Ethique pour dirigeants d’entreprise

Abécédaire philosophique, sociologique et psychologique en 100 rubriques

Essai, Editions Cent mille milliards

Présentation par l’auteur

UN PEU DE PHILOSOPHIE, DE SOCIOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE AU SERVICE DE L’ENTREPRISE

 

Tout au long de ma carrière dans les grandes entreprises, j’ai eu la curiosité d’observer les facteurs qui en font le succès ou l’insuccès, et plus précisément, au-delà du savoir-faire technique : quel est le poids de l’environnement, pour combien compte l’organisation et quelle est l’importance de la qualité des dirigeants.

Ayant toujours eu l’intuition que le facteur humain est ce qui fait, sur la durée, la réussite et l’échec (*), je me suis engagé, une fois à la retraite, pendant quatre années dans des études de sciences humaines : de philosophie et de sociologie complétées par le DEUG 1 de psychologie.

(*) : « L’homme est la mesure de toute chose », Protagoras : dialogue éponyme de Platon.

Ces quatre années ne font pas de moi un « intellectuel » ; je suis bien un homme de l’entreprise, bien ancré dans le réel mais qui a découvert un goût pour les choses de l’esprit et j’aimerais que les dirigeants d’entreprise en aient autant. L’essai que j’ai écrit a donc été conçu comme une sorte de « viatique spirituel » indispensable au dirigeant moderne.

En résumé, quels sont les thèmes que j’adresse aux dirigeants d’entreprise ?

 

1. L’environnement : la mondialisation, la technique et la bureaucratie

Ils sont invités à mieux comprendre les effets de l’environnement – je veux dire la mondialisation – sur la conduite de l’entreprise.

En simplifié et en résumé, la mondialisation impose un modèle uniforme de fonctionnement qui a pour objectif unique l’efficacité. Cette dernière comme seul but se traduit par une course à la taille où les entités absorbées sont intégrées dans le « one size fits all » ; différences culturelles et talents locaux, tout ce qui fait la richesse de la diversité, se dissolvent dans ce modèle ; le « think global, act local » est un mantra incantatoire ! Plus grave, un formatage mental s’empare de tous les esprits. Aucune place pour l’homme dans ce modèle !

Le bras armé de la mondialisation est la technique ; celle-là se glisse dans tous les domaines de l’entreprise ; autrefois, la norme était de mise dans l’atelier mais, maintenant, elle envahit les activités administratives et commerciales sous la forme de logiciels qui dictent les gestes nécessaires au collaborateur pas après pas ; l’initiative personnelle est déniée et la responsabilité diluée, l’engagement et le plaisir au travail n’ont plus leur place. L’autorité de la hiérarchie est détruite et remplacée par les procédures ! Ainsi, la bureaucratie est le complément de la mondialisation. Au résultat, à l’image du marxisme, le « système » prime sur l’homme !

Et ce n’est pas l’arrivée des robots en masse qui améliorera les choses !

Il est bien difficile de refuser un système qui vous apporte tant de productivité. Pourtant, des remèdes sont possibles ; ils font l’objet de mon essai.

 

2. Comprendre le rôle sociologique de l’entreprise

Face à la famille qui est en crise, face à la Cité mise à mal par la carence des politiques, l’entreprise est le groupe humain qui a su conserver son unité ; elle est l’endroit où trouver la satisfaction de nos besoins humains au-delà de nos besoins matériels : implication et reconnaissance de son talent au travail, contribution à la réussite collective, fierté d’appartenance au groupe, relations amicales au travail.

Voilà autant de motivations sur lesquelles le dirigeant peut s’appuyer en modifiant son mode de management et qui sont porteuses d’une productivité capable de faire pièce à la concurrence.

Ainsi, le dirigeant doit être conscient de l’attraction sociale exercée par l’entreprise ; de cela, sa responsabilité sociale ne peut plus faire débat.

 

3. Comprendre les fondements de son autorité et l’étendue de sa responsabilité

Si les humains ont besoin de vivre en groupe, seuls quelques-uns cherchent à exercer le pouvoir ; leur tendance naturelle, une fois intégrés dans un groupe, est de vaquer à leurs occupations individuelles ; ils adoptent une attitude de suiveur et vont reproduire de façon mimétique le comportement de leur chef. Ainsi, on observe qu’un même groupe humain est capable de résultats remarquables ou misérables selon que le patron est bon ou pas.

