Faut-il réinventer le contrôle de gestion ?
Ouvrage Dunod : « Toute la fonction contrôle de gestion », paru en octobre 2014
Les grandes fonctions de pilotage de la performance évoluent régulièrement. Que ce soient dans le domaine du management, celui de la fonction financière ou encore de la fonction RH, ou d’autres, tous ces champs sont dans l’obligation de s’adapter aux environnements économiques et politiques des écosystèmes au sein desquels évolue leur entreprise. La fonction contrôle de gestion n’est pas en reste.
Le dernier ouvrage de Dunod qui s’intitule « toute la fonction contrôle de gestion » nous offre une présentation et une description du contrôle de gestion des « temps modernes » particulièrement pertinente et intéressante.
En premier lieu sur la manière dont cette description a été abordée, selon trois thématiques : les savoirs, les savoirs faire, les avoirs être.
En termes de savoirs nous apprenons comment et pourquoi cette fonction s’est déplacée de missions techniques aux interactions limitées avec peu d’acteurs vers des missions beaucoup plus riches avec une multitude d’interlocuteurs, du contrôle au conseil en quelque sorte.
En termes de savoirs faire, nous découvrons que au-delà des techniques de base, le contrôle de gestion doit également exceller dans le domaine des SI et celui de la gestion des conflits et de la recherche des consensus et s’impliquer dans le changement, dont il peut être l’un des dépositaires.
Enfin en termes de savoir être, le contrôleur de gestion ne peut plus négliger l’attitude et le comportement qu’il doit adopter afin d’être au maximum de son efficacit.
En deuxième lieu sur la pertinence des sujets qui y sont abordés.
Notamment, il est intéressant de repérer très rapidement les points d’impact très novateurs que l’environnement économique, social et politique provoque sur cette fonction.
Par ailleurs, comme le titre de l’ouvrage l’indique, tous les aspects de la fonction sont décrits avec un très grand soin d’exhaustivité.
Enfin, la description très pédagogique de ce document permet de comprendre et de s’y retrouver facilement par rapport à ses propres expériences et vécus quotidiens
Les aspects novateurs qui impactent la fonction contrôle de gestion.
Combiner le pilotage interne avec le pilotage externe auprès des actionnaires et de l’ensemble des parties prenantes constitue une des évolutions structurantes de la fonction. Désormais le contrôleur de gestion doit également savoir s’intéresser aux actionnaires et à toutes les parties prenantes, ce qui représente des novations non négligeables. Dans ce domaine la construction du reporting intégré va constituer une de ses préoccupations essentielles.
Dorénavant, la performance s’analyse autour de 3 dimensions : économique et financière, sociale, environnementale ou sociétale avec la RSE (responsabilité sociale et environnementale). Il devient impératif de disposer d’une vision durable de la performance qu’il convient absolument de privilégier et qui s’impose au sein de toutes les organisations, garant de la pérennité des résultats et de la fidélisation des actionnaires. Si la performance sociale peut désormais s’apprécier avec plus de facilité, notamment grâce au bilan social et aux indicateurs spécifiques, tel n’est pas le cas encore pour ce qui concerne la performance environnementale.
Par ailleurs, la complexité envahit le management des entreprises et va compliquer la vie des contrôleurs de gestion. Effectivement, il convient dorénavant de faire face à un phénomène de normalisation internationale marquée par une tétranormalisation touchant tous les domaines : qualité et environnement avec les normes ISO, comptabilité et finances avec les normes IFRS, commerce et échanges avec les règles de OMC, social et administratif aves les règles de l’OIT. Tout ceci a pour effet de provoquer une amplification de l’audit et du contrôle pour s’assurer de l’application des normes.
Ainsi tout naturellement émerge la nécessité de savoir analyser les risques. L’approchche par les risques et le contrôle interne deviennent incontournables et s’imposent aux contrôleurs de gestion qui doivent en maîtriser les objectifs et les méthodologies.
Mais cette complexité réside également en interne, devant le développement des organisations complexes devenues matricielles et transversales, à organigramme plat. Le management à distance privilégiant les échanges électroniques et virtuelles exige de nouvelles méthodes de travail et impose de réinventer ses pratiques de contrôle de gestion
Un éventail des fonctions et des domaines du contrôle de gestion très exhaustif
La présentation des différentes fonctions et expertises du contrôle de gestion est réalisée avec soin et pertinence.
- La distinction entre reporting et tableaux de bord est développée avec beaucoup d’à-propos, sachant que la plupart du temps règne une certaine confusion entre ces deux outils essentiels du contrôleur de gestion
- La description du processus budgétaire met l’accent sur la nécessité impérieuse de s’appuyer et de décliner la stratégie d’entreprise. Il est recommandé de concilier les approches top down et bottom up et de généraliser le rolling forecast.
- Le suivi et l’analyse des coûts imposent dorénavant au contrôleur de gestion de s’intéresser de plus en plus aux coûts cachés, en s’appuyant sur une conception socio économique du contrôle de gestion. Désormais, il convient de mettre en place un modèle général de calcul des coûts cachés mettant en évidence les causes de dysfonctionnement des organisations et leurs impacts sur les performances. Le contrôle de gestion de l’immatériel, du capital humain et des fonctions de support devient incontournable. Si la comptabilité analytique et les méthodes traditionnelles de calcul des coûts restent évidemment indispensables, elles de ne sont plus suffisantes pour piloter la performance.
- La nature du contrôle de gestion d’une entreprise doit absolument prendre en considération les méthodes de management adoptées par les dirigeants. A ce titre le contrôleur de gestion doit les connaître et les maîtriser. Une revue de ces différentes méthodes nous est proposée : le management 1.0, le lean management, l’analyse de la valeur, le kaizzen, le six sigma, le balanced scorecard, …,
- L’accent est mis sur les différentes formes de contrôle de gestion sectoriel, tels que contrôle de gestion commercial, le contrôle de gestion social, qui présentent des réalités et des spécificités à prendre en considération.
- L’implication du contrôle de gestion dans le changement des organisations est de plus en plus évidente. Evolution délicate exigeant une capacité acrobatique pour également rester le « gardien du temple » garant de la stabilité des chiffres et des analyses.
- La maîtrise des technologies de l’information constitue un aspect critique de la fonction. Si Excel reste toujours le « compagnon » de vie du contrôleur de gestion, l’irruption des outils de BI, du cloud, du Big data bouleversent les dispositifs informatiques du contrôleur de gestion.
- Puis devenir un coach, un conseiller interne, un business partner constitue des évolutions incontournables de la fonction exigeant alors un comportement également complexe combinant éthique, psychologie et également esprit de décision.
Cet ouvrage répond bien à tout ce que l’on doit connaître sur la fonction de contrôle de gestion. La rédaction très pédagogique, très concrète démontre le vécu et l’expérience concrète que les auteurs ont réussi à transcrire.
Tout contrôleur de gestion retrouvera ce dont il a besoin au regard du contexte dans lequel il évolue. A ce titre cet ouvrage est un apport précieux. Souhaitons qu’il puisse servir renforcer le professionnalisme de cette fonction éminente.