Thomas Philippon, Les gagnants de la concurrence. Quand la France fait mieux que les États-Unis, Éditions du Seuil, 2022, 417 pages

Thomas Philippon, économiste français auteur du « capitalisme des héritiers » et professeur à l’Université de New York, démontre que la concentration excessive des firmes industrielles a conduit, dans certains secteurs d’activité, à une limitation de la concurrence aux Etats Unis, tandis que les politiques et les règlementations françaises en faveur de la libre concurrence, ont permis, au cours des années 2000, de libérer les entrées sur les marchés, d’améliorer la productivité et la qualité, de stimuler l’innovation et de favoriser la compétitivité-prix des entreprises. Ce constat est contre-intuitif car les États-Unis symbolisent la libre concurrence, tandis que l’Europe est perçue comme une économie administrée.

L’auteur rappelle les fondements de l’économie de la concurrence, en citant Adam Smith : « la concurrence des capitalistes fait hausser les salaires et baisser les profits ». Il compare les différents indicateurs de concentration et commente notamment l’indice de Herfindahl-Hirschman. Il analyse les principales opérations de fusion-acquisition réalisées des deux côtés de l’Atlantique, et montre qu’elles ont généralement contribué à renforcer le pouvoir de marché de quelques groupes, à maintenir des prix artificiellement élevés, à limiter les investissements et les hausses de salaires, ainsi qu’à creuser les inégalités entre les actionnaires et les salariés. Mais il distingue les bonnes et les mauvaises concentrations, citant Walmart et Amazon parmi les premières, et certains GAFAM parmi les secondes, car elles cherchent à se soustraire à l’impôt et mènent des actions massives de lobbying.

Thomas Philippon conclut en énonçant trois nouveaux principes d’économie politique : libre entrée, partout, tout le temps ; dans un marché efficace, l’entreprise marginale est au bord de la faillite ; protéger la transparence, la vie privée et les données personnelles.

 

Augustin Landier et David Thesmar, Le prix de nos valeurs, Flammarion, 2022, 272 pages

Les auteurs ont reçu le prix Turgot en 2011 pour leur livre sur « la société translucide ». Dans leur dernier livre, ils développent la thématique de la restauration des valeurs qui devraient guider la « vraie vie ». Ils réhabilitent les valeurs de liberté, de responsabilité et de solidarité face aux dangers qui menacent la société post-moderne : le culte de l’efficacité, la fracture sociale, la faiblesse des institutions, le dérèglement climatique… Ils rappellent les leçons des pères fondateurs du libéralisme – Adam Smith, Tocqueville, Bastiat, Hayek, Schumpeter, Kirzner et Nojik – en soulignant qu’ils croient à la fois au marché et à l’État. Ils critiquent la vision scientifique – quasi-scientiste – que la plupart des économistes contemporains propagent dans les colloques universitaires et les médias grand public. Ils dénoncent certaines formes actuelles de « matérnalisme arrogant », comme le nudge (ou communication d’influence) par lequel les leaders politiques et les marketeurs orientent les choix des électeurs et des consommateurs. Les auteurs s’efforcent de restaurer le sens attribué aux comportements et aux pensées – et donc, aux valeurs – des acteurs sociaux. Ils analysent leur langage qui traduit de plus en plus les dilemmes auxquels ils sont confrontés. Ils se livrent à des observations nuancées des valeurs qui mobilisent « l’agir humain ». Ils s‘interrogent sur le prix à payer pour défendre certaines valeurs. Ils constatent que la hiérarchie des valeurs diffère selon les cultures nationales. Ils montrent que les français, plus que leurs voisins européens, sont attachés aux valeurs locales plutôt qu’aux principes universels. Ils prônent le développement de l’entrepreneuriat social qui engendre 10% du PIB français, avec 225 000 établissements, 2,5 millions de salariés et 22 millions de bénévoles.

Augustin Landier et David Thesmar sont respectivement professeurs à HEC et à l’Ecole polytechnique.