Enquête internationale : comment se voient les contrôleurs de gestion ?
À quoi correspond le métier de contrôleur de gestion aujourd’hui ? Existe-t-il des différences fondamentales dans la façon dont ce s professionnels perçoivent leur métier à travers le monde ? Quelles sont leurs attentes ? La DFCG et Cegos se sont associés pour mener l’enquête.
Internationalisation, accélération de la vie des affaires, crise des marchés financiers… De nombreux bouleversements intervenus dans les années 2000 ont façonné un nouvel environnement économique. Pour faire face à ces évolutions, les dirigeants politiques et économiques de nombreux pays ont mis en place de nouveaux cadres réglementaires : loi de sécurité financière, Bâle 2, Solvabilité 2, loi de modernisation de l’économie, normes IFRS… Le rôle des contrôleurs de gestion a évolué au gré des changements et ces professionnels ont étendu leur champ d’influence. Les contrôleurs de gestion sont-ils prêts à assumer ces nouvelles responsabilités ? Quelles sont les attentes de la profession ? Un métier au carrefour de l’analyse et de la décision : le contrôleur de gestion est-il un copilote ?
Un métier au carrefour de l’analyse et de la décision : le contrôleur de gestion est-il un copilote ?
Le chemin à parcourir est encore long avant que le contrôleur de gestion ne devienne un véritable business partner (conseil aux dirigeants) en matière de pilotage de l’activité opérationnelle. En effet, à l’heure actuelle, les trois activités principales du contrôleur de gestion sont les prévisions (budget…), le reporting (tableaux de bord…) et le conseil à la direction générale et aux managers. La production du chiffre demeure donc une activité majeure et laisse peu de temps par exemple à la mise en place et au suivi des plans d’actions (6e place du classement pour l’item « Agir » ; cf. « Répartition des activités du contrôleur de gestion »).
Piloter, c’est à la fois prévoir, mesurer et (ré-)agir. Le contrôleur de gestion participe certes aux prévisions et à la mesure, mais son rôle de copilote de l’opérationnel se réduit à celui d’un « consultant interne ». Il participe donc peu à la vie des opérationnels qui doivent mettre en place et suivre leurs plans d’actions en toute autonomie. Cette constatation ouvre un double débat. D’une part, est-ce contre-nature que de vouloir impliquer davantage le contrôleur de gestion comme copilote de l’activité ? Qui l’en tient éloigné ? Lui-même, parce qu’il est plus à l’aise derrière ses chiffres ? Les opérationnels, car ils ont peur de perdre leur autonomie ? La direction générale, qui ne voit pas l’utilité de la constitution de tels tandems et ne le souhaite pas ? D’autre part, une plus grande implication des contrôleurs de gestion dans les plans d’actions permettrait-elle de réduire les écarts entre prévisions et données réelles grâce à une meilleure connaissance du business et un challenge constant des opérationnels ? Minimiser les écarts permettrait-il de réduire le temps dédié aux activités de reporting et de re-prévisions ?
Quels outils privilégient-ils ? Le recours à des outils de bureautique et transactionnels l’emporte largement sur l’emploi des outils décisionnels. Il reste beaucoup à faire pour rentabiliser les investissements destinés à la mise en place des systèmes de pilotage, pas toujours bien utilisés, ou pour concevoir les outils adaptés aux missions du contrôleur de gestion. Ces améliorations lui permettraient certainement de réduire le temps dédié à la production du chiffre pour passer à des activités à plus forte valeur ajoutée (analyse, simulation, conseil…).
À quels obstacles sont-ils confrontés ? Les systèmes d’information (SI) représentent la première contrainte des contrôleurs de gestion (21 % des citations). Pourtant, ils ne consacrent finalement que peu de temps à faire évoluer ces outils (10 % de citations parmi les activités principales). La culture d’entreprise non gestionnaire est leur deuxième contrainte (15 % des citations) : n’y a-t-il pas là une opportunité de légitimer leur rôle de business partner en remplissant une mission de diffusion de la culture de gestion ? De ces contraintes majeures découlent les quatre grandes difficultés auxquelles les contrôleurs de gestion se heurtent : l’organisation, le manque de ressources, la production et l’accès aux informations. Ces difficultés ressenties sont largement partagées dans tous les pays participant à l’enquête. Comment perçoivent-ils leur fonction et leur évolution ?
Comment perçoivent-ils leur fonction et leur évolution ?
Autre question abordée lors de l’enquête : quelles sont les compétences requises pour exercer leur métier, mais aussi quelles sont celles dont ils estiment devoir se doter pour assumer leur rôle futur ?
Pour le cœur de métier, la compétence d’« élaboration des prévisions » est incontestablement prépondérante, quel que soit le pays ou le secteur d’activité. Viennent ensuite le pilotage par les tableaux de bord et le suivi des coûts et des marges. L’importance accordée au contrôle de gestion stratégique varie selon les pays, avec une suprématie de cette compétence dans les pays anglo-saxons. En tout état de cause, le renforcement de cette compétence est une priorité dans tous les pays, ce qui correspond logiquement à une volonté de privilégier le conseil aux directions générales sur la production des chiffres.
