Perrier Y., Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique. Un cadre d’action, rapport 139 pages, 2022.

Le « rapport Perrier », rédigé à la demande du Ministre de l’Economie, formule des recommandations destinées à promouvoir la Place de Paris en « place de référence européenne de la finance durable ». Ces propositions répondent à l’objectif de neutralité carbone fixé dans le cadre des accords de Paris (cop 21 de 2015) et de Glasgow (cop 26 de 2021). Après avoir retracé l’historique des nombreuses conventions, réglementations et référentiels normatifs applicables à la finance durable ou verte, le rapport formule 22 recommandations, organisées en 7 chapitres : instaurer une comptabilité carbone ; revoir et consolider les méthodologies d’analyse ; promouvoir de nouvelles pratiques de gouvernance et de gestion de l’externalité carbone par les institutions financières ; former les diverses parties prenantes aux enjeux climatiques ; définir des standards de produits et des méthodes de notation pour les labels ; déterminer une trajectoire de sortie des énergies fossiles ; encourager l’innovation financière. Le rapport préconise de co-piloter ces chantiers par deux organismes de coordination : une instance de pilotage stratégique chargée d’arbitrer les questions de normes et d’interprétation ; un comité opérationnel en charge de coordonner les études à l’échelle européenne. Ce comité devrait réunir des organismes les plus impliqués dans le développement de la finance durable (l’ADEME, l’4CE, l’Institut Louis Bachelier, Finance for Tomorrow et l’Observatoire de la Finance Durable). Ce rapport est très commenté dans la communauté financière mondiale.

 

Lemoine Benjamin, L’ordre de la dette. Enquête sur les infortunes de l’Etat et la prospérité du marché, La Découverte, 326 pages, 2022.

 Une réédition augmentée du livre de Benjamin Lemoine, intitulé L’ordre de la dette et préfacé par André Orléan, vient de paraître aux éditions La Découverte. La lecture ou relecture de cet ouvrage de référence est utile afin de mieux comprendre le débat qui risque d’opposer en 2022 les Etats dépensiers aux Etats frugaux de l’Union Européenne. L’auteur, sociologue et chercheur au CNRS, y analyse la procédure de « privatisation de la création monétaire » engagée par l’Etat français avec l’article 25 d’une loi de 1973 interdisant le financement du budget par la Banque de France. Cette étape a précédé en 1987 la transformation des instruments financiers de l’Etat (OAT, billets de trésorerie…) en simples « produits de consommation » librement négociables sur les marchés internationaux.

L’auteur se livre à une enquête de sociologie politique auprès des principaux acteurs – hommes politiques, hauts fonctionnaires, banquiers – de l’ordre de la dette publique. Il décrit comment l’Agence France trésor émet continuellement des emprunts obligataires destinés à combler le solde de trésorerie et le déficit structurel de l’Etat. Il constate que « la mise en marché » de la dette est « le résultat de l’alignement de techniques controversées, de doctrines économiques bricolées et de médiations d’hommes ».

Benjamin Lemoine refuse de croire que l’organisation des finances de la France a atteint un point de non-retour. Il compare les solutions alternatives qui permettraient d’éviter « la sujétion de l’Etat au marché » sans retomber dans l’économie administrée. Il rappelle les différentes politiques d’annulation ou de restructuration des dettes publiques appliquées dans les pays du tiers monde et dans certains pays occidentaux comme la Grèce. Il plaide en faveur d’une annulation de la dette lorsqu’elle « atteint un niveau insoutenable » pour la population locale.

Il s’interroge jusqu’où l’ordre de la dette peut- il tenir sans provoquer une crise sociale. Il appelle les politiques, les technocrates et les économistes à « ouvrir la boite noire de la dette » et à faire preuve de créativité afin de la rendre supportable.

 

Boulenger F. et Raimbault F., Ils font l’économie : 40 parcours d’entrepreneurs audacieux, De Boeck, 2022, 222 pages.

 L’ouvrage retrace les parcours de 40 entrepreneurs engagés dans des projets à la fois originaux et risqués. Mais les auteures ne se limitent pas à restituer des entretiens enregistrés en 2020 et 2021 avec des acteurs impliqués, elles sont accompagnées d’un psychologue et psychosociologue (Eric Daazan) qui se livre à des diagnostics cliniques des profils des entrepreneurs classés en neuf idéaux-types : les héritiers, les self-made, les capitaines dans la tempête, les piliers, les visionnaires, les militants, les aguerris, les marathoniens et les joueurs. Ces figures de l’entrepreneuriat présentent des profils variés par leurs formations, leurs milieux sociaux et leurs cultures.

Ces portraits méritent l’attention à plus d’un titre, car ils permettent d’identifier les critères exigés pour créer de la valeur (l’entrepreneur est un bâtisseur), tisser du lien social (il est un employeur et un rassembleur), forger des modèles (il est un leader), prendre des décisions (il doit être responsable). Malgré leurs différences, ces portraits présentent des traits communs. Ils réunissent les qualités d’assembleurs de capacités et de compétences complémentaires.

Le psychosociologue décrypte les réponses des entrepreneurs et déconstruit leurs récits. Il donne l’illusion aux lecteurs du livre qu’ils sont eux-mêmes cliniciens. Il dresse une cartographie originale des seuls véritables créateurs de valeur de la société post-moderne dominée par la pensée de Schumpeter.

Florence Boulenger est journaliste et Fanny Raimbault est présidente de l’agence Doublesix.