L’anarchie fiscalo-comptable actuelle nécessite d’innover pour réduire sérieusement l’insécurité fiscale : rédaction d’une instruction sur la connexion en général et sur son éventuelle extension aux comptes consolidés, nouvelle mission pour les commissaires aux comptes, recours inédit à la doctrine comptable de la Profession Comptable et enfin amélioration par l’ANC des règles comptables pour des raisons fiscales … telles sont mes propositions présentées au colloque du 13 avril 2015 sur la sécurité fiscale, organisé à Bercy par Fondafip sous le haut patronage du ministre des finances et des comptes publics.

Les 3 actions concrètes suivantes devraient permettre de réduire sensiblement l’insécurité fiscale liée aux règles comptables (dont les causes ont été développées dans la 1ère partie).

1. Élaboration commune, par la DLF et l’ANC*, d’une instruction générale sur la connexion comptabilité-fiscalité, et sur son éventuelle extension aux comptes consolidés, qui serait opposable à l’administration

*donc avec les représentants des entreprises et de la Profession Comptable

a. Rassurez les entreprises en clarifiant les points clés d’application liés à la connexion comptabilité-fiscalité

En reprenant toutes les leçons tirées des nombreux arrêts du Conseil d’Etat pour clarifier les conséquences pratiques générales de cette connexion, les conséquences fiscales en cas de libre choix entre méthodes comptables, les éventuelles différences entre une optimisation comptable sur l’IS et sur la CVAE, la valeur juridique de la doctrine comptable, etc. ….

b. Rassurez les entreprises en clarifiant la portée pratique de l’extension de la connexion comptabilité-fiscalité aux comptes consolidéset en prenant conscience du problème de compétence qu’elle implique

En répondant notamment aux questions suivantes. Cette extension de connexion aux comptes consolidés est-elle :

– juridiquement correcte ? Oui pour les règles françaises de consolidation, mais Non pour les IFRS.

– légitime par rapport àl’égalitéentre contribuables ? Non, car défavoriserait les groupes par rapport aux petites sociétés pour un même traitement retenu dans les comptes sociaux

légitime sur le fond ? Oui, les analyses devant être a priori les mêmes entre les 2 jeux de comptes, mais attention à l’incohérence d’apparence car les règles peuvent différentes !

– incontournable sur un plan pragmatique ? Possible si l’on en juge par la porosité entre les comptes consolidés IFRS et les comptes sociaux.

Dans l’attente de ces réponses, actez une phase test pédagogique pendant laquelle les redressements sur les comptes sociaux fondés uniquement sur les comptes consolidés devraient cesser, ce qui n’empêche nullement l’administration de demander aux entreprises des explications… et la question de la compétence des services vérificateurs à la consolidation, IFRS notamment, sérieusement évoquée.

2. Actions des entreprises pour se défendre contre les motifs comptables de redressement

a. Confiez à votre(vos) commissaire(s) aux comptes la mission d’éclairer l’administration sur vos traitements comptables et divergences entre comptes sociaux et consolidés

Pour tous leurs redressements importants fondés sur des motifs comptables, les sociétés contrôlées pourraient donner mission à leur CAC d’éclairer l’administration en donnant un avis technique comptable. Il n’y a là aucune notion de fiscalité, de défense, ni d’assistance, seulement la délivrance d’un avis technique comptable pour servir dans le cadre d’un contrôle fiscal, avis déjà autorisé par la norme d’exercice professionnelle (NEP 9050) et déjà en conformité avec le réglement européen des services « non audit » applicable en 2016.

b. Demandez à votre expert-comptable et/ou votre(vos) commissaire(s) de faire conforter officiellement vos positions comptables par la Commission Comptable commune de la Profession (CNCC/OEC)

Comme ils le font déjà pour toute question comptable concernant l’établissement des comptes sociaux et consolidés ou leur certification, mais avec l’intérêt supplémentaire de saisir cette commission en concertation avec la société contrôlée. Les réponses de cette commission, composée d’environ 30 experts représentatifs de plus de 15 cabinets, donnent lieu à publication mensuelle valant doctrine comptable officielle … et si le sujet est trop délicat, la commission, prudente, saisit l’ANC.

3. Action de l’ANC pour améliorer les règles comptables engendrant des risques fiscaux

Lancez un inventaire des situations comptables concernées et clarifier les règles comptables en conséquence

L’intérêt de discuter de cet inventaire est qu’il pourrait inciter l’ANC à se préoccuper davantage de sécurité fiscale. Car, il faut bien le reconnaître, du seul point de vue comptable, la pratique et les techniciens se satisfont du flou des règles comptables. Tel pourrait être par exemple le cas de la notion de substance (si l’on en juge justement par les premières discussions de transposition de la directive à l’ANC), des titres de participation (classement, reclassement suite à cession partielle, etc…) ou encore les limites pratiques de la cohérence entre comptes sociaux et consolidés (règles françaises et IFRS).

En définitive, ces propositions sont concrètes, relativement faciles et rapides à mettre en place. Espérons qu’elles retiendront l’attention du ministre, qui a organisé ce colloque du 13 avril sur la sécurité fiscale dans le seul but de recueillir des idées innovantes afin d’améliorer la confiance entre l’administration et les entreprises. Mais personne n’interdit aux différents acteurs (entreprises, profession comptable, ANC) de les reprendre à leur compte et de montrer également leur intérêt auprès dudit ministre.

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Pour en savoir plus, voir les 2 articles publiés sur ce sujet dans le Feuillet Rapide Fiscal Francis Lefebvre (FR 25/15, p.5s. et FR 28/15, p.10s. à paraître semaine du 15 juin), co-signés avec Olivier Fouquet, président de section (h) du Conseil d’Etat et auteur du rapport introductif du colloque du 13/04/2015 sur la sécurité fiscale.

 

Par Claude Lopater, expert-comptable, ancien membre du Collège de l’ANC