Le sommet de Toronto, le quatrième du G20, a enregistré peu de progrès notables en matière de régulation financière, un des éléments clés de l’agenda initial de ce groupe. Lors du premier sommet fin 2008 à Washington, de nombreux dirigeants, en particulier européens, avaient mis l’accent sur la nécessité d’apporter « des solutions mondiales au problème mondial » de la crise. Le but semblait être d’harmoniser la réglementation et les pratiques afin de sécuriser uniformément le système financier. Parmi les 47 points mentionnés en conclusion de ce sommet, pas moins de 38 concernaient la régulation financière. Aujourd’hui, cependant, une bonne partie des projets phares sont embourbés. Les négociations du Comité de Bâle sur la réglementation bancaire ne seront sans doute pas finalisées cette année comme initialement prévu. Les normalisateurs comptables ont annoncé qu’ils n’atteindraient pas l’objectif de convergence à la mi-2011 que leur avait fixé le dernier sommet du G20. La coopération internationale a été mise à mal par des initiatives unilatérales telles que l’interdiction récente des ventes à découvert en Allemagne. L’idée d’un prélèvement coordonné sur les banques, introduite cette année, s’est heurtée à une opposition plus forte que prévu.

Il est certes trop tôt pour conclure à un échec. Pourtant, avec le recul, certains objectifs apparaissent trop ambitieux, voire utopiques. La régulation financière est un domaine trop politique pour s’affranchir des réalités locales. Pour rester crédible, l’agenda du G20 doit être recentré sur la base de fondamentaux plus clairs, en se focalisant sur les risques de contagion financière transfrontalière tout en préservant l’efficacité de l’allocation mondiale des capitaux.

Beaucoup d’enjeux n’ont pas besoin d’être traités au niveau mondial, comme en témoigne le projet de loi américain de réforme financière, très touffu mais dont les retombées internationales directes sont limitées. La banque de détail, notamment, joue avant tout un rôle d’intermédiation au sein de chaque pays, ou dans le cas européen, au sein de l’UE. La crise islandaise a mis à mal le modèle de « passeport » régissant les succursales bancaires transfrontalières, pour lesquels la garantie des dépôts par le pays d’origine s’est révélée inopérante. Pour préserver son marché bancaire intégré, l’UE doit se doter d’un cadre prudentiel supranational qui reste largement à construire, malgré le progrès que constitue la création d’une Autorité bancaire européenne. Dans le reste du monde, des filiales localement capitalisées et financées demeureront le modèle dominant. Dans ce contexte, l’unité de normes prudentielles serait souhaitable, mais pas indispensable.

La coordination internationale est certainement plus nécessaire pour la banque d’investissement, dont un rôle clé est de canaliser les capitaux d’un pays à l’autre. Dans ce segment, l’alternative logique à des filiales financées localement est un soutien explicite de la part de la maison-mère, avec des normes suffisamment homogènes pour que les acteurs de différents pays puissent rivaliser équitablement et pour décourager les formes les plus néfastes d’arbitrage réglementaire. Dans le cas des banques universelles, la garantie publique des dépôts ne doit pas subventionner indûment l’activité de banque d’investissement. Ceci signifie sans doute que les banques d’investissement seront de plus en plus originaires de grands pays (il sera intéressant d’observer le cas de la Suisse), et que les effets concurrentiels internationaux du modèle de banque universelle pourraient se retrouver sur la sellette. Le débat public sur ces problèmes difficiles a à peine commencé.

Enfin, pour les marchés des capitaux, l’intégration transfrontalière est une nécessité alors même que la régulation doit être renforcée, et en conséquence le G20 pourrait devoir être plus ambitieux qu’il ne l’a été jusqu’à présent. Pour certains acteurs financiers qui jouent un rôle limité mais crucial – notamment les infrastructures de compensation, les réseaux d’audit, et les agences de notation – la création d’autorités de surveillance mondiales pourrait s’avérer nécessaire, même si les modèles pour ce faire font aujourd’hui défaut.

La promesse du G20 est une « re-régulation » de la finance mondiale qui soit crédible tout en évitant la fragmentation selon les frontières nationales. Pour atteindre cet équilibre, les dirigeants mondiaux devront faire preuve de plus de pragmatisme et de sens des priorités qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent.