent-elles des réponses appropriées ?

Ces pratiques créent des situations juridiques complexes : les ex-créanciers devenus actionnaires doivent se pencher sur la vision stratégique et le renforcement des fonds propres, alors que leur qualité d’actionnaire ne provient pas d’un investissement mais de la conversion d’une créance financière en capital. Ces nouveaux actionnaires ex-créanciers doivent s’appuyer sur la direction de l’entreprise qui elle-même devra gérer tout à la fois la restructuration financière et le rebond.

Quel sera le traitement collectif des créanciers après la transposition à venir de la Directive Restructuration et Insolvabilité du 20 juin 2019 prévue pour juillet 2021 ?

La directive prescrit aux états membres une suspension provisoire des poursuites individuelles, limitée à quatre mois, avec une prolongation jusqu’à 12 mois qui ne devrait cependant concerner que les créanciers informés des négociations.

Un privilège légal est accordé aux créanciers apportant un concours financier dans ce cadre, appelés financements intermédiaires s’inspirant ainsi du privilège de la Conciliation.

En outre, la directive prévoit la constitution de classes de créanciers regroupés en fonction des droits et privilèges reflétant des intérêts économiques comparables. Ils se substitueront aux actuels comités de créanciers pour voter les accords de restructuration.

Les États membres seront libres d’écarter ce mécanisme pour les plus petites entreprises, à charge pour eux de définir un seuil acceptable. La consultation individuelle des créanciers sur les propositions de paiement demeurerait alors applicable en dessous du seuil.

  • Les créanciers seront distingués par classe selon la nature de leur créance. Il y aura ainsi deux classes principales de créanciers : les créanciers garantis et les créanciers non garantis, avec la possibilité de créer des sous-classes de créanciers dans chacune de ces catégories outre une classe possible pour les salariés et les actionnaires.
  • Après la transposition de la Directive prévue au plus tard pour juillet 2021, chaque classe de créancier exprimera un vote à une majorité de 75 % et un vote interclasse sera émis pour l’adoption du plan.

Trois règles s’appliqueront alors :

  • Le créancier minoritaire récalcitrant doit recevoir, au moins ce qu’il aurait perçu en cas de liquidation judiciaire : c’est le test du meilleur intérêt ;
  • Une classe de créanciers ne pourrait être désintéressée si une classe située dans un meilleur rang ne l’était pas : c’est la règle de la priorité absolue, qui pourrait connaître des atténuations,
  • L’égalité de traitement des créanciers doit s’appliquer au sein d’une même classe.

Si aucune majorité ne se dessine entre les différentes classes pour voter le plan, il sera néanmoins possible, – et ce sera une grande nouveauté – pour le Tribunal de valider le plan si celui-ci est soutenu par une classe affectée ou lésée de créancier « in the money » c’est-à-dire qui aura droit à un paiement sur la valeur du débiteur si le classement des priorités de liquidation était appliqué. Il s’agit de l’application forcée interclasse, connue sous le nom de « cram-down » aux Etats-Unis.

L’anticipation de ces situations demeure plus que jamais un facteur clé de réussite du plan !

[1] Applicable pour les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros et qui emploient plus de 150 salariés. En dessous de ces seuils la constitution de comité est facultative et/ou les créanciers sont consultés individuellement.

 

Points à retenir

A retenir en cas de procédure collective : sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire

Aujourd’hui, les décisions votées à la majorité des 2/3 par les comités des établissements de crédits, les comités des fournisseurs ainsi que l’assemblée des obligataires s’imposent aux créanciers minoritaires membres des comités qui peuvent subir des abandons de créances imposés à la loi de la majorité.

La transposition prévue en juillet 2021 de la Directive Insolvabilité Restructuration va instaurer des classes de créanciers (créanciers garantis et non garantis), qui voteront à la majorité des 2/3 les propositions de paiement. Si aucune majorité ne se dessine entre les classes, le Tribunal pourra néanmoins valider le plan soutenu par une classe de créanciers.

 

Cet article a été publié dans finance&gestion n°379