Je lisais récemment un témoignage de mise en oeuvre d’un rolling forecast. Etait expliqué que ce nouvel outil comportait systématiquement 6 trimestres (1 réalisé + 5 estimés), et qu’il avait efficacement tourné les équipes vers l’avenir. A contrario, le process budgétaire qui pré-existait se cantonnait à des analyses d’écart avec un cadre élaboré 18 mois au préalable. Plus de détail ici.

L’article insistait également sur les limites du process, je le cite in extenso : « il est assez vite apparu, qu’en supprimant totalement le processus budgétaire au sein des entités du groupe, on privait les responsables opérationnels d’un outil de pilotage sur le terrain ».

Après quelques minutes de réflexion, cela m’a rappelé Héraclite et Matthieu.

 

Héraclite : rolling forecast et mobilisme

« A ceux qui descendent les mêmes fleuves surviennent toujours d’autres eaux et d’autres eaux » – Héraclite

La démarche de rolling forecast me semble être une réponse à cette idée, ce constat, que l’environnement est en perpétuel mouvement. Rien ne serait plus inutile que de se tourner vers le passé, alors que le présent est lui-même forcément différent du jour précédent.

A contrario, plus enclin à se tourner vers l’avenir, une démarche de rolling forecast, sans être une assurance tout-risque, permet de réévaluer plus fréquemment, plus efficacement sa prise en compte du réel. S’opposent donc une démarche plus passéiste (essentiellement basée sur un budget parfois « poussiéreux ») et une autre plus progressive permettant de reconsidérer les eaux dans lesquelles naviguent l’entreprise.

Comme souligné par l’article cité : « Le rolling forecast a permis (..) de créer une réelle dynamique (…). Il s’est révélé très approprié pour déclencher des plans d’action. »

 

Matthieu : rolling forecast et bâtir sur du sable

« … Un homme insensé qui a bâti sa maison sur du sable » – Matthieu

Mais la suppression pure et simple d’un process budgétaire « traditionnel » a semblé poser quelques désagréments. Il n’est effectivement pas aisé de « bâtir sur du sable » ; surtout s’il est question de calibrer une fonction travaillant sur un temps plus long. L’article insiste par-exemple sur la nécessaire prévision budgétaire pour un centre de maintenance. Remettre en question trop fréquemment une prévision qui va nécessiter investissement et gestion du cycle de vie parait trop complexe. En réponse, toute une batterie d’analyses annexes, calées sur le budget avaient été élaborées.

 

Changer ses repères

La mise en oeuvre d’un process unique de rolling forecast parait donc compliquée, voire illusoire. Mon expérience récente, chez mes clients ou en interne, me montre que le changement de repère nécessaire est difficile. Ce système de référence temporellement bien maîtrisé, avec son passage obligé de la négociation budgétaire, est, peut-être contre toute attente à l’heure de l’agilité et du start-up engouement, profondément ancré dans les moeurs des entreprises et de ses actionnaires, banquiers et financeurs.

Pourtant ce changement de repère allie meilleure réactivité et simplification des process. Ce n’est pas forcément « LA » solution imparable, ce n’est pas forcément adapté à tous les cas de figure, mais la voie est définitivement à explorer. La vraie difficulté est dans ce mobilisme d’Héraclite qui rend complexe l’appréhension du réel. Tout au moins, l’étude plus fréquente de ses reprévisions est la moins pire des solutions.

 

Cet article a été initialement publié par Limpida le 22 février 2017. Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.