Les succès de la nouvelle économie de ces 20 ou 30 dernières années ont, pour la grande majorité d’entre eux, vu le jour dans les campus américains. Mais aujourd’hui, les enseignants qui ont formé les petits génies qui ont créé ces entreprises officient… dans les universités asiatiques !

 

Ce retournement géographique constitue un indicateur, et non des moindres, des enjeux de l’éducation dans une économie mondialisée : en fait, c’est même tout l’avenir des économies occidentales pour les prochaines décennies qui se joue ici.

 

Il suffit d’observer la composition « estudiantine » d’une université américaine pour constater que leurs campus sont devenus – depuis plusieurs années déjà – un nouveau terrain de jeu pour les puissances asiatiques et sud-américaines. L’obtention d’un MBA américain garantit à ces nouvelles générations d’étudiants l’accès à des postes de management élevés tant aux États-Unis… qu’en Asie ou en Amérique latine.

 
Mais cette nouvelle conquête va désormais passer à la vitesse supérieure : demain les talents de ces nouveaux mondes seront formés en Chine ou en Inde et nos propres enfants feront le chemin inverse.

 

Ainsi en témoigne déjà le classement 2011 des 6 premiers MBA asiatiques, paru dans le Financial Times (Global Ranking 2011) :

  1. l’Insead (4e au rang mondial) ;
  2. la HKUST (Honk-Kong University of Science and Technology, créée en 1991 !, 6e au rang mondial, après avoir été en 16e position en 2008 puis 9e en 2010) ;
  3. l’India Institute of Management (11e au rang mondial pour la 1ère année dans ce classement !) ;
  4. l’India School of Business (13e au rang mondial) ;
  5. la China Europe International Business School, CEIBS (17e au rang mondial) ;
  6. la Nanyang Business School de Singapour (23e au rang mondial).

Normal, direz-vous, car l’Insead, avec son campus à Singapour, et ses 5 écoles chinoises et indiennes opèrent dans leur sphère d’influence économique immédiate. Certes. Sauf que ces écoles sont aussi déjà classées dans le top 30 mondial. À tel point que le MBA Kellogg-Executive KHUST lui-même a été classé N°1 mondial en 2010 (Financial Times toujours) !

 

Quels sont les bastions de résistance face à déferlante asiatique ? Les MBA de la London Business School (N°1), l’Université de Pennsylvanie Wharton (2e), la Harvard Business School (3e) et Stanford University (5e).

 

L’Insead, HEC et d’autres grandes universités européennes ou américaines l’ont déjà compris. Ces écoles nouent des alliances hors de leurs frontières respectives ou installent un campus local. L’éducation supérieure prend une dimension industrielle, avec des enjeux non pas forcément nationaux, mais bien industriels, échappant progressivement à la logique des pays et à un degré moindre des cultures, par exemple l’Insead à Singapour ou Centrale à Shanghai. Le modèle économique de ces multinationales de l’éducation tertiaire (appelons-la ainsi) n’est d’ailleurs pas complètement assuré. Les fondations américaines voudront-elles financer l’expansion du MIT ou de Harvard en Asie ?

 

Plus encore, l’Asie est devenue non seulement le nouvel eldorado de l’enseignement supérieur de haut niveau, mais aussi un centre de recherche doté de moyens colossaux.

 

Ainsi, l’université HKUST a-t-elle tout récemment officialisé ses champs d’investigation pour les années à venir : les nanosciences et nanotechnologies, les sciences biologiques et de biotechnologie, les sciences de l’information, l’environnement et le développement durable, et bien sûr le « business management ». Le tout dernier classement mondial QS 20101 des universités identifie :

  • l’Université de Hong Kong au 23e rang ;
  • la National University of Singapore en 31e position ;
  • la HKUST au 40e rang.

Elles sont toutes encore loin derrière Cambridge, Harvard, Yale, UCL et MIT. Mais la HKUST était seulement 53e en 2007 ! Seules 2 universités françaises tirent leur épingle du jeu dans ce Top 50, l’École Normale Sup au 33e rang et Polytechnique en 36e position.

 

La compétition, toutes spécialités confondues, est désormais ouverte, non seulement pour attirer les meilleurs professeurs, mais aussi les meilleurs élèves et les meilleures publications. Or, ces établissements asiatiques bénéficient d’un réservoir de professeurs formés par les plus grandes universités occidentales, d’une vigueur économique importante, de moyens financiers sans limite et intègrent de jeunes étudiants avides de connaissance et de réussite…

 

La crédibilité de ces écoles nouvelles est aussi renforcée par les embauches à la sortie : ainsi, cette même étude du Financial Times indique que 9 étudiants sur 10 issus de l’UHKST avaient trouvé un poste moins de 3 mois après l’obtention de leur diplôme, alors qu’à la sortie de la fameuse Université de Wharton en Pennsylvanie, le ratio était seulement de 3 sur 4. Mais là, prudence sur les chiffres…

 

Alors comment les pays occidentaux peuvent-ils résister et rester dans la course, face à cette compétition éducative devenue aussi puissante qu’acharnée, et ce dans un environnement économique occidental plus ou moins dépressif ?

 

Le rôle des partenariats

Établir des partenariats avec des universités asiatiques constitue sans aucun doute une des solutions, créer des campus locaux avec des systèmes d’échanges également. Mais à condition que nos écoles occidentales soient suffisamment riches pour s’offrir les meilleurs professeurs, transformés dans ce système en produits d’image ou ambassadeurs de ces écoles. Ce  mercato  des enseignants – comme pour les footballeurs ! – nécessite des moyens financiers énormes, et donc des droits d’inscription élevés, et la mise en place de partenariats solides et durables avec des entreprises privées, et, à titre personnel ou corporate, avec e réseau des « alumni ». HEC l’expérimente déjà avec certains de ses professeurs : salaires plus élevés, horaires de travail flexibles pour qu’ils puissent continuer de publier des articles, etc. Depuis plusieurs années, cette école développe sa stratégie d’internationalisation avec une approche très guerrière, comme une entreprise. Et globalement, compte tenu des moyens français, c’est une réussite.

 

Mais dans cette nouvelle guerre qui va faire rage, il est à prévoir que beaucoup d’écoles risquent de rester… sur le banc des remplaçants. Et celles qui joueront en 1ère division devront sans cesse rivaliser avec de nouveaux entrants prêts à investir encore plus.

 

Des enseignants mieux évalués

Faire évoluer notre approche de l’éducation, de la formation, de la rémunération, des possibilités et des devoirs de recherche de nos professeurs constitue une autre piste de cette nécessaire adaptation. À ce titre, l’exemple américain est sans doute à regarder de près : les professeurs sont notés là-bas selon des critères quantitatifs (capacité à trouver des fonds, nombre d’articles publiés, taux de réussite de leurs étudiants…) et qualitatifs (leur disponibilité vis-à-vis des étudiants notée par ces mêmes étudiants, les prix obtenus, les travaux labellisés…).

 

Accepter de rentrer dans un monde éducatif concurrentiel représente un changement de mentalité vital dans la vision et la mise en œuvre de l’enseignement supérieur occidental, sous peine de sortir du club des écoles d’élite.

 

La compréhension et l’analyse de la situation, les constats ne seront pas suffisants : il va falloir aussi accepter de mesurer ses performances, pour se remettre en cause, et modifier tant la « philosophie » que les manières de faire ! Pour la France et l’Europe, un vrai défi… une petite révolution ?

 

La guerre de l’éducation a désormais réellement commencé : attirer les meilleurs professeurs et sélectionner les meilleurs étudiants est maintenant plus que jamais vital pour garantir à notre économie de demain un réel avantage concurrentiel. « Demain », pour nous, se construira sur toujours plus de qualité, de recherche, d’innovation, de performance… N’est-ce pas justement la logique des incubateurs « sur campus » que la France veut mettre en place alors que cela existe ailleurs en Europe ?

 

Après avoir perdu la bataille des industries de production, nous risquons de perdre la bataille de l’éducation de l’élite, si notre « mammouth » éducatif n’accepte pas les nouvelles règles du marché.

 
* Hors Japon

 

 

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