Milanovic B., Le capitalisme sans rival, Editions La découverte, 300 page (traduit de l’anglais)

Depuis son dernier livre intitulé « Inégalités mondiales », B. Milosevic est avec Th. Piketty le champion de la lutte contre les inégalités. Son dernier livre prolonge la réflexion initiée par Fukuyama sur « la fin de l’histoire ». L’auteur montre en effet que la capitalisme règne désormais sans partage en Europe, aux Etats-Unis comme en Asie. Le système capitaliste présente les trois mêmes principes dans ces trois zones : une production dictée par le profit, une main d’œuvre majoritairement salariée, un capital privé avec une gouvernance plutôt décentralisée. Il distingue toutefois deux formes de capitalisme : libéral et méritocratique, autoritaire et d’Etat. Il démontre que l’extension du capitalisme a contribué à élever le niveau de vie moyen, mais également à creuser les inégalités, car la part du capital dans le revenu mondial a progressé de 4 à 5 % au détriment de celle du travail, à la fois dans les pays riches et les pays pauvres. L’auteur analyse également l’évolution des formes du travail et il prédit un développement du travail à distance et donc, un recul des migrations de population. Il s’interroge enfin sur les alternatives au capitalisme actuel, pour conclure que ces dernières ne peuvent qu’être pires.

Branko Milosevic a été économiste à la banque mondiale. Il est l’auteur de la courbe de l’éléphant qui modélise la distribution des revenus dans la monde.

 

Amicel G., Boukerche A., Autopsie de la valeur travail – A-t-on perdu tout sens de l’effort ?, Editions Apogée, 162 pages

Selon Voltaire, « le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin ». Selon les auteurs, la valeur du travail est un concept fondamental de la société contemporaine, mais elle ne repose plus que sur le temps et donc, sur l’argent. Pour la plupart des acteurs sociaux, le travail n’est plus un instrument d’épanouissement ou un vecteur de libération. Il est en crise en raison de la montée du chômage et du sous-emploi, de la gestion optimisée du temps de travail… Le système néocapitalisme transforme le travailleur en objet divisé, quantifié, normé et rationalisé. Le travail n’est plus porteur de sens. Il était méprisé chez les Grecs, puis considéré comme une pénitence au Moyen Âge. Il devient un objet de réflexion au siècle des lumières, puis une notion politique au XIXe siècle avec les pères fondateurs du capitalisme et du marxisme. Aujourd’hui, la valeur travail a été vidée de sa substance originelle, car la production matérielle n’est plus l’étalon permettant d’évaluer une tâche et lui attribuer une valeur. Les principes économiques actuels semblent donc avoir atteint leurs limites. Les philosophes en déduisent que doit être révisé le paradigme d’Adam Smith selon lequel « c’est en poursuivant leur intérêt personnel que les individus œuvrent pour le bien commun ». L’organisation basée sur l’efficacité, la productivité et le rendement, doit laisser place à un monde du travail plus éthique, plus solidaire et plus écologique. Les auteurs prônent une certaine décroissance économique, l’auto-limitation de la consommation et la relocalisation de la production.

 

Cohen E., La société à mission. La loi Pacte : enjeux pratiques de l’entreprise réinventée, Editions Hermann, 212 pages

L’originalité du livre réside dans son approche des conséquences juridiques de l’adoption, par un actionnaire et un dirigeant, du statut de société à mission, dérivé de celui de société à objet social étendu. La société à mission a l’engagement d’exercer une mission intégrant des objectifs sociaux et environnementaux non réductibles au profit. L’affichage de sa raison d’être contribue à son enracinement dans son écosystème et dans la société civile. Cet engagement collectif est contrôlé par un comité de mission composé de représentants des parties prenantes de l’entreprise. La mission doit présenter un caractère pérenne. Elle contribue à valider le concept de gouvernance partenariale. Elle fait l’objet d’arbitrages de la part de ses dirigeants, qui acquièrent une plus grande indépendance vis-à-vis des actionnaires. L’auteur s’efforce de montrer que l’application de ce statut n’est pas idéaliste. Il estime que l’intervention du législateur était nécessaire, car la pression de la finance verte ne suffit pas à imposer une gouvernance pleinement responsable. Il craint toutefois que si les cours boursiers des sociétés à mission ne « superforment » pas – voire ne s’alignent pas – sur ceux des firmes conventionnelles, les effets de ce nouveau statut risquent d’être limités.

E.Cohen (avocat) a participé aux recherches sur le statut de société à mission.