Vigéo Eiris a été vendue à Moody’s. C’est une nouvelle bien triste et même affligeante.

Vigéo Eiris est une agence internationale indépendante de recherche et services ESG (Environnement, Social et Gouvernance) à destination des investisseurs et des organisations privées, publiques et associatives. Fondée par l’ancienne dirigeante de la CFDT, Nicole Notat, co-auteur avec Jean-Dominique Sénard, du rapport sur l’entreprise et l’intérêt général, qui a très tôt compris l’importance que les thématiques ESG allaient prendre.

Détenue à 91 % par la quasi-totalité des principaux gestionnaires d’actifs français (Amundi, AXA, BNP Paribas, CDC, CNP, Lazard, Natixis, etc.), Vigéo a réalisé un chiffre d’affaires 2017 de 9,7 M€ en progression de 25 % avec une perte réduite de 5,2 M€ à 3,4 M€. Moody’s a publié quant à lui des ventes 2018 de 4 442 M$ en progression de 5 % et un résultat net de 1 309 M$. Rien à voir bien sûr.

Financer pour encore quelques années de quelques millions d’euros par an une agence de notation ESG européenne est-il vraiment hors de la portée des principaux investisseurs institutionnels français qui gèrent collectivement plusieurs milliers de Md€ ? N’y a-t-il pas d’autres solutions que de vendre Vigéo Eiris à une entreprise d’un pays qui a quitté les Accords de Paris et dont les notations des véhicules investissant dans les crédits sub-prime[1]ont contribué à la violence de la crise de 2008 ?

Si Moody’s réalise cette acquisition, c’est bien sûr que cette agence n’a pas développé d’expertise ESG, et que le marché décollant, Moody’s veut rattraper son retard par une acquisition. Mais ne nous leurrons pas. Vigéo Eiris sera absorbé, broyé au sein de Moody’s, si ce n’est tout de suite, au bout de quelques années ; et les quelque 150 salariés de Vigéo Eiris pèseront peu face aux 12 000 de Moody’s. C’est un nouveau pouvoir normatif, dont l’importance va croître, qui quitte le giron de l’Europe pour rejoindre un pays dont le slogan est devenu America First.

 

[1]Voir La Lettre Vernimmen n° 60 d’octobre 2007.

 

Cet article a été initialement publié dans La Lettre Vernimmen.net n°168 de mai 2019. Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.