L’autorité est donc acquise au dirigeant « a priori » ; il lui appartient de ne pas la gâcher. Sa responsabilité en est grandement accrue.

Ces faits justifient que les entreprises sont largement autoritaires et centralisées et face à une telle réalité sociologique, le management partagé apparaît comme un choix non naturel qui ne peut procéder que d’une difficile prise de conscience.

Pourtant, face au double défi de la mondialisation et de la mutation technique, seule la mobilisation de toutes les ressources permettra la survie de l’entreprise.

 

4. Les dérives collectives

Tout comme les hommes agissant de façon individuelle ont tendance à privilégier leurs intérêts égoïstes, les hommes en groupe tendent à privilégier progressivement leurs intérêts catégoriels au détriment de la mission autour de laquelle ils se sont constitués. Et ce n’est pas le privilège des fonctionnaires ou de groupes comme les politiques ou les syndicats : les entreprises n’y font pas exception.

Faute de pouvoir « servir deux maîtres », délaisser l’entreprise revient à permettre qu’un système technocratique et irréfléchi se substitue au management humain, à refuser la prise de risque et, progressivement, à conduire l’entreprise à sa perte de sens.

 

5. Mieux se connaître soi-même et mieux connaître les autres

Mieux se connaître soi-même afin de mieux capitaliser sur ses talents et mieux porter remède à ses faiblesses, n’est-ce pas un rêve ?

Or, de nombreux écrans viennent s’interposer entre le réel et nos perceptions et jugements qui sont à l’origine de nos actes. Ces écrans sont le résultat d’imperfections aux moments premiers de la constitution de notre personnalité, de conditionnements hérités de notre éducation et de l’environnement social dans lequel nous avons grandi, des peurs que nous développons d’être rejetés par la société… ils sont aussi le résultat des faiblesses du système neurologique sensoriel qui nous permet d’appréhender le réel.

Porter un regard analytique critique sur nous-mêmes est la démarche préalable indispensable pour comprendre les autres puisque la relation que nous avons avec nous-mêmes est ce sur quoi nous prenons appui pour établir notre relation avec ceux qui nous entourent.

Minimiser ces écrans conduit à modifier son comportement et à le rendre plus acceptable par les autres tout comme cela conduit à comprendre le comportement des autres et le rendre plus acceptable à ses propres yeux. Etre mieux perçu par les autres et mieux les percevoir, c’est substituer la compréhension au jugement et ouvrir la porte à l’idée que des remèdes sont possibles.

Et découvrir sa propre richesse est le chemin pour découvrir celle des autres et cela permet à de nouvelles ressources de se révéler au service de l’entreprise.

 

6. Faire grandir l’intelligence

Dans la démarche pour mieux se connaître soi-même on arrive inévitablement au constat que notre intelligence est extraordinairement plastique : la société et nous-mêmes la formons, la conditionnons, la limitons… mais, tout autant, nous pouvons la faire grandir.

Qui n’a pas observé que l’intelligence grandit avec les responsabilités que l’on assure ? En fait nous n’en utilisons qu’une faible partie, l’autre est en sommeil.

Le dirigeant sera le « Prince » qui réveillera sa propre intelligence et celle des autres.

 

7. Et d’autres thèmes

D’autres thèmes sont couverts par cet essai. Ils visent tous à donner au dirigeant un meilleur jugement, à l’aider à trouver le juste équilibre entre ses émotions et sa raison, à discerner entre les vraies valeurs et les fausses, à s’assurer du juste équilibre entre ses intérêts propres et ceux de l’entreprise et à donner plus de place au facteur humain.

« Il n’est de richesse que d’hommes », Jehan Bodin.

Mon vœu est de partager avec les dirigeants un peu de la découverte des fondements de la sagesse humaine, animé par la conviction que les entreprises en seront plus efficaces et plus heureuses.

 

Cet article a été publié sur Vox-Fi le 14 février 2017.