Les PME exposées à la crise sanitaire ont plutôt bien résisté au choc d’activité
Afin de mesurer l’impact de la crise sanitaire sur les PME, nous analysons la situation d’entreprises ayant un bilan arrêté à partir du 30 juin 2020 (couvrant ainsi le premier confinement) et pour lesquelles un bilan 2019 est disponible. Ce sont ainsi 179 607 bilans de PME réalisant plus de 750 000 euros de chiffre d’affaires et présents dans la base FIBEN de la Banque de France qui sont examinés. Cet échantillon ne contient pas d’informations sur les plus petites PME mais représente néanmoins 47 % de la valeur ajoutée des PME en 2018. Il permet de dresser un premier bilan de l’impact de la crise sanitaire sur les PME, à partir de données observées.
Le chiffre d’affaires de ces entreprises a chuté de 5,2 % entre 2019 et 2020, la valeur ajoutée de 5,9 %. Les charges de personnel se sont ajustées à la baisse (- 4,9 %) grâce au dispositif d’activité partielle auquel elles ont largement souscrit (selon le rapport d’étape du Comité Coeuré, plus de 80 % des entreprises aidées, tous dispositifs confondus, ont moins de 250 salariés). La baisse de l’excédent brut d’exploitation (EBE) est ainsi limitée à – 8,1 %.
Dans l’ensemble, les PME ont plutôt bien résisté. Cependant les secteurs n’ont pas été touchés de la même manière: la baisse du chiffre d’affaires est très marquée dans le secteur de l’hébergement et restauration (- 32,2 %) et, dans une moindre mesure, dans les services aux entreprises (- 8,7 %) et dans l’industrie (- 6,9 %) ; elle est plus limitée dans le secteur du commerce (- 2,1 %). En outre, ces disparités sectorielles cachent des situations très hétérogènes au sein d’un même secteur (Bureau et al., 2021).
Maintien des flux d’exploitation, hausse de la trésorerie et de l’endettement
Face à ce choc d’activité, les PME ont maîtrisé leurs flux d’exploitation, si on les examine rapportés au chiffre d’affaires. En effet, en 2020, l’EBE des entreprises représente 6,9 % du chiffre d’affaires, un niveau similaire à celui de 2019 (cf. graphique 1). Elles ont par ailleurs réduit leur besoin de fonds de roulement d’exploitation (BFRE). L’investissement et les dividendes se sont également ajustés à la baisse pour rester dans les mêmes proportions en termes de chiffre d’affaires qu’en 2019 et elles ont consolidé leurs fonds propres. Pour autant, on constate que la trésorerie des PME analysées ici s’est largement consolidée au-delà de ce qu’auraient permis ces flux de trésorerie d’exploitation, puisqu’elle a augmenté de + 37,5 % entre 2019 et 2020.
En effet, l’année 2020 a été marquée par une forte augmentation de l’endettement financier brut pour ces PME : + 15,9 % en 2020 après + 2,1 % en 2019. Avant de connaître l’étendue du choc d’activité auquel elles allaient devoir faire face, et avant le déploiement complet des dispositifs de soutien, les PME ont recouru massivement aux PGE dès avril 2020 (Vinas 2020). Dans notre échantillon, 39% des entreprises ont contracté un PGE et pour ces dernières, les montants de PGE accordés représentent 44 % de leur endettement financier total à la fin de l’exercice 2020.
Endettement net : une situation d’ensemble favorable mais quelques situations individuelles plus difficiles
Faut–il s’inquiéter de l’augmentation de la dette ? D’après les dernières statistiques macroéconomiques de la Banque de France, pour l’ensemble des sociétés non financières (SNF), c’est-à-dire incluant PME, ETI et GE, la dette brute en encours a augmenté de plus de 200 milliards sur un an à fin décembre 2020 mais la dette nette n’a progressé que de 5 milliards, la différence se trouvant principalement en variation de trésorerie.
Pour notre échantillon de PME, au niveau agrégé, on constate une augmentation du ratio dette brute sur fonds propres, passant de 66,9 % en 2019 à 74,4 % en 2020. En revanche, le ratio dette nette sur fonds propres se réduit de plus de 4 points, passant de 30,1 % à 25,9%. Les entreprises de notre échantillon semblent donc avoir conservé en trésorerie une grande partie de leurs flux de financement en 2020, comme l’ensemble des SNF.
Mais que peut-on dire au niveau individuel ? En 2020, la dette brute augmente pour plus de la moitié (54%) des entreprises de notre échantillon. Parmi cette moitié, plus de 8 entreprises sur 10 (soit près de 45% du total des entreprises) affichent une hausse de leur trésorerie. La très grande majorité des entreprises ayant souscrit de la dette pendant la crise a donc conservé en trésorerie au moins une partie de ces fonds. Pour celles dont la dette a augmenté mais pas la trésorerie, qui représentent 10 % du total des PME (=0,54 x (1-0,82)), des difficultés éventuelles pourraient être rencontrées.
Cette hausse de la dette a dégradé le ratio de levier brut des entreprises que nous observons : tous les quartiles de la distribution du ratio de levier brut se sont accrus entre 2019 et 2020. Ainsi, 25% des entreprises ont un ratio dette brute sur capitaux propres supérieur à 123,8% en 2020 (cf. tableau 1). À l’inverse, tous les quartiles de la distribution du ratio de levier net de la trésorerie se sont améliorés en 2020. Ainsi, seules 25% des entreprises ont un ratio de levier net supérieur à 55,4 %. Et 50 % des PME de l’échantillon ont un ratio de levier net négatif (inférieur à – 2,9 %) ce qui signifie que pour 50% des PME, la trésorerie dont elles disposent pourrait couvrir le remboursement de leur dette brute.