La mondialisation financière, qui s’est opérée depuis les années 80, a transformé les modes de financement de l’activité économique et modelé les champs de l’économie réelle : accélération de la croissance économique, macro-équilibres (taux d’investissement, d’épargne ou de consommation), rapport profit-salaire, allocation des ressources humaines et surtout création d’un risque systémique sur les marchés de crédit dont la conclusion fut la crise récente égale en intensité à celle des années 30.

Mais cela n’a-t-il pas aussi conduit à une financiarisation de l’économie et à un capitalisme financier dans lesquels l’intérêt de l’actionnaire efface le prestige du manager et où la rentabilisation du capital investi s’impose comme la mesure première du bien-être collectif (entreprises et individus) ? Alors que les entreprises doivent combiner le pilotage à court terme et la sortie de crise, ne convient-il pas de repenser une économie réelle au sein de laquelle la finance, au service de l’économie, retrouverait son rôle principal d’accompagnateur de la croissance et de facilitateur d’une répartition efficiente des richesses ?

Prenons à cet égard quelques exemples parmi d’autres. Si, dans une première étape, l’objectif d’allouer des ressources financières aux secteurs et entreprises les plus productives a été atteint, force est de constater a contrario que la financiarisation des subprime a montré les insuffisances de gouvernance des marchés ; Alan Greenspan a d’ailleurs reconnu devant les parlementaires américains son aveuglement sur les excès des marchés, les biais de l’asymétrie d’information et le comportement psychologique des acteurs. Sont également apparus l’ampleur des risques endogènes et la déplorable qualité des modes de fixation des prix des actifs immobiliers. Par osmose, l’efficacité des marchés du crédit censés irriguer 90 % du tissu économique non financier en a été profondément affectée.

Ainsi que la DFCG le rappelle depuis de nombreux mois, une hypertrophie des entreprises financières signifie un assèchement du marché du travail pour les autres, sans savoir si cette répartition est optimale. Et plus personne ne pense que les profits provenant d’opérations de marché réalisées en quelques millièmes de secondes ont réellement contribué à une création de valeur pour l’économie et justifié l’ampleur des bonus, tout comme leurs modes de détermination au regard de leur « utilité » économique. D’ailleurs, le secteur non financier n’est plus prêt à les payer ! Nous avons donc assurément atteint, en matière d’innovation financière, les limites prévues par la théorie des rendements décroissants.

La « définanciarisation » est-elle possible ? Les événements récents ont validé, en finance, le mécanisme de la résonnance d’un système (physique ou informatique) qui, ayant atteint sa « fréquence propre », devient incontrôlable… sauf à le bloquer par une impulsion externe forte. Au-delà des raisons « morales » et du problème des bonus évoqué par Lord Turner, la taxe Tobin pourrait jouer ce rôle de frein à l’entrée des marchés dans une situation de résonnance bien connue en physique des systèmes, et donner aux régulateurs et gouvernants la possibilité de siffler la fin de la partie.

Parallèlement aux transformations nécessaires de leur supervision et de leur gouvernance, il convient de revoir la finalité des marchés – l’irrigation financière optimale de l’économie – et donc, le modèle économique et la gouvernance des banques, afin de ramener la finance à sa « juste valeur » dans l’économie. Les profils de risque de l’industrie financière en seront immédiatement modifiés et les changements de régulations et de supervisions nécessaires apparaîtront d’eux-mêmes. Les résultats des banques et assurances qui ont su trouver un équilibre relatif entre banques de détail et d’investissement, entre gains d’arbitrage et facturations représentatives d’un service transparent au client, valident ces choix stratégiques. En desserrant alors l’étau de leurs fonds propres réglementaires, les établissements de crédit pourront redonner des marges financières de développement aux entreprises.

Contribution originale de la DFCG pour    Option Finance (08/09)