Les économies des pays occidentaux ne sont pas encore en convalescence, mais toujours sous traitement lourd : perfusion sous forme de déficits fiscaux très lourds (autour de 10 % du PIB encore en 2010) et taux d’intérêt quasi nuls. Les économistes, Nicolas Bouzou en tête, s’interrogent sur la manière de retirer ces perfusions à des économies encore malades.
Dans le même temps, les banques affichent une santé étonnante, insolente, voire inquiétante.
Etonnantes quand on se rappelle les niveaux d’actifs toxiques recensés fin 2007, puis réactualisés en 2008. Que sont ces actifs devenus ? Rachetés par l’Etat ? Compensés par des créations de valeurs qui étaient impossibles à anticiper il y a à peine deux ans ? Cachés dans les bilans des banques grâce à des subtilités comptables ?
Insolentes au regard de la situation du reste de l’économie. La richesse extériorisée par les banques, si les données comptables publiées ont un sens, est autant de richesse prélevée sur l’économie réelle.
Inquiétantes, surtout quand on comprend comment les magnifiques résultats consolidés de la planète finance en 2006 et encore en 2007 avaient été générés. Le ressort est presque toujours le même : une sous-appréciation du risque futur. J’extériorise comptablement un gain immédiat sur un produit surévalué au regard des flux futurs qu’il est susceptible de générer. Ou mieux, je prends le gain et je vends le risque.
Reprenons l’exemple caricatural des subprimes. Il permet en outre de faire le lien entre la finance et l’économie réelle. Il s’agissait, aux Etats-Unis, de prêts à l’immobilier pour les particuliers qui bénéficiaient de taux très réduits les deux premières années, en échange de taux élevés à partir de la troisième année. Ainsi, des ménages à faibles revenus se sont vu proposer un moyen inespéré d’accéder à la propriété. Ces financements ont été qualifiés d’actifs toxiques car ils portaient un risque de défaillance élevé, après une (courte) période tranquille. La sophistication et la mondialisation de la finance, notamment depuis 2000 avec le développement et la généralisation de la titrisation, ont permis à leur promoteur de revendre très vite les crédits subprimes qu’ils ont produits en les glissant dans des packages de financement revendus sur les marchés. On comprend ainsi comment produit financier et économie réelle ont interagi : les subprimes ont donné un accès à la propriété à des ménages dont les revenus étaient jusqu’alors insuffisants. L’insolvabilité de ces ménages au-delà de deux ans a entraîné (très rapidement) la constatation d’impayés sur des sommes de financement considérables, avec un effet domino sur de nombreuses banques qui avaient racheté ces crédits souvent sans savoir (!).
Les subprimes ne sont qu’un exemple parmi de très nombreuses innovations financières créatrices d’actifs toxiques. Il ne faut pas déduire de la dangerosité de certaines créations de génies de la finance que tout produit porte en lui des germes nuisibles. Pour autant les performances actuelles extériorisées par les acteurs financiers me laissent perplexe. La solution ? Une forte réglementation ! Ce n’est pas en taxant (qui plus est vainement) les bonus des traders que l’intérêt général deviendra supérieur aux intérêts individuels. Les Etats qui ont été en 2008 et demeurent les assureurs ultimes des banques et qui continuent à les aider au travers des mesures actuelles de sauvetage des économies (vive l’argent gratuit !) sont en droit ou plutôt ont le devoir d’imposer des règles qui nous assurent que seule la face utile de la finance est en marche. Car face à tout nouvel accident significatif, sans nécessairement l’ampleur de ce que nous avons connu en 2008, les pays occidentaux seront incapables de réagir. Ils n’en auront pas les moyens, ni économiques, ni politiques ! Nous, occidentaux, serons tous dans le meilleur des cas, des Islandais.