Sur quoi vous basez-vous pour évaluer la performance de votre entreprise ? Les résultats obtenus ? Le PER de l’action ? La satisfaction client ? La qualité des produits ? La satisfaction du personnel ?

 

La bonne réponse ? Il n’y en a pas, c’est une question de choix. Encore faut-il les faire, les partager et s’y tenir !
J’ai récemment participé à un séminaire destiné à des directeurs financiers et des contrôleurs de gestion sur le thème de la mise en œuvre d’une démarche Balanced Scorecard (BSC). Si l’ensemble des participants étaient sensibilisés et convaincus de la nécessité de la mise en œuvre d’une telle démarche, d’où leur présence, un consensus s’est exprimé pour faire part d’une difficulté d’adhésion de certaines directions générales à ce processus.

[Le Balanced Scorecard peut se définir comme un outil qui permet de décliner les objectifs stratégiques en un ensemble d’actions opérationnelles et d’indicateurs de performance. Il joue ainsi un rôle clé dans le pilotage opérationnel.]

Cette difficulté d’adhésion trouve son origine dans certaines pratiques :
– une stratégie volontairement non propagée dans l’entreprise ;
– une stratégie trop souvent évoquée en période d’établissement du budget seulement ;
– un manque d’alignement dans les objectifs ;
– une focalisation sur le passé et le court terme.

Une stratégie volontairement non propagée dans l’entreprise
La peur de la perte de la confidentialité de la stratégie est évoquée par certaines directions générales pour en restreindre sa communication à quelques initiés.

 

Il ne s’agit pourtant pas, dans la démarche de pilotage de la performance, de dévoiler les axes très confidentiels de la stratégie, la communication peut-être édulcorée et diffusée dans les objectifs sous-jacents. Dans tous les cas, la stratégie doit-être connue par les acteurs de sa mise en application, sinon elle ne peut trouver à se réaliser.

Une stratégie trop souvent évoquée en période d’établissement du budget seulement
Malheureusement, nous constatons tous que le budget n’a que peu de lien avec la stratégie. Il s’agit en fait, le plus souvent, d’un exercice, très chronophage, d’allocation de ressources et de gestion du compromis entre ce que l’opérationnel propose et ce que l’actionnariat impose.
Jack Welch, ancien président de General Electric résume cela ainsi : « Les gens travaillent pendant un mois sur leur tableaux et leurs présentations budgétaires pour annoncer à la direction générale qu’étant-donné l’environnement économique et la situation concurrentielle le mieux qu’ils peuvent faire est 2. La direction générale leur indique alors que les actionnaires attendent 4. On inscrit 3 au budget et chacun rentre chez soi heureux ». Le propos est un rien provocateur mais tellement plein de réalité.

En fait, indépendamment de l’aspect consensuel du budget, la stratégie n’est pas toujours traduite en objectifs chiffrés en liaison avec le budget ; et quand c’est le cas, elle n’est pas souvent traduite en indicateurs financiers et non financiers reliés entre eux par un lien de causalité permettant ainsi sa rationalisation.
Un manque d’alignement dans les objectifs

Les indicateurs existent dans l’entreprise, chaque département met d’ailleurs un point d’honneur à élaborer les siens et à évaluer sa performance sur des critères et selon des priorités qui ne sont pas forcément en connexion avec les objectifs stratégiques.
On arrive ainsi à développer une véritable encyclopédie d’indicateurs, parfois gardés jalousement par devers soi et donc ni partagés entre départements, ni vérifiés dans leur fiabilité jusqu’à leur présentation en « exclusivité » au prochain comité de direction. Indicateurs qui pourront être redemandés par la direction à un autre service pour s’assurer de la cohérence des données. Et l’on passe ainsi plus de temps à produire et contrôler des chiffres qu’à les analyser et, lorsqu’il y a du temps disponible, plus de temps dans l’analyse que dans l’anticipation.

Cela me rappelle un propos que j’avais lu quelque part : « Le fait de se mesurer ne crée pas plus de valeur que le fait de se peser ne fait perdre du poids ! »

Car le point est bien là, la création de valeur est l’objectif commun à toute entreprise. Mais la valeur n’est créée que par la bonne exécution des décisions stratégiques. Une stratégie sans action n’est pas une stratégie. Il s’agit donc d’introduire dans l’exécution de la stratégie les mesures de la création de valeur et de communiquer aux opérationnels les objectifs à atteindre en relation avec la stratégie.
Une focalisation sur le passé et le court terme

Les réunions de présentation du reporting mensuel font partie de l’agenda de tout directeur financier. Tous les indicateurs financiers sont passés en revue. Les écarts sont analysés et commentés par rapport au mensuel N-1, au cumulé N-1, au budget mensuel N, au budget cumulé N, au « reste à faire » N par rapport au « reste à faire » N-1. A partir du second semestre on introduit également les écarts par rapport au « ré-estimé ». Et s’il reste du temps à cette réunion, un ou deux indicateurs non financiers de la période en cours seront communiqués pour indiquer la tendance du prochain reporting mensuel, ainsi aura-t-on fait preuve « d’anticipation ».

Communication, rationalisation de la stratégie, alignement stratégique, cohérence et anticipation sont donc autant de champs d’amélioration. Autrement dit passer de la culture du reporting, vision comptable de la performance à celle du tableau de bord vision prospective orientée vers l’action future.

Dans cette évolution culturelle le directeur financier a une opportunité à saisir pour renforcer son rôle de partenaire du management. Qu’en pensez-vous ?

Philippe Mularski

 

Pour aller plus loin sur ce sujet, je vous invite à parcourir le blog de Patrick Jaulent, Président du Balanced Sorecard Europe.