On a tendance à l’oublier un peu vite, mais en matière de gouvernance d’un pays et de ses conséquences monétaires et fiscales, les mêmes causes ont tendance à produire les mêmes effets.

L’ U.E. (zone euro ou pas) est en effet actuellement régie institutionnellement par les mêmes mécanismes qui ont eu cours aux Etats-Unis entre 1776 ( déclaration d’indépendance) et 1787 (Constitution originelle, amendée depuis par de nombreux amendements). Pour faire court :

1. Les 13 états qui s’étaient révolté contre l’Angleterre (sur un slogan essentiellement fiscal : « no taxation without representation ») étaient tous juridiquement indépendants : pouvaient déclarer la guerre, battre leur propre monnaie, etc., comme les 27 états européens d’aujourd’hui.

2. Aucun impôt « fédéral » n’existait : le Congrès américain en était réduit à demander des subsides aux Etats pour financer l’armée continentale, et après la victoire franco-américaine de Yorktown (fin 1781), les soldats américains, dont la majorité avaient un arriéré de solde de plusieurs années, regagnèrent en masse leurs foyers, à telle enseigne que lorsque les 10 000 soldats britanniques quittèrent New-York pour Halifax en Décembre 1783, il ne restait plus que 800 hommes à Washington !

3. L’unanimité était requise en matière fiscal, qui bien sûr n’était jamais obtenue.

La situation post-indépendance était tellement chaotique que les parlementaires américains se mirent d’accord (non sans mal) pour revoir de fond en comble le système des « Articles of Confederation », ce qui leur pris de mai à septembre 1787, pour accoucher de la Constitution actuelle.

L’opposition au changement venait surtout des Etats du Sud, et il fallut tout le poids d’hommes illustres comme Washington et Franklin pour persuader les délégués des Etats que le « statu quo » était invivable…

Avec ce petit parallèle historique, on mesure mieux l’ampleur de la tâche qui attend les dirigeants européens, qui auront à construire des règles de majorité qualifiée en matière fiscale et monétaire avec des états qui, contrairement à leurs homologues US de 1787, sont parfois vieux de plus de 1000 ans, avec toutes les conséquences mémorielles que l’on devine…

Gageons que la crise grecque sera le révélateur de la nécessité d’abandonner chacun un peu de souveraineté si l’on veut éviter que la situation n’empire irrémédiablement…

Seul problème (de taille) : qui seront les Washington et Franklin européens ?