Interrogez autour de vous ceux qui le connaissaient. Ils vous diront comme nous la chance et le plaisir qu’ils ont eus de le côtoyer. Jean-Louis était une personne de bien. Il avait au plus haut point des qualités qu’on trouve rarement réunies : le courage, la générosité, la fidélité à ses valeurs et à ses amis, et une curiosité sans bornes qui en faisait un touche-à-tout de talent.

Le courage. Jean-Louis était et avait été auditeur, à un niveau très avancé, au service de clients prestigieux. Dans cette position, il fallait être capable de maintenir la règle, de défendre son point de vue, dût-il vous coûter la perte du client et donc la perte de revenu pour le cabinet. Mais sur la durée, c’est précisément cette réputation et cette solidité que les entreprises recherchaient. Jean-Louis était un auditeur de la sorte, à la fois redouté et apprécié de ses clients, pour son expertise, la sureté de ses jugements et pour le courage à s’y tenir, à résister aux pressions. Sa simplicité et son évidente agilité d’esprit faisaient le reste.

Éthique et expertise professionnelles, c’est ce qui conférait à Jean-Louis cette espèce de charisme qui incitait ses collègues et ses amis à se tourner vers lui, à solliciter un coup de main, une explication, la résolution d’un problème complexe. Et Jean-Louis s’y prêtait de bonne grâce, très simplement, avec gaieté. Les choses étaient toujours aisées pour lui, et il avait plaisir à les partager, à les simplifier pour les autres, sans compter son énergie et son temps, comme s’il en disposait à l’infini.

Homme cultivé, Jean-Louis avait de multiples centres d’intérêt, et passait avec jubilation et facilité d’un sujet à l’autre. On devine, pour nous ses amis de Vox-Fi et de la DFCG qui étions toujours à l’affut de bonnes idées, l’utilité que présentait un tel « collègue ». Il connaissait les problématiques comptables, ayant joué un rôle important dans la difficile acclimatation en France des normes IFRS au début des années 2000. Surtout, il connaissait profondément le monde de l’entreprise, vérifiant le fait qu’un bon auditeur, fort de ses positions de conseil, a toute capacité, au-delà des simples chiffres, à s’emparer des questions stratégiques que se posent ses clients. Nul ne s’étonnera que BFM en ait fait un chroniqueur régulier et que HEC l’ait retenu comme enseignant.

Il avait codirigé depuis son origine la revue web Vox-Fi, qui lui doit pour bonne part son développement présent. Il avait travaillé avec la DFCG sur une charte d’éthique pour les directeurs financiers, apportant son expérience en matière de déontologie, acquise lorsqu’il était au conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables. Il coprésidait aussi avec talent l’Académie des sciences et techniques comptables et financières.

Jean-Louis était un homme d’entreprise aussi, avec une rigueur remarquable dans la gestion. Il avait été le bras droit d’Edouard Salustro dans le cabinet Salustro et, par bras droit, il faut entendre celui qui faisait tourner la boutique et qui apportait un solide portefeuille de grands clients. Il avait été force motrice lors de la fusion avec le cabinet Reydel ; puis, ultérieurement, rejetant la proposition de rachat par KPMG, il avait monté son propre cabinet, BMA, fort de la confiance préservée de se clients. Les choses allant et venant comme toujours, il avait par la suite créé deux autres cabinets, toujours avec l’aisance qui le caractérisait.

Qu’aurait-il fait s’il n’avait été comptable ? On peut hésiter. Il a dû hésiter. Jeune, il se voyait, et avait été, pilote de ligne. Jeune, il avait vécu au Cameroun où il est né, et gardait un attachement particulier pour l’Afrique et y consacrait une part de son activité professionnelle. Il aurait pu être beaucoup d’autres personnes, et c’est ce beaucoup qu’il avait en lui et que nous partagions et qu’il nous faut regretter à présent.