Les Européens devaient prendre les dispositions nécessaires pour sauver la Grèce et montrer ainsi l’attachement qui lui est portée, et confirmer son attachement à la démocratie (un comble !), alors qu’entre 1945 et 1974, date de son entrée dans la « Communauté Européenne », les épisodes démocratiques ont été moins nombreux que les périodes de dictatures communistes et militaires. Aussi, chacun doit se féliciter qu’une solution semble avoir été trouvée. Il reste néanmoins beaucoup d’inconnues dont une, de taille, concerne le FMI lui-même.

Au-delà de ses interrogations, légitimes, sur le bien fondé de fixer le taux des prêts bilatéraux à un niveau (5%) supérieur à celui (3,5%) retenu par le Fonds Monétaire International,(1) le directeur général du FMI a rappelé que le plan fera l’objet d’un suivi tous les trois mois et que si les mesures prévues n’ont pas été prises, la communauté internationale « pourrait être amenée à se retirer ». « Mais on n’en est pas là du tout », ajoute-t-il. Or, alors que la journée du 5 mai a été marquée par la mort tragique de trois jeunes gens, comment peut-on croire que la communauté internationale pourra se retirer si les évènements tournaient mal ? Nous verrions des calicots apparaitre en tête des manifestations, avec des inscriptions du type : « combien de morts faudra-t-il avant que vous, la communauté internationale européenne, continuiez de nous aider ? »

Par ailleurs, les grandes banques allemandes et françaises ont pris l’engagement de maintenir leur exposition sur la Grèce. On aura compris que, pour inciter avec force les établissements financiers à tenir cette position, la BCE, et J.C. Trichet l’a indiqué, refinancera les banques qui lui apporteront leur papier pour la durée « suffisante ». S’agissant de dette souveraine, la création monétaire résultante n’est pas en ligne avec l’orthodoxie économique, mais il est vrai que l’inflation ne frappe pas encore à la porte de la zone Euro. Le souci est plutôt le suivant. Au cours de l’année 2008, on a assisté à un gigantesque transfert de dettes privées vers des dettes publiques. 2010 en Europe est marquée par un mouvement massif de dettes publiques vers la banque centrale à l’instar de ce qu’avaient fait la FED et la banque d’Angleterre. L’étape suivante, s’il y en a une, consistera à faire tourner la planche à billets ou/et à prendre des mesures fiscales dont on n’ose imaginer l’ampleur en France et en Allemagne.

Dominique Strauss-Kahn a indiqué que le plan devrait s' »étaler jusqu’en 2013-2014″, avec un objectif de réduction du déficit de la Grèce de plus de 13% à 3%, et « mettre la Grèce à l’abri de la spéculation pendant 18 mois », en engageant des sommes « beaucoup plus considérables que ce qui était prévu initialement ». Cette incertitude explique, que, pour l’instant, selon le niveau des taux des CDS grecs, les marchés anticipent, dès mercredi 5, un rééchelonnement de la dette avec abandon d’un tiers de leur créance par les créditeurs. Le danger n’est malheureusement pas encore écarté.

Enfin, et cela n’est pas le moindre souci, on a souvent indiqué sur ce blog, tout en espérant se tromper, à quel point l’option mixte de soutien de la Grèce était hasardeuse. Et s’il s’agissait, non pas d’une option politique, mais d’une contrainte arithmétique ? Le FMI doit avoir la possibilité d’être le prêteur en dernier ressort des états et, depuis une décision du G20 en 2008, des banques centrales.

Or comptons bien !
Le sauvetage de la Grèce appelle 120 milliards d’euros et probablement d’avantage selon monsieur Strauss-Kahn lui-même. En cas de « contagion », on évoque, certes sans bien les justifier, 100 milliards d’euros pour le Portugal et 280 milliards d’euros pour l’Espagne. Soit un montant de 500 milliards d’euros. Le FMI a également mobilisé 30 milliards d’euros en Hongrie et quelques milliards pour les pays baltes.
Or, il convient de rappeler que l’augmentation de capital du FMI décidé il y a deux ans a été de 500 milliards d’euros environ!

Et si le FMI n’avait pas les moyens de soutenir seul les pays européens à risque ?
Ceci expliquerait plus que n’importe quel nationalisme européen bien mis à mal en ce moment, et justifierait arithmétiquement la structure duale du financement du plan grec. Ce n’est pas rassurant !

(1) niveau excessif pour les Grecs, mais mitigeant le coût de revient pour les Européens créditeurs, entre ceux qui « margent » et ceux qui emprunteront à un taux supérieur à 5%