Concernant les compétences requises en dehors des techniques de contrôle de gestion, les talents de communication et d’interaction avec les autres, d’une part, et la capacité à connaître l’entreprise et son métier, d’autre part, sont les plus couramment cités. Les compétences en contrôle interne apparaissent nettement plus importantes aux États-Unis, conséquence très probable de la loi Sarbanes-Oxley (cf. « Les compétences nécessaires »).
Fait surprenant : le cash management et le risk management n’ont pas été cités comme de vraies priorités par les contrôleurs de gestion. La crise serait-elle déjà terminée dans les esprits, à défaut de l’être dans les faits pour que le cash management n’apparaisse pas comme une compétence de première importance ? Et que penser du manque d’intérêt pour le risk management alors que celui-ci représente un facteur de progrès pour la profession de contrôleur de gestion, l’appréhension du risque n’étant pas simplement du ressort du contrôle interne ou d’autres directions de support de l’entreprise, mais bien un élément essentiel de toute évaluation d’activité ? Quant à leur évolution de carrière, les contrôleurs de gestion interrogés aspirent majoritairement à exercer davantage de responsabilités au sein de leur service ou à rejoindre la direction financière, plutôt qu’à s’orienter vers une fonction opérationnelle. Des différences liées à l’entreprise plutôt qu’à la nationalité.
Des différences liées à l’entreprise plutôt qu’à la nationalité
Dans le cadre de cette enquête, une analyse a été menée afin de tenter de dresser une typologie des contrôleurs de gestion. Les conclusions de cette analyse montrent que, contrairement aux idées reçues, il n’existe pas vraiment de classe de contrôleurs de gestion anglo-saxons à opposer aux contrôleurs de gestion latins ou encore européens. Les typologies se déterminent plutôt en fonction de la taille de l’entreprise et de ses caractéristiques organisationnelles et culturelles.
Cinq grandes classes ont ainsi pu être distinguées :
- Les entreprises principalement françaises, qui sont composées majoritairement de structures de taille intermédiaire, n’ayant pratiquement pas de filiales à l’étranger. Le contrôleur de gestion y a une activité principale de prévision et utilise le plus souvent des outils de bureautique. Ses principales contraintes proviennent des SI et d’un manque de formation continue. Il souhaite renforcer ses compétences en contrôle de gestion stratégique.
- Les entreprises ou groupes très décentralisés où le rôle du contrôle de gestion est clairement réparti entre le contrôleur de gestion de filiale, très proche de la direction de la filiale, orienté business partner, et le contrôleur de gestion groupe, prenant beaucoup de recul, avec un regard souvent plus financier qu’opérationnel.
- Les groupes à large couverture internationale, dans lesquels le contrôleur de gestion présente plutôt un profil de conseiller et dont les qualités reposent sur l’interaction avec les autres et la capacité à faire des prévisions avec une bonne connaissance de l’entreprise et des différentes normes internationales.
- Les groupes de taille très importante, pour lesquels la maîtrise des SI, le management de projet et l’approche des processus dans un univers de normes sont autant d’atouts et de compétences recherchés pour le contrôleur de gestion qui, demain, devra adopter une posture de conseil de la direction en matière de stratégie.
- Les entreprises nippones dont les caractéristiques et compétences clés sont assez proches de celles des groupes de taille importante et dont le facteur de différence relève d’une séniorité accrue dans le poste en termes d’âge et ancienneté. Les conclusions de cette enquête sont riches d’enseignements. Les a priori habituels quant au rôle du contrôleur de gestion doivent être analysés avec précaution. Vouloir appliquer des schémas classiques comme le controller s’intéressant principalement aux chiffres peut être dangereux. Pour bien faire son métier, le contrôleur de gestion doit, bien évidemment, d’abord savoir comprendre son entreprise, le secteur d’activité dans lequel elle évolue, être à l’écoute. Il se doit d’être un bon communicant et de savoir s’adapter. C’est seulement à l’appui de ces talents qu’il pourra gérer habilement les facettes antinomiques de son métier : produire des informations fiables, toujours plus précises, des analyses toujours plus poussées, dans un contexte en perpétuelle évolution et en accélération constante, tout en apportant une réelle valeur ajoutée à son management.
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Le périmètre de l’enquête
L’enquête a été déployée dans neuf pays : France, Italie, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Autriche, États-Unis, Japon et Philippines, en s’appuyant sur onze associations à travers le monde. Les partenaires internationaux ont pu être identifiés avec l’aide de l’International Association of Financial Executive (Iafei). Près de 500 réponses ont ainsi pu être collectées et analysées.
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- Les résultats exhaustifs de cette enquête ont fait l’objet du e-cahier technique n°2 de la DFCG intitulé « Le contrôle de gestion, regards croisés sur les pratiques au niveau international », accessible sur www.dfcg.com ;
- « Le contrôleur de gestion Business Partner », dossier paru dans le n°261 de la revue Échanges en janvier 2009.
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Ce post est une reproduction d’un article publié dans la revue échanges datée de juin 2010.