Jeudi dernier, la Grèce a emprunté cinq milliards d’euros à dix ans et, malgré une forte demande – trois fois le montant proposé -, a dû proposer aux investisseurs 6,25 % de rendement, soit près du double du taux auquel emprunte l’Allemagne, représentant un spread de 310 Bp, à comparer aux 400 Bp du CDS à la fin février. La Grèce est-elle sortie d’affaire ? Voire.

Dans un post du 12 février 2010, « La Grèce encore », nous écrivions : « La Grèce annoncerait seule des mesures musclées aussitôt acceptées par le FMI, qui conditionnerait son soutien au respect scrupuleux du calendrier, pendant que les chefs d’Etat de la zone Euro proposeraient un plan de renforcement de l’Europe. La Grèce resterait maîtresse d’elle-même, le FMI ne serait pas nécessairement un exécuteur des basses œuvres, l’Allemagne n’aurait pas à avancer de fonds et l’Europe trouverait en elle les moyens de son rebond et éclairerait le bout du tunnel. »

Les événements de la fin de la semaine dernière semblent nous donner malheureusement raison. En effet, vendredi 5 mars, le pays était largement paralysé par un vaste mouvement de grève, ce qui n’a pas empêché le Parlement de voter le même jour les mesures annoncées courageusement par le Premier ministre grec. Face à une opinion divisée et fort semble-t-il d’un accord – technique dit-on dans les milieux bruxellois – de Monsieur Strauss-Kahn sur la pertinence de son plan, Monsieur Papandreou attend un geste fort de soutien des Européens. Voici un florilège de leurs réponses.

Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe, reconnaît que « La Grèce devra emprunter et se refinancer à un taux élevé pendant un certain temps », tout en plaidant : « Il y a une solidarité européenne avec la Grèce – du moins dans la zone euro. Une solidarité qui peut être activée au cas où les marchés financiers ne prendraient pas acte des efforts faits par Athènes. La Grèce ne sera pas laissée à son propre sort. » Prié de dire si cette solidarité serait synonyme d’aide financière, sa réponse n’est pas faite pour rassurer les autorités grecques : « Non, ce n’est pas ce qui se va se passer. Nous disons simplement aux marchés financiers : prêtez attention à ce qui se passe. Nous n’abandonnerons pas les Grecs, mais nous ne leur donnons pas non plus l’impression que nous allons simplement leur donner de l’argent. »

Les Allemands ne sont pas plus enthousiastes. Alors que Madame Merkel poursuit ses consultations au sein de sa coalition gouvernementale et avec le Parlement, le quotidien le plus lu d’Allemagne, Bild, rétorque aux Grecs assez vertement, voire de façon insultante, dans une lettre ouverte : « Vous êtes en Allemagne », un pays « très différent du vôtre ». Suit une liste dont voici des morceaux choisis : « ici, personne ne doit payer des milliers d’euros de pots-de-vin pour s’assurer un lit d’hôpital », ou « l’Allemagne a aussi de grosses dettes mais nous les remboursons, parce que nous nous levons tôt le matin et travaillons toute la journée ». La rupture entre l’Allemagne et la Grèce est presque consommée.

Il ne reste maintenant plus au Premier ministre grec qu’à passer officiellement par la case FMI pour obtenir des financements à des conditions plus avantageuses que celles accordées par les marchés ; c’est ce qu’il fera cette semaine à Washington.
Tout se passe-t-il donc selon le plan indiqué dans le post du 12 février ? Non, sur un point : la mise en place d’une gouvernance économique solide et commune de la zone Euro n’a apparemment pas avancé depuis le dernier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de mi-février.

Puisque l’Euro semble se maintenir à un niveau de 1,35 dollar enrayant depuis quelques jours son mouvement de baisse brutale, d’aucuns diront que l’essentiel, l’Euro, est préservé. Certes, mais si l’occasion actuelle de renforcer les institutions de l’Eurozone n’est pas saisie, on peut craindre qu’il en soit fini pour un moment de la construction européenne et le programme Europe 2020, annoncé la semaine dernière par Monsieur Baroso, fera bien pâle figure !