Raymond Barre parlait d’austérité et Pierre Mauroy de rigueur. Le gouvernement actuel prône la discipline. Que de termes négatifs ! Si j’étais ministre du budget, j’évoquerais l’assainissement absolument nécessaire, de mon point de vue, des finances publiques.

A ce titre, l’idée qui consiste à penser que l’on peut déplacer la politique budgétaire actuel des pays de la zone euro (dont la France) sur une sorte de règle qui irait de la rigueur à la croissance relève des bisounours. C’est un monde rêvé, mais qui n’existe pas. La situation, très simple à comprendre, est la suivante : nos créanciers (on parle de façon vague des « marchés » mais il s’agit des créanciers de nos Etats), après avoir somnolé pour diverses raisons jusqu’à l’année 2008, ont enfin décidé d’analyser le risque souverain. Stupeur : ils réalisent que les risques qu’ils ont pris sont supérieurs à ceux qu’ils pensaient prendre. Voilà qui renvoie un peu durement dans leurs filets ceux qui voyaient dans la crise de 2007-2008-2009 le grand retour des Etats. Cette idée s’est brisée, non pas sur une contrainte idéologique, mais sur une contrainte bêtement budgétaire. Il n’y aura pas de grand retour des Etats car les Etats n’en n’ont simplement pas les moyens.

Dans certains pays, les taux des obligations privées sont même devenus inférieurs aux taux publics : certains prêteurs voient dans le secteur privé un havre de paix ! Le risque, c’est bien entendu que les taux obligataires publics, dans un pays comme la France, augmentent et emmènent la dette sur une trajectoire non soutenable. C’est un risque qu’un pays comme le nôtre, vu son contrat social, ne peut pas prendre.

Voilà pourquoi l’assainissement (la rigueur) est une nécessité et non pas une option parmi d’autres. La question n’est donc pas de choisir entre rigueur et croissance, mais de rendre la rigueur compatible avec la croissance. Notons de ce point de vue que les méchants marchés sont assez gentils : il font chuter l’euro / dollar, ce qui a l’effet d’un méga plan de relance par l’extérieur. Ensuite, il y a rigueur et rigueur. Si l’assainissement passe par une augmentation d’impôts à tous les étages, en effet, la récession est à nos portes (l’augmentation massive des prélèvements obligatoires a pour double effet de diminuer la demande globale et d’affaiblir les incitations à la production). Si elle passe par un effort de mutualisation accru pour l’Etat, par l’externalisation de certaines tâches assurées aujourd’hui par le secteur public et qui pourraient l’être à moindre coût par le secteur privé, alors on ne fera que transférer du « PIB public » en « PIB privé ». Donc pas de panique. L’assainissement, ce n’est pas forcément la récession.