La bourse n’est pas (en général) le lieu où se financent les entreprises
La Bourse est un lieu où s’échangent des actions, c’est-à-dire qu’elle donne liquidité aux actionnaires investis dans le capital des entreprises. La Bourse est un lieu où sont évaluées les actions, une mesure précieuse parmi d’autres pour guider les investissements.
Mais la Bourse n’est pas, en majorité, le lieu où les entreprises se financent. Le gros du financement vient de l’autofinancement, c’est-à-dire du profit retenu et non distribué, et, bien sûr, de l’endettement.
Le graphique suivant est parlant. Sur l’ensemble des entreprises cotées en Bourse aux États-Unis, il montre en bleu le flux de financement net par dette et en rouge celui par capitaux propres, ceci en proportion de l’actif total des entreprises en question.

L’accroissement de l’endettement est net des remboursements. Les émissions nettes de capitaux propres prennent en compte les rachats de ses actions par l’entreprise et, on y vient, les rachats d’actions dus aux opérations de M&A (question de l’auteur : je n’arrive pas à savoir si les dividendes versés font partie des retraits, ce qui serait logique).
On constate qu’hormis les périodes de tension sur les marchés financiers (où les prêts se font rares et où les entreprises sont réservées quant aux distributions à leurs actionnaires et à leurs acquisitions), il y a structurellement, et en net, une sortie de fonds des entreprises aux actionnaires.
En clair, la Bourse est là pour retirer de l’argent plutôt que pour en apporter. C’est en partie trompeur. Par nature, les entreprises fabriquent des capitaux propres, c’est-à-dire des profits qu’elles ne distribuent pas. Souvent, d’ailleurs, elles transforment leurs levées de dette en investissements qui rapportent des profits et qui accroissent les capitaux propres pour la part qui n’est pas distribuée. Ceci constitue une sorte de grande noria dans la circulation du capital.
La ligne en rouge montre ce qu’il en est de la rémunération des actionnaires. Imaginons une société sans croissance qui fait régulièrement un profit. L’actionnaire est en quelque sorte porteur d’une rente perpétuelle, à partir de son injection de fonds initiale.
Où vont les fonds retirés ? Une partie est recyclée en dette via le système bancaire ou les prêts privés. Une autre est injectée en capitaux propres dans de nouvelles entreprises ou dans des entreprises non cotées en Bourse et dont certaines le seront plus tard, sur une valorisation encore faible. Notons, par exemple, que l’immense déversement de fonds sur les projets d’IA s’opère pour l’essentiel sur les entités non cotées. La dernière partie, enfin, est consommée par les détenteurs de capitaux. Quel statisticien vaillant ira s’occuper de tracer la décomposition entre ces trois modes de sortie ? La chose est importante et pourtant très mal suivie.
Maintenant le M&A. Quand une entreprise en rachète une autre et le fait en cash, elle se finance en dette et fait sortir les actionnaires de la cible. Cette dernière, ayant quitté la Bourse, voit ses capitaux propres remplacés le plus souvent par de la dette au sein de l’entreprise qui acquiert.
Le graphique suivant (données disponibles ici) décompose les retraits de capital du graphique précédent en rachats d’actions (par l’entreprise sur ses propres actions) et rachats par opérations de M&A, c’est-à-dire par acquisitions d’actions, les fusions d’entreprises ne donnant pas lieu à sortie de capitaux propres.

On voit, avec une certaine surprise, qu’au total les retraits pour cause d’acquisitions d’entreprise sont aussi importants que les retraits par rachat d’actions, sauf peut-être sur la période récente, avec toujours l’interrogation sur l’endroit où sont logés les dividendes.


