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À l’heure du premier bilan du CICE, quand les statistiques fleurissent et disent le tout et son contraire, que les commentaires satisfaits de certains s’opposent aux critiques vives des autres, que penser de ce crédit d’impôt ?

Égal à 4% des rémunérations brutes inférieures à 2.5 fois le SMIC versées en 2013 et à 6% de celles versées en 2014, le CICE vise à favoriser la compétitivité des entreprises françaises et l’emploi de nouveaux salariés. Ce crédit d’impôt accordé aux entreprises réduit effectivement le coût du travail de 4% (6% en 2014). Cette réduction des coûts de production est censée financer la réalisation de nouveaux investissements, la baisse des prix de vente aux clients ou encore inciter à la création de nouveaux emplois. Grâce à ce crédit, les entreprises doivent être plus compétitives sur le marché mondial et les exportations des biens et savoir-faire français devraient pouvoir être facilitées.

Incontestablement, tous les bénéficiaires se réjouissent de cette manne. Le crédit serait de l’ordre de 10,8 milliards d’euros cette année et les annonces de son utilisation semblent vertueuses. D’après la récente enquête de l’INSEE, plus de 50% des entreprises prévoient d’utiliser les sommes perçues pour investir, la deuxième utilisation serait de favoriser l’emploi.

Les entreprises déficitaires comme bénéficiaires peuvent en profiter, le secteur du service comme celui de l’industrie. C’est un grand gâteau partagé relativement équitablement entre PME (31%), les grandes entreprises (35%), le solde allant aux entreprises de taille intermédiaire d’après les autorités publiques.

Beaucoup d’objectifs, beaucoup de promesses, beaucoup de bénéficiaires pour un seul et même crédit ! Cette répartition « équitable » cache cependant de grandes disparités.

Pour bénéficier pleinement du CICE, il faut avoir une masse salariale importante et des salariés peu qualifiés : le bâtiment, l’hôtellerie, la restauration, les entreprises de nettoyage et de réparation sont donc les premiers bénéficiaires… En revanche, les industries qui automatisent de plus en plus leurs modes de production risquent de profiter peu du système, il en est de même des sociétés de services à forte valeur ajoutée. Or ce sont ces entreprises qui doivent exporter, qui doivent vendre leurs biens et services à l’étranger, l’objectif export ne serait donc pas atteint.

Si les PME profitent de plus de 30% de la manne, rapportée à chaque entreprise et surtout aux TPE/PME la somme perçue, même si elle fait toujours du bien, reste parfois symbolique. On ne peut que se réjouir d’une baisse des charges sociales et aucun bénéficiaire ne se plaint de percevoir le crédit. Cependant, les PME et leurs conseils expriment des regrets : le système déclaratif est compliqué pour une petite entreprise qui va réclamer 1 000 euros pour son unique employé en 2013 et pour un bénéfice qui va se faire attendre. Le remboursement n’interviendra en effet qu’en mai 2014.

De plus, si l’entrepreneur prend effectivement la peine de faire les déclarations pour en bénéficier, la somme perçue est-elle suffisante pour réaliser des investissements ou embaucher un salarié supplémentaire ? On peut en douter.

Seules les entreprises qui emploient plus de cinquante salariés seront réellement en mesure de répondre aux objectifs d’utilisation préconisées par la loi.

Les PME réclament une vraie baisse des charges et de la fiscalité, elles réclament aussi une simplification et ne veulent plus de mesures qui s’ajoutent les unes aux autres et qui rendent le système français incompréhensible. Le CICE est saupoudré entre des milliers de PME qui perçoivent des sommes si faibles que les objectifs recherchés ne sont pas atteints. C’est sans compter, en outre, le risque du contrôle de l’utilisation du CICE : la PME peut se retrouver à devoir rembourser le crédit pour ne pas avoir respecté les obligations de réinvestissement ou d’embauche. Lorsque l’on perçoit 2 ou 3 milles euros de crédit, comment justifier de son affectation ? Doit-on démontrer que grâce à cette somme perçue avec décalage, la société a acheté un ordinateur et trois téléphones portables ? Le risque de reprise est grand. Comme pour beaucoup de mesures soumis à conditions, les autorités fiscales adorent reprendre d’une main ce qui a été donné de l’autre à grand renfort de publicité.

Pour terminer, on a pu également constater sans être capable de chiffrer les impacts que le mode de calcul du CICE comprend une perversité en ce qu’il crée un effet de seuil. Dès lors que le salaire de l’employé dépasse le seuil de 2,5 fois le SMIC, le CICE disparait. Cette punition aboutit, de l’aveu même des chefs d’entreprises, à plafonner la hausse des rémunérations et les bonus des collaborateurs afin d’optimiser le bénéfice du CICE. Pour remédier à de telles conséquences, il faudrait prévoir un taux dégressif qui éviterait l’effet couperet.

Controversé bien que toujours bienvenu dans l’entreprise qui le perçoit, le CICE va encore faire parler de lui et reste bien perfectible. Les politiques devraient écouter la voix des PME : baisser les charges et ne pas créer de zones de risques supplémentaires.