À l’ère de l’information, il n’y a guère de transactions ou de mouvements de l’individu qui ne laissent leur trace numérique. Ceci va des débits de carte de paiement à la géolocalisation et au traçage des navigations sur Internet. L’accès à ces données est devenu un enjeu majeur du droit de la protection de la vie privée. Toujours est-il que les statisticiens publics, avec les bons protocoles, peuvent efficacement user de ces informations – s’ils y ont accès – pour guider la politique économique ou sociale. Vox-Fi s’était fait l’écho des nouvelles techniques de prévision macroéconomiques qu’a su découvrir l’INSEE pendant la crise du Covid, quand les indicateurs classiques de suivi de la conjoncture étaient, confinement oblige, devenus muets.

On donne aujourd’hui un autre exemple, tout aussi formidable et qui répond à la question : qu’en est-il de l’aide distribuée à toute personne aux États-Unis dans le cadre du plan de stimulation de l’économie (soit 600 $ par adulte et 300 $ par enfant (une aide que Joe Biden veut porter à 1400 $) ? Va-t-elle aux personnes qui en ont besoin ? Et qui sont d’ailleurs les personnes qui en ont besoin ? Comment mesurer cela ?

 

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En théorie, c’est impossible. Et le gouvernement a fait tout aussi bien d’en faire une allocation universelle en dessous d’un certain niveau de revenu.

Or, en pratique, cela devient un peu plus possible. Trois économistes, Raj Chetty, John N. Friedman et Michael Stepner se sont attelés à la tâche de collecter des données anonymes d’une douzaine de sociétés de cartes de crédit, de services de paie et de services financiers pour obtenir des informations sur les dépenses de consommation, les demandes et les offres d’emploi et d’autres indicateurs économiques. Ceci à un niveau de détail géographique stupéfiant, ce qui implique le maniement de centaines de millions de données. Voir ici pour un compte-rendu.

Ce qu’ils ont vu est bien décrit dans ces deux graphiques qui mettent en regard le profil de l’emploi et le profil des dépenses de consommation des ménages. Le premier concerne les hauts-revenus (> 75000 $) ; le second les bas-revenus. Il apparaît que les hauts-revenus n’ont consommé que 15 % de l’allocation ; les bas-revenus la totalité, y compris une forte désépargne pour préserver leur niveau de ceci.

 

 

Les hauts-revenus n’ont quasiment pas été touchés en termes d’emploi (trait gras rouge), et leur consommation après une forte chute en avril est revenue à un niveau de -6 % par rapport à l’année précédente.

Les bas-revenus subissent très fortement le chômage (trait gras jaune), avec un niveau d’emploi inférieur à 20 %. Cependant, grâce à l’aide publique – et à la désépargne – ils arrivent à préserver leur niveau de consommation (trait fin jaune).

 

 

Ce qui est repéré selon le niveau de revenu peut tout aussi bien l’être par localisation géographique. On n’en est là qu’au début, mais on voit le potentiel de ces techniques dans la conduite de la politique sociale, jusqu’à parfois, en poussant toujours plus loin, entrevoir Big Brother au coin de la rue.

Une remarque sur le chèque aux ménages. Il est efficace, mais nos trois économistes pourraient tout aussi bien suggérer que l’administration étatsunienne s’inspire des systèmes européens d’assurance chômage : voici une aide ciblée prioritairement sur les chômeurs et qui, en cas de choc conjoncturel, fonctionne de façon automatique pour protéger le niveau de vie de la personne.

 

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