Un projet de dématérialisation est  certes un projet de système d’information mais c’est avant tout un projet impliquant des personnes. Celles-ci n’adoptent pas toujours le fruit d’une longue gestation, n’ayant pas été suffisamment impliquées en amont. Et si, finalement, les logiciels étaient humains ?

Tout maître d’ouvrage expérimenté évalue les circuits opérationnels et les circuits de gestion en amont de son projet : la performance  consiste à améliorer les processus tout en les outillant. Malheureusement, on voit des projets échouer dans leurs phases ultimes par la prise en compte insuffisante d’une autre réalité : celle des hommes et des femmes qui utiliseront l’outil. Assurément, nous devons préserver certains de nos jeunes chefs de projets SI, fascinés par la technique, de se centrer exclusivement sur les aspects fonctionnels des applicatifs, de ne penser que ‘produit et processus’. Le succès est encore mieux assuré lorsqu’ un volet dédié de chaque projet prend correctement en compte le comportement humain. C’est le cas pour la dématérialisation, qui recourt aux techniques les plus récentes issues d’Internet, source de fascination chez les uns et de doutes chez d’autres …

Dans un projet de dématérialisation, pourquoi s’intéresser aux aspects psychologiques ou comportementaux ?

La mise en place d’un système virtualisé obéit aux règles de toute action de changement : elle réussit avec l’adhésion enthousiaste de la majorité des acteurs, unis dans la recherche d’une situation future plus favorable que l’initiale, confiants dans leur capacité à agir.

La dématérialisation vise généralement à simplifier les processus et réduire ou supprimer la circulation de papier. Ainsi, les prises de décision et l’agilité de l’entreprise se trouvent améliorées. Les projets les plus  ambitieux permettent en outre de réduire la taille des back office.

Il est donc primordial d’obtenir l’adhésion des utilisateurs.

Cependant, il arrive que les projets les mieux pensés se trouvent en difficulté après la mise en service, par manque de confiance des équipes, malgré la conduite du changement opérée en phase projet. La racine en est souvent une appréhension naturelle face à l’écran : six mois après le lancement, les demandeurs utilisent peu la plateforme et mal le workflow. Ils préfèrent transmettre des mails et des post-its au back office pour lui demander de trouver sur la plateforme telle ou telle prestation.

Cette phase « post-projet » doit être acceptée et prise en compte par le maître d’ouvrage et son sponsor : il est recommandé d’évaluer, après six mois, le degré d’appropriation par les utilisateurs d’un processus dématérialisé. En cas de sous-utilisation ou de réticence, la dématérialisation est en passe de rater ses objectifs : le workflow étant incomplet, les questions complémentaires se multiplient et la durée du processus s’allonge ; le circuit d’échanges devenu informel et multiple, le niveau de validation régresse, la qualité du contrôle interne se dégrade.

L’appropriation incorrecte d’un workflow par ses acteurs peut être corrigée six mois après sa mise en service.

Les  moyens sont assez simples, ils font appel au bon sens. Le niveau de maîtrise du système par l’équipe administrative pourra être augmenté par un accompagnement personnalisé, sous forme de ‘helpdesk’. La logique de formation doit alors être inversée par rapport à la phase projet : il faut passer d’un produit préformaté délivré en ‘top-down’ à du ‘sur mesure’. Les formateurs se rendent sur les postes des opérateurs. Ils se voient assigner un impératif, avec obligation de résultat : que les utilisateurs ne s’énoncent plus comme désemparés face à leurs écrans (ils savent « où cliquer »). Une évaluation de la phase de « rattrapage » doit donc être faite en interrogeant directement les utilisateurs de la plateforme et du workflow, par exemple dans une enquête interne périodique.

Une procédure simple, formalisée à l’intention des utilisateurs, peut contribuer à redéfinir aux yeux de tous le rôle de l’équipe administrative : son apport en tant que référent technique y sera mis en valeur, de préférence à son rôle de back-office.

La Commission « SI et systèmes d’aide à la décision » recommande et suscite cette prise de conscience : les équipes qui vivent et portent la dématérialisation doivent être sécurisées, au même titre que les bases de données. L’intégrité des systèmes repose sur leur savoir-faire, qui doit être adapté, leur confiance dans leurs propres capacités, qui doit être alimentée, et leur intérêt pour les solutions ‘Cloud’, qui doit être sollicité.