Les inscriptions à Pôle Emploi se sont accrues de 60 000 en septembre après un repli de 50 000 en août. Sur les deux mois cela correspond à une hausse de 10 000 soit 5 000 par mois. Cela doit être rapporté au chiffre moyen de 23 400 constaté chaque mois de janvier 2012 à juillet 2013.
Cependant ces données sont celles des personnes inscrites en catégorie A (personnes sans activité à la recherche d’un emploi). Si l’on prend l’ensemble des personnes à la recherche d’un emploi (avec un acte positif de recherche) ayant ou n’ayant pas une activité (catégories A, B et C) alors sur les deux mois le nombre d’inscrits diminue de 8 500 (-62 700 en août et + 54 200 en septembre).
 
 
Quelle que soit la mesure, le mouvement d’un mois sur l’autre est spectaculaire. On note dans le premier graphe que les changements constatés récemment reflètent principalement les sorties de Pôle Emploi. C’est la courbe rouge sur le graphe (la ligne rouge foncée est la moyenne sur 3 mois et elle progresse fortement). Cela correspond à la hausse des radiations depuis le printemps.
La chute des entrées en août (ligne bleu) a été corrigée en septembre de telle sorte que la moyenne (ligne bleu foncée) est stable. Or cette ligne d’entrées est celle qui doit normalement être affectée par les contrats liés à la politique de l’emploi (contrats de génération, contrats d’avenir). On constate que l’effet en est réduit parce que l’appétence pour ces contrats est limitée, la conjoncture est incertaine (contrats de génération) ou les finances publiques locales insuffisantes (contrats d’avenir).
 

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(Cliquez sur les graphiques pour les voir en plus grand)
 
 

Les fluctuations récentes de grande ampleur s’expliquent grandement par la correction du bug informatique du mois d’août lorsque des SMS de rappel n’étaient pas partis en direction des inscrits à Pôle Emploi ne s’étant pas encore manifestés. Cela s’était traduit par une hausse des radiations. Le chiffre de septembre corrige cet excès lié à une question technique. Le deuxième graphe montre ce dysfonctionnement.
 
 

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Le souci sur les chiffres ne vient pas de cette correction. Il s’agit davantage des données liées à la partie conjoncturelle des chiffres de Pôle Emploi.
 
 

Dans les chiffres publiés par le Ministère du Travail, il y a deux parties distinctes: une partie des chiffres de flux d’entrées et principalement de sorties correspondent à la gestion des personnes déjà inscrites. C’est dans cette partie que se trouvent les données relatives aux radiations.
Et puis il y a la partie des flux correspondants à ceux qui entrent et ceux qui sortent pour des raisons directement économiques. C’est le cas par exemple des personnes en fin de Contrat à Durée Déterminée. C’est le cas aussi des personnes qui reprennent un emploi. On voit bien que les deux types de flux ne reflètent pas spontanément les mêmes problématiques.
 
 

La partie qui va nous intéresser est celle des flux liés à l’activité. Sur cet aspect il y a eu d’importants changements par rapport au mouvement constaté depuis le printemps. Depuis cette période (Avril) les entrées à Pôle Emploi reflétant les fins de CDD, les fins de mission d’intérim ou encore de licenciements économiques avaient tendance à ralentir. Cela pouvait refléter un environnement plus robuste et pouvait se justifier au regard des enquêtes menées auprès des chefs d’entreprise (INSEE et PMI/Markit).
En Septembre cet indicateur d’entrées à Pôle Emploi se dégrade nettement comme si l’amélioration constatée depuis le printemps s’était interrompue. Dans le troisième graphe on note bien ce changement même si en valeur absolue le chiffre n’est pas encore trop élevé. C’est ce changement de tendance qui est préoccupant si effectivement il indique un retournement conjoncturel. On relève aussi une réduction par rapport à août des reprises d’emploi. On a ainsi ici un cocktail moins favorable: les entreprises ont repris leur réduction d’effectifs sans retour des embauches.
 
 

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Cependant la dynamique du marché du travail est plus complexe. L’enquête PMI/Markit pour la France publiée le 24 octobre montre une autre vision de ce marché. Si l’on observe la composante Emploi de cette enquête elle indique une probable stabilisation de l’emploi autour de la fin d’année. C’est ce qu’indique le quatrième graphique où l’on constate la cohérence entre l’indice de l’enquête et la variation trimestrielle de l’emploi marchand. La dynamique reste ainsi incertaine sur l’évolution effective du marché du travail puisque les signaux issus de l’enquête semblent opposés à ceux collectés par Pôle Emploi.
 
 

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A la question de l’amélioration du chômage avant la fin de l’année, il peut y avoir trois réponses possibles
Soit on regarde l’emploi et si l’on suit la cohérence entre l’enquête PMI/Markit et l’emploi marchand il ne peut être exclu qu’il se stabilise autour de la fin d’année
Soit on regarde les inscrits à Pôle Emploi. On constate alors que les inscrits sont de 5 000 en moyenne au cours des deux derniers mois et de 6 200 en moyenne depuis mai alors que depuis 2012 la hausse moyenne des inscriptions était de 23 400. Si la situation conjoncturelle connait une embellie même réduite alors le chiffre pourra être proche de 0 à la fin de l’année.
Soit on regarde le taux de chômage. Historiquement celui-ci a une forte inertie. Il se retourne systématiquement après les chiffres de Pôle Emploi. Il ne baissera pas d’ici à la fin de l’année.
 
 

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Finalement, au-delà du facteur technique constaté en août et corrigé en septembre, la dynamique du marché du travail apparait aujourd’hui davantage orientée par la conjoncture que la politique menée. La crise dure, le chômage reste élevé et les effets de la politique de l’emploi sont réduits. Cela doit-il nous amener à réfléchir autrement sur la dynamique du marché du travail? Surement si l’on fait l’hypothèse que la croissance potentielle de l’économie française est voisine de 1% ou un peu plus. Ce sera cela l’enjeu des prochains mois: comment adapter le marché du travail à une croissance durablement lente.
 

 

Retrouvez cet article sur le blog de Philippe Waechter, et en pdf ici : France – Au delà du bug, les chiffres de Pôle Emploi se dégradent