Les tests de résistance de juillet 2010, qui n’ont recalé que 7 établissements sur 91 banques européennes contrôlées, n’ont pas résisté à l’effondrement du système bancaire irlandais quelques mois plus tard. La nouvelle tentative annoncée le 18 mars sera-t-elle plus convaincante et contribuera-t-elle à ramener progressivement le système bancaire sous supervision européenne, plutôt que de le laisser entre les mains des autorités nationales ?

 

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Un retard à l’allumage peu rassurant

La nouvelle Autorité de supervision bancaire européenne (EBA), en place depuis le 1er janvier 2011, n’a pas été capable, comme elle l’avait pourtant annoncé, de dévoiler la liste des banques concernées, même s’il est indiqué qu’au moins 50 % des actifs bancaires de chaque pays devront être testés. Les Etats ayant la tentation (cf. l’Irlande en 2010) de protéger leurs « canards boiteux », un certain nombre d’établissements en situation difficile, comme les banques régionales allemandes, vont encore échapper à l’exercice. Une véritable approche par les risques consisterait pourtant plutôt à tester les établissements les plus fragiles, indépendamment de leur taille. Ce serait probablement oublier que les tests de résistance sont avant tout un exercice de communication destiné à restaurer la confiance.

Il est également décevant de constater que les régulateurs nationaux ne se sont pas non plus mis d’accord sur le ratio de solvabilité à tester, même s’il est clair que ce sera une définition de fonds propres plus exigeante (« core tier one ») que la fois précédente (« tier one »). Il ne semble cependant pas que le ratio testé sera aussi restrictif que le « commun equity tier one » défini par Bâle 3. Pas davantage d’indication sur le niveau de ratio à atteindre (7 % ?) pour passer le test, ce qui donne l’impression qu’on attend de voir…

Davantage de cohérence pour cette 3e édition

Les précédentes éditions avaient laissé trop d’autonomie aux banques pour faire tourner leurs propres modèles et tester l’impact des scénarios sur leurs risques de crédit et de marché, sous la supervision d’autorités nationales parfois peu sourcilleuses sur la qualité des méthodologies mises en œuvre et des résultats produits par les banques.

Dans cette édition, l’EBA va jouer sa crédibilité sur sa capacité à contrôler les données transmises par chaque pays et à s’assurer qu’elles sont comparables. Les informations en provenance des Etats participants doivent lui parvenir au plus tard le 29 avril, pour une publication fin juin. La nouvelle autorité européenne de supervision disposera donc de près de deux mois pour challenger les résultats communiqués par les établissements et harmoniser les réponses des différents pays, ce qui devrait permettre de disposer d’éléments d’appréciation plus fiables qu’en 2010.

Des scénarios plus sévères

Pour éprouver la robustesse du secteur bancaire européen, l’EBA a durci les scénarios de choc macroéconomique auxquels vont être soumises les banques testées, avec par exemple, dans le scénario le plus stressé, une baisse du PIB de l’Union européenne de 0,4 % en 2011 et aucune croissance en 2012. Ce scénario paraît particulièrement « adverse » dans un paysage d’ensemble qui s’améliore avec une croissance en Europe légèrement plus forte que prévu.

Les autres hypothèses à prendre en compte, notamment en matière de chômage, d’inflation, de taux d’intérêt, de baisse du dollar et des marchés boursiers européens semblent également rigoureuses si l’on se réfère aux sorties de capitaux des pays émergents que l’on observe actuellement et aux nombreux signes de reprise (fonds levés, introductions en bourse, fusions-acquisitions) pour la finance mondiale.

La question du risque souverain

Un des scénarios retenus intègre une série de chocs souverains, avec ses conséquences en termes de surcoût de refinancement pour les banques. Seuls les portefeuilles de négociation, qui sont comptabilisés en valeur de marché, seront testés. A l’inverse, les dettes souveraines qui sont comptabilisées dans les portefeuilles bancaires, et qui représentent près de 80 % des dettes périphériques détenues par les banques européennes, ne seront pas touchées par les tests de résistance.

Politiquement, il était difficile de tester des emprunts d’Etat que les banques ont l’intention et la capacité de porter jusqu’à leur échéance, alors que les 17 pays de la zone euro sont en train de se mettre d’accord sur le fonctionnement d’un mécanisme d’aide permanent aux pays n’ayant plus accès aux marchés financiers, encore que ce mécanisme prévoit que des restructurations pourront être imposées aux créanciers privés en cas d’insolvabilité d’un pays.

En revanche, et c’est une grande avancée, chacune des banques testées va devoir publier l’intégralité de son exposition au risque souverain par pays d’émission et par maturité, y compris pour les titres positionnés dans le portefeuille bancaire. Ces informations permettront aux analystes de procéder à des simulations de restructurations de dettes de pays actuellement sous assistance respiratoire, jugées non soutenables à terme (rééchelonnements, échanges de titres en contrepartie d’abandons de créance et de baisses de taux d’intérêt).

Quid de la liquidité ?

L’EBA a renoncé à tester la liquidité des banques, comme l’avait demandé la Commission européenne, considérant que les exigences de liquidité publiées par le Comité de Bâle en décembre dernier n’étaient pas définitivement arrêtées et que la période d’observation des ratios de liquidité proposés pourrait être repoussée de mi 2013 à mi 2014. Il faut en effet du temps pour collecter les données nécessaires et mesurer les conséquences des changements de comportement induits par les propositions du Comité de Bâle

La confiance envers les banques restaurée ?

Entre les actifs toxiques, la crise financière et le risque souverain, les banques ont fait face à une série de chocs, qu’elles ont réussi à surmonter grâce aux aides d’Etat (passées et encore à venir pour les banques sous-capitalisées), à une politique accommodante de taux d’intérêt, à des prêts de la BCE pour des montants illimités et à la solidarité européenne qui a évité aux créanciers privés de devoir prendre des pertes sur des restructurations de dettes périphériques. L’avenir s’annonce également mouvementé, avec en perspective un durcissement de la régulation, la hausse des taux et le retrait progressif des mécanismes exceptionnels de financement des banques.

Cette 3e vague de tests, si elle est menée de façon plus rigoureuse et plus discriminante que les deux précédentes, devrait confirmer la bonne santé et la robustesse des grandes banques européennes, et la fragilité d’établissements moyens, opérant dans des pays périphériques ou sur un périmètre régional.

L’EBA a annoncé qu’elle ne se contenterait pas, à l’issue des tests de résistance, de statuer sur la réussite ou l’échec des banques concernées : elle publiera également la liste des banques « tangentes », c’est-à-dire les établissements qui ont réussi le test, mais qui restent néanmoins fragiles. Ces derniers seront alors, vis-à-vis des marchés, dans l’obligation pratique de procéder à des opérations de recapitalisation ou de fusion.

Reste que cet exercice est fondé sur l’hypothèse, probablement pertinente pour les années 2011 et 2012 testées compte tenu des soutiens publics et européens, que les détenteurs d’obligations ne partageront pas les pertes en cas de défaut d’un Etat. Mais viendra un moment – le plus éloigné possible, le temps que les banques reconstituent leurs réserves – où il faudra bien alléger le fardeau des pays périphériques ayant un problème de solvabilité. Le mécanisme européen de stabilité (ESM), qui doit prendre le relais en 2013 de la Facilité européenne de stabilité financière (EFSM), prévoit en effet que si la dette d’un pays aidé est jugée insoutenable, les créanciers privés devront accepter la restructuration de leurs créances, avec également des risques de pertes pour les détenteurs de dette senior émise par les banques.