À l’instar de « la confiance n’exclut pas le contrôle », la cession des risques n’exclut pas leur gestion.

L’utilisation du terme « cession des risques » seul est en soi très réducteur car il peut faire croire que cette pratique équivaut à un transfert total du risque, sans aucune forme de gestion, de prévention ou de suivi.

Ce n’est pas valorisant pour l’entreprise, car on peut croire qu’elle se désintéresse des conséquences de ses activités ; c’est dommageable pour le tiers qui accepte de prendre le risque et limitatif pour le risk manager dont le rôle peut être assimilé à celui d’un simple « passeur » – d’aucuns diront acheteur de polices – terme au demeurant souvent usité, mais sans véritable reflet de la réalité.

 

Évaluer le risque pour mieux le céder

 

De fait cession et gestion sont complémentaires et indissociables pour au moins trois raisons.

Le gestionnaire de risque le cède à un tiers, en vue de diminuer tout ou partie des conséquences financières de son occurrence à l’aide d’une tierce partie. C’est pourquoi on évoque généralement le transfert du risque.

Cette recherche d’un assureur, banquier, voire investisseur, ayant la capacité, la solidité et la robustesse financière suppose la vérification de son rating, l’analyse de son ratio de solvabilité, la prise en compte de différents paramètres comme celui de tenter de comprendre sa stratégie d’exposition aux risques, de s’informer sur sa gestion des sinistres et leur règlement, conformément aux attentes et aux conditions contractuelles.

Une autre possibilité consiste à transférer le risque à une entité dédiée du groupe d’assurance ou de réassurance : l’entité captive. Dans ce cas, il s’agit de disposer d’une société capable de porter tout ou partie du risque. On parle de rétention car le gestionnaire transfère, sans la céder, une partie du risque à un tiers et garde l’autre partie en la faisant porter par cette entité interne, la captive qui doit bien évidemment répondre aux ratios réglementaires classiques de solvabilité – qui finance le risque.

Ainsi, lorsque survient un sinistre, l’entreprise reste responsable de son suivi, de la gestion de son image, des conséquences humaines, sociales et environnementales. Difficile d’évoquer une « cession du risque », car l’entreprise reste totalement impliquée. Elle doit se préoccuper notamment du retour à la normale de son activité et de son positionnement sur le marché. Bien évidemment, l’assureur est un partenaire financier – puisqu’il permet à l’entreprise de réparer les dommages et de redémarrer – et logistique, car il dispose de réseaux, de réflexes et de services utiles à l’entreprise. Un partenaire humain enfin car l’ampleur de certains dommages sont lourds à porter seul et une relation de confiance et de partage représente un véritable soutien.

Enfin, si le risque se caractérise par un impact comme nous venons de le voir, il se caractérise aussi par une probabilité de réalisation. Si le premier peut être transféré, en tout ou partie, la probabilité ne peut évidemment pas l’être. Cette probabilité est le degré potentiel de réalisation du risque, un des éléments fondamentaux permettant de calculer le coût de la cession exprimé à travers la prime dont s’acquittera l’entreprise auprès de l’assureur.

Ce calcul s’établit à partir de statistiques, d’historiques et d’autres bases de données dont dispose l’assureur, mais également via le dispositif enterprise risk management (ERM). Et c’est au moyen d’échelles, d’entretiens, de tests de  maîtrise, d’historiques et de retours d’expérience, que le risk manager s’appliquera à estimer le poids du risque dans l’entreprise.

 

La cession n’exclut pas la gestion

 

Plus la maîtrise interne du risque est forte, plus sa probabilité de réalisation est faible. Il n’y a pas de bonne mesure du  risque sans une politique de prévention sérieuse. Par exemple, lorsqu’une usine est potentiellement inondable, on peut surélever ses stocks, changer l’écoulement des eaux autour des bâtiments, surélever la route d’accès, construire une digue de protection… autant de mesures qui rentrent dans le cadre d’une gestion préventive.

Plus cette maîtrise interne sera efficace, plus la probabilité de réalisation diminuera, et par conséquent plus le coût de la cession sera impacté favorablement. On parle de contrôle interne, de formation, de mesures opérationnelles, de bon sens… En un mot, la gestion préventive influe directement sur le coût de la cession. L’assureur calculera sa prime en fonction de l’environnement dans lequel est géré le risque de manière préventive.

Comme on le voit, cession, transfert et gestion sont bien complémentaires. La cession même auprès d’une captive, ne peut se faire sans gestion, sans accompagnement ni sans prévention. La gestion pourrait se faire sans cession, mais c’est faire courir un risque majeur à l’entreprise qui, tous les jours, voit sa pérennité potentiellement remise en cause.

En réalité, la cession n’est donc que l’une des solutions qui s’offrent au gestionnaire de risques ou risk manager pour gérer ses risques. Le risque peut être accepté, refusé ou partagé.

Mais dans tous les cas on s’attachera à le réduire ou tout au moins à le contenir si on ne peut pas le faire disparaître totalement. Pour cela, la seule méthode efficace est la prévention. Par ce moyen, le risk manager va mettre en place les outils ou les systèmes qui permettront de détecter la probabilité de déclenchement du risque.

Plus les mesures de prévention seront déployées et détaillées, meilleures seront les solutions de traitement du sinistre – s’il survient – et de ses conséquences. Parmi ces solutions la cession sera d’autant mieux acceptée ou négociée par l’assureur ou le cessionnaire que le plan de prévention lui aura été soumis et aura reçu son agrément. Une bonne cession du risque et donc du règlement du sinistre en cas d’occurrence ne peut se faire sans préparation conjointe du plan de prévention entre le cédant et le cessionnaire. Il s’agit là d’un impératif, voire d’une condition posée par l’assureur qui accepte que lui soit transféré le risque.

Une cession totale ou partagée n’est pas envisageable sans une gestion responsable du risque qui suppose un plan de prévention, un suivi de l’évolution du risque et enfin un traitement rapide et efficace de ses conséquences dans le cas de sa matérialisation.

Finalement il apparaît qu’il ne faut pas choisir entre céder ou gérer son risque, mais bien toujours le gérer même s’il est décidé de le céder.

 

Article paru dans Echanges no 298, mai 2012, p. 37-38