Le développement des contentieux fiscaux sur les titres de participation menace la sécurité juridique des investissements. Administration, ANC, Entreprises : il est temps de prendre vos responsabilités !

Développer vos activités via des filiales et participations est stratégique.

Or, aujourd’hui, les redressements contestant le classement en titres de participation figurentau box-office des contentieux fiscaux…. avec des enjeux financiers s’élevant parfois à plusieurs centaines de millions d’euros, l’imposition à taux réduit du régime des plus-values à long terme ayant été remplacée par une exonération fiscale.

Voici 3 propositions pour limiter les risques de contentieux, une par acteur (1) :

Administration : rappeler aux services l’importance de la sécurité juridique voulue par législateur de 1995 pour le régime de faveur des PVLT

En 1995, le législateur, en continuant d’octroyer aux seuls titres de participation le régime de faveur des plus-values à long terme, a créé un arsenal unique de sécurité juridique dont l’objectif était de « supprimer toute incertitude » et « d’assurer une sécurité juridique maximale  » en enlevant « à l’administration la possibilité de contester la qualification retenue par l’entreprise » : pas de remise en cause possible si les titres ouvrent droit au régime des sociétés mères quelque soit le classement comptable retenu, remise en cause possible à la seule condition que l’erreur de classement en titres de participation soit manifeste, et reprise à son compte par le législateur fiscal de la définition comptable des titres de participation (connexion parfaite entre comptabilité et fiscalité)…

ANC : saisir l’Autorité pour clarifier dès à présent les règles comptables, sans attendre la jurisprudence du Conseil d’État

Stabilitédes règles ne rime pas toujours avec sécurité ! Les praticiens de la comptabilité croyaient maîtriser les règles comptables relatives aux titres de participation, qui n’ont pas changé depuis 1982. Ils sont en train de découvrir que le contrôle fiscal en a fait un monde d’incertitude. La sécurité juridique paraît exiger que les questions suivantes reçoivent une réponse de l’ANC :

1. Est-il juridiquement acceptable que la définition comptable des titres de participation à laquelle renvoie explicitement l’article 219 I a ter du CGI, figure dans l’ancien PCG de 1982, sans être reprise dans le texte même du PCG d’aujourd’hui ?
2. Pour le classement en titres de participation, l’influence suffit-elle à seule à qualifier les titres ou bien faut-il que la participation soit aussi utile à l’entreprise et durable ?
3. Pour le classement en titres de participation, faut-il seulement une certaine influence ou bien l’influence notable exigée pour consolider ces titres en équivalence ?
4. Faut-il une cohérence parfaite entre le classement en titres de participation dans les comptes sociaux et la mise en équivalence ou l’intégration globale dans les comptes consolidés ?
5. En cas d’évolution post acquisition (cession partielle, dilution, …), faut-il obligatoirement changer le classement comptable des titres conservés ?

A défaut de réponse de l’ANC, le Conseil d’État finira par y répondre lui-même, par le biais de sa jurisprudence qui créera ainsi des règles comptables du fait de la connexion comptabilité-fiscalité… Mais sans le bénéfice d’une concertation entre les acteurs, ni la rapidité qu’offriraient les travaux de l’ANC.

Entreprises : créer une concertation spécifique sur les titres entre les directions financières et fiscales … avec 5 objectifs

Puisque la comptabilité et la fiscalité interfèrent si fortement entre elles pour la mise en œuvre du régime des PVLT, il devrait en résulter une forte incitation pour les entreprises à organiser une concertation systématique sur les titres de participation entre leurs équipes fiscales et comptables (Comptable/liasse fiscale et de Consolidation)… ce qui constituerait sûrement le meilleur contrôle interne pour atteindre simultanément les 5 objectifs suivants :

1. Comment assurer une remontée complète de l’information lors de chaque acquisition de façon à connaître l’intention ayant présidé à la décision stratégique, l’utilité recherchée et la durée de détention envisagée, mais aussi à comprendre les conséquences des clauses contractuelles et autres pactes d’actionnaires afin d’évaluer l’éventuelle influence ou l’éventuel contrôle qui pourrait en résulter, et enfin à constituer la documentation – notamment sur l’intention initiale – nécessaire aux traitements des évolutions post acquisition ?
2. Comment assurer une remontée permanente des informations sur les évolutions post acquisition de chaque ligne de titres, à la suite d’opérations externes ou intragroupe de façon à savoir si un reclassement/transfert de titres à un autre compte est nécessaire ?
3. Comment bénéficier de l’utilisation concomitante des compétences techniques pluridisciplinaires existant dans les différentes directions du groupe de façon àappliquer le bon traitement fiscalo-comptable-consolidation ?
Les enseignements des réponses au quiz réalisé en octobre par 250 internautes sur www.efl/quiz en liaison avec le colloque du 18/11 (1) se passent de commentaires : note moyenne 10/20 ; sur 1/3 des questions : réponse erronée > 50% ; sur 2/3 des questions : réponse erronée > 30% ; erreurs aussi nombreuses pour les questions portant sur l’acquisition que sur celles portant sur les évolutions post acquisition.
4. Comment assurer une cohérence de traitement entre les comptes sociaux et consolidés, ou bien par exception justifier d’une divergence ?
5. Comment assurer en cas de contrôle la meilleure défense si ce n’est par une équipe interne et externe pluridisciplinaire ?

Espérons que ce constat incitera les différents acteurs à agir….

(1) Ces propositions ainsi que de nombreux cas concrets rencontrés en pratique lors des contrôles fiscaux seront présentés lors du Colloque du 18/11 sur ce thème organisé par Medef/Afep/IACF avec la participation de la DFCG (voir programme et inscription www.IACF.asso.fr)

Claude Lopater est co-auteur du Mémento comptable Francis Lefebvre de 1988 à 